S'inspirer du modèle coopératif pour combattre la pauvreté au Bénin
Prenez note que cet article publié en 2014 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Des Béninoises sortent de la précarité grâce à l’alphabétisation et à des cours d’entrepreneuriat qui s’inspirent du fonctionnement des coopératives. Radio-Canada s'est rendu en juin dernier à Porto-Novo, la capitale administrative du pays, pour rencontrer quelques-unes de ces femmes ainsi que l'instigatrice québécoise du projet.
Depuis une dizaine d’années au Bénin, plus de 1200 femmes pauvres ont pu améliorer leur sort et celui de leur famille, grâce à un projet lancé en partenariat avec la Fondation Paul Gérin-Lajoie.
Ce projet offre des cours d’alphabétisation, de gestion et de marketing aux femmes pour les aider à lancer leur entreprise et à sortir de la précarité, sur un modèle qui comporte quelques éléments du mouvement coopératif.

Sébastienne Dowou (à droite) s’est regroupée avec des femmes de son voisinage il y a cinq ans, pour fabriquer notamment des tisanes et des pommades à partir de produits locaux comme le gingembre et diverses herbes et plantes médicinales.

Les affaires vont tellement bien que ce groupe de femmes va bientôt déménager sa boutique dans un autre bâtiment qu’il va pouvoir, cette fois-ci, s’acheter.
On est loin des débuts. Sébastienne Dowou explique que ses coéquipières et elle avaient de la difficulté à s’organiser et qu’elles avaient des problèmes de gestion. Elles ont alors frappé à la porte du projet « Femmes de Porto-Novo : de l’alphabétisation à l’entrepreneuriat ».

Ce projet a ses quartiers depuis une dizaine d’années dans des locaux prêtés par la mairie de Porto-Novo. Il fonctionne en partenariat avec la Fondation Paul Gérin-Lajoie, et grâce à des dons.

Celle qui supervise le projet, Sylvie Labelle (à gauche), a mis ce projet sur pied alors qu'elle était directrice, en Afrique, de la Fondation Paul Gérin-Lajoie.
Il y a tout un travail d’encadrement auprès des femmes, explique Sylvie Labelle. Elles doivent « monter un petit plan d’affaires pour leur regroupement ».
On organise une grande cérémonie chaque année pour donner, devant les médias, les fonds en comptant dans des enveloppes, pour démontrer que ça va vraiment aux femmes. Habituellement, c’est environ 300 000 francs CFA en prêts et en dons. Donc ça fait à peu près 600 ou 800 $ en dons et en prêts.
Sylvie Labelle raconte que le projet accompagne les femmes pour l’achat des équipements. Elles ont aussi des ateliers de gestion. « Elles apprennent la tenue de livres, le marketing, tout ça. C’est un parcours d’un an et demi. »
Elle ajoute que le projet intègre tous les éléments pour que les femmes s’en sortent et soient autonomes. « Un des objectifs du projet, ce sont les ristournes. Chaque femme, quand elle commence, a à peine 500 francs par mois. Puis, à la fin, ça va jusqu’à 15 000 francs par mois » en ristournes, comme celles versées aux membres d’une coopérative.
Chaque regroupement doit aussi avoir un conseil d’administration. Sébastienne Dowou, qui est la présidente du sien, dit que chaque femme de son groupe touche maintenant 10 000 francs CFA, soit cinq fois plus qu’au début de leur entreprise.

Un autre élément du projet, ce sont les cours d’alphabétisation, explique Sylvie Labelle. Les participantes, pauvres et analphabètes, sont tenues de suivre des cours d’alphabétisation pendant six mois, deux fois par semaine.
Il faut qu’elles montrent leur détermination en allant aux cours. On est en partenariat avec la Fondation Paul Gérin-Lajoie. Vous savez, la mission de la Fondation, c’est l’éducation pour tous. Si on aide des femmes, on est sûrs que l’argent qu’elles vont faire ira à l’éducation des enfants.
Une des grandes satisfactions de Nicole, qui fabrique du savon avec son regroupement de femmes, c’est que l’un de ses fils ait obtenu son diplôme secondaire.
J’étais très joyeuse. Sans cet argent, je ne peux pas aider mon enfant à avoir son diplôme.

L’enfant de Nicole n’aura pas connu le sort de nombreux petits Béninois : la traite.
Selon ce qu’a constaté l’an dernier la Rapporteuse spéciale de l’ONU en mission au pays, Najat Maalla M’jid, la traite est un phénomène d’une ampleur alarmante, en particulier dans les milieux pauvres et les familles nombreuses. Des enfants de 6 à 17 ans deviennent des domestiques ou des travailleurs dans les commerces ou dans les champs. Ils ne vont jamais à l’école, ou sont déscolarisés.
Réduire la pauvreté qui touche le tiers de la population au Bénin, selon la Banque mondiale, constitue un moyen de lutter contre ce phénomène, et aussi, d’apaiser le foyer.

Je vois que ma vie a changé complètement. Ça m’aide beaucoup. On [le groupe de femmes] fait ça ensemble, on vend, on donne ce qu’on nous a prêté. Il nous en reste un peu, et nous partageons entre nous un peu, pour manger avec nos enfants, à la maison et notre mari.