10 % des Premières Nations ont publié leurs états financiers

Des chefs des Premières nations.
Photo : La Presse canadienne / FRED CHARTRAND
Prenez note que cet article publié en 2014 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Une soixantaine des quelque 600 communautés des Premières Nations du Canada ont jusqu'à maintenant publié leurs états financiers, le salaire de leurs dirigeants et le rapport de leurs dépenses. La nouvelle loi fédérale sur la transparence financière des Premières Nations, entrée en vigueur en 2013, leur intimait de publier ces données sur Internet avant mardi soir, minuit.
Au Québec, seulement 3 des 30 communautés ont procédé à la publication de leurs données.
Le fait que les données ne soient pas encore publiées ne signifie toutefois pas que les communautés se retrouvent en contravention de la loi puisque plusieurs documents sont en cours de numérisation afin d'être publiés. De plus, les communautés peuvent publier leurs données sur leur propre site Internet ou sur celui d'une autre organisation si elles n'en ont pas.
Il est ainsi trop tôt pour déterminer combien de communautés contreviennent à la loi, mais les communautés qui omettront de s'y conformer s'exposent à la suspension de leur financement fédéral.
Une cinquantaine de dirigeants autochtones ont un salaire annuel plus élevé que celui du premier ministre du Canada.
Une loi contestée
Plusieurs communautés s'opposent à cette loi parce qu'elles jugent qu'une telle initiative devrait venir des communautés elles-mêmes et qu'elle donne trop de pouvoir au gouvernement fédéral. L'Assemblée des Premières Nations et le mouvement Idle No More notamment s'opposent également à la loi sur la transparence.
Le chef de l'Assemblée des Premières Nations, Ghislain Picard, souligne que les communautés souhaitent rendre compte de leurs états financiers à leurs membres sans que la façon de faire soit dictée par le gouvernement fédéral.
« Avant ce gouvernement, nous avions un processus en place avec le gouvernement précédent pour faire le travail de façon à ce que les opinions des chefs autochtones soient aussi prises en compte, explique-t-il. C'est loin d'être le cas ici parce qu'on procède avec une législation imposée par le gouvernement fédéral. »
Le gouvernement fédéral soutient que cette loi vise à rendre les chefs autochtones plus responsables financièrement. En vertu de cette loi, les Premières Nations doivent publier sur Internet leurs états financiers vérifiés, la rémunération et les dépenses du chef et des membres du conseil de bande, ainsi que le rapport écrit du vérificateur.
Le ministre fédéral des Affaires autochtones, Bernard Valcourt, avait d'ailleurs été chahuté lors de la présentation du projet de loi C-27, à Winnipeg, qui a été ultérieurement adoptée.
Scandales et transparence
Des scandales et des allégations au sujet des dépenses de certains chefs sont à l'origine de cette nouvelle loi. Des chefs autochtones auraient notamment utilisé des cartes de crédit du conseil de bande pour effectuer des dépenses personnelles, alors que d'autres auraient voyagé aux frais de leur conseil de bande.
« Nous avons entendu plusieurs personnes dans les réserves se plaindre de ne pas savoir combien gagnaient leurs élus », souligne le porte-parole de la Fédération des contribuables (Nouvelle fenêtre), Colin Craig. « Il y a plusieurs histoires tristes dans ce dossier. Des gens qui se font intimider parce qu'ils vont poser des questions [publiquement], » illustre-t-il.
M. Craig estime que la loi est nécessaire pour que les gens aient accès à l'information anonymement sur Internet.
Michelle Audette, présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, souligne que la « corruption » et la mauvaise gestion sont loin d'être l'apanage des Premières Nations, comme l'ont montré les récentes révélations de la commission Charbonneau.
Certains chefs autochtones ont des salaires particulièrement élevés, comparativement aux maires, selon les données mises en ligne mercredi. Ainsi, le chef des Micmacs de la Gaspésie, dont la communauté compte 700 personnes, gagne deux fois plus que le maire de Matane, une ville de 14 500 habitants.
« Nos communautés doivent gérer comme trois paliers de gouvernement, fédéral, provincial, municipal », explique Mme Audette, en entrevue à l'émission 24/60, précisant que les chefs doivent souvent s'occuper seuls de dossiers liés à l'éducation, la santé, le logement ou les infrastructures.
Bien que plusieurs communautés autochtones s'opposent à la loi, d'autres estiment qu'elle est nécessaire à la bonne gestion. « Je crois que la loi en tant que telle est bonne », avance le chef de la River Fisher Cree Nation, David Crate. « Elle appuie le travail que nous avons fait au sein de notre propre communauté. Elle renforce l'obligation de bien informer nos membres. »
La chef de la War Lake First Nation, Betsy Kennedy, souligne quant à elle la difficulté de mettre en ligne les données de sa communauté. « Nous n'avons encore rien mis en ligne, mais nous commençons à publier des données », explique-t-elle.