Pour un débat de société au Québec sur les mères porteuses

Un couple d'homosexuel peut maintenant avoir recours à une mère porteuse fécondé in vitro tout en sachant que cet acte est couvert par l'assurance-maladie. Le reportage de Normand Grondin.
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L'ancien ministre de la Santé, Réjean Hébert, se défend d'avoir agi en catimini pour autoriser la prise en charge par l'État des frais de fécondation in vitro pour les mères porteuses.
Il affirme n'avoir fait qu'appliquer le règlement en place à toutes les femmes, même si la gestation était destinée à un couple d'hommes gais. Il appelle à la mise en place de balises claires et à un véritable débat de société au Québec.
« La décision n'a pas été prise derrière des portes closes, elle a été prise selon les lois et les règlements actuels », explique Réjean Hébert.
La demande de couverture pour la fécondation in vitro d'une mère porteuse constituait le premier cas du genre pour la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ). C'est l'animateur Joël Legendre et son conjoint qui sont à l'origine de ce précédent.
L'ancien ministre de la Santé estime que le programme public de procréation assistée du Québec est « un bar ouvert, sans balises et sans limites ». « Il a été mal conçu au départ [en 2010], on doit maintenant resserrer et réparer les pots cassés », suggère-t-il.
« Il faut faire un débat à partir de données probantes, de recommandations. »
Un rapport d'ici trois semaines
Le commissaire à la santé et au bien-être doit rendre son rapport au mois de mai sur les enjeux éthiques et sociaux ainsi que les balises éventuelles à imposer au programme québécois de procréation assistée. Le nouveau ministre libéral de la Santé, Gaétan Barrette, en a fait l'annonce à son entrée au Conseil des ministres.
Le rapport se penche sur l'ensemble des règles et critères d'admissibilité et sur la pertinence ou non de tenir un registre pour ce programme qui coûte à l'État environ 60 millions de dollars par année, soit près de deux fois plus que prévu.
« La population s'attend à ce que les deniers publics soient gérés avec rigueur. »
Gaétan Barrette juge qu'il faut des balises plus claires dans le programme public de procréation assistée. Il n'a pas voulu commenter le cas spécifique de Joël Legendre. « Si c'est médicalement requis, il faut aller de l'avant », a-t-il mentionné en entrevue au 98,5 FM, avant d'ajouter : « Est-ce qu'il y a eu des portes trop grandes ouvertes dans le passé? La réponse est oui. »
Un rapport sur la famille en préparation
En parallèle avec le rapport du commissaire à la santé et au bien-être sur le programme public de procréation assistée, le Comité consultatif sur le droit de la famille planche sur son propre rapport, à la demande du ministère de la Justice.
Contrairement à l'Ontario, le Code civil québécois ne reconnaît pas le statut de mère porteuse, et tout contrat conclu avec un couple est illégal. Dans la situation actuelle, rien n'empêche la mère porteuse de garder l'enfant après l'accouchement, et rien n'oblige le couple à accepter l'enfant.
« Le ministère de la Santé est peut-être allé un peu trop vite en affaires », commente le professeur de l'Université de Montréal Alain Roy, qui préside le Comité consultatif sur le droit de la famille. « Le règlement a été interprété sans tenir compte de l'environnement juridique dans lequel il s'inscrit », fait-il remarquer.
« Il faut une décision sur le fond et elle n'a pas encore eu lieu. On ne peut pas faire l'économie de cet important débat. »