La traite de personnes à Ottawa : une industrie de 26 millions de dollars

La journaliste Nathalie Tremblay fait le point sur les problèmes de traite de personnes à Ottawa
Selon une équipe d'experts, au moins 140 femmes disent avoir été forcées à travailler comme prostituées, dans la capitale nationale.
Selon la vice-présidente du conseil d'administration du projet « Personnes en action contre la traite de personnes » (PACT-Ottawa), Pauline Gagné, l'étude de son groupe démontre que les trafiquants profitent de la vulnérabilité de leurs victimes.
« Ce qui arrive souvent, c'est que les trafiquants vont utiliser les réseaux sociaux pour suivre les conversations et voir ce qui se passe et voir qui est vulnérable et où est-ce que ces personnes-là se trouvent. »
« Du jour au lendemain, je perds mon emploi, j'ai de la misère à vivre, quelqu'un peut venir m'offrir quelque chose qui semble bon. Je peux me faire prendre là », explique Mme Gagné.
Les histoires personnelles des victimes varient et il est donc difficile d'établir un portrait type des personnes à risque d'être recrutées par des trafiquants.
Toutefois, 90 % des victimes rencontrées par le groupe d'experts ottaviens au cours des 10 derniers mois sont nées au Canada et la plupart sont âgées de 12 à 25 ans.
Certains proxénètes ont parfois un profil surprenant. En janvier dernier, une adolescente âgée de 17 ans, qui était accusée d'avoir dirigé un réseau de proxénétisme à Ottawa, a été reconnue coupable de 27 des 33 accusations portées contre elle, dont celle de traite de personnes. C'est la première fois dans l'histoire du Canada qu'une adolescente est reconnue coupable d'une telle accusation.
Une industrie lucrative
Selon les experts de PACT-Ottawa, le trafic de personnes génère des revenus de 26 millions de dollars dans la capitale. Le trafic de drogues est la seule industrie illicite qui soit plus lucrative.
Le Service de police d'Ottawa révèle que le prix moyen pour les services d'une travailleuse du sexe est de 200 $ par heure.
« Ottawa [...] c'est une capitale, donc, oui, ça va être un lieu où il y a beaucoup de gens qui passent, alors c'est facile d'avoir des gens qui peuvent être victimes de traite de personnes. C'est facile aussi de faire passer des personnes à Ottawa, pour ensuite les amener ailleurs. »
De plus, la traite de personnes au pays ne touche pas seulement la traite sexuelle; elle prend aussi la forme de travaux forcés et de trafic d'organes.
L'Organisation internationale du travail évalue cette industrie à 32 milliards de dollars à l'échelle mondiale.
Des agents doubles pour contrer les trafiquants
Si PACT-Ottawa tente de conscientiser la population au phénomène méconnu qu'est la traite de personnes, les policiers d'Ottawa viennent de créer, au cours des six derniers mois, une unité spéciale pour s'attaquer aux trafiquants.
Des agents doubles infiltrent certains établissements en se présentant comme des clients afin d'aller à la rencontre des victimes de la traite de personnes et de tenter de les convaincre de quitter leurs proxénètes.
« Nous parlons avec des mots simples, pour être certains qu'elles comprennent que nous nous soucions d'elles, que nous sommes là pour nous occuper d'elles et les sortir de là. »
Mais même lorsqu'une victime est secourue, il est difficile de la convaincre de témoigner, ajoutent les policiers.
Quatre détectives et un sergent du Service de police d'Ottawa sont affectés spécifiquement aux enquêtes sur les prostituées âgées de moins de 18 ans.
Un climat de peur
Une ancienne travailleuse du sexe a accepté de raconter son histoire à CBC, sous le couvert de l'anonymat et en utilisant un pseudonyme.
Maintenant âgée de 28 ans, Sarah explique qu'elle a été forcée de travailler dans l'industrie du sexe pendant quatre ans par un membre des Hells Angels avant de prendre la fuite.
Elle ajoute avoir peur de dénoncer son agresseur aux policiers.
« Je ne veux pas mettre ma famille à risque [...] Les gens les plus importants pour moi sont mes proches et c'est ce que je dois faire pour les protéger. »
Les policiers et les chercheurs disent avoir entendu plusieurs histoires semblables à celle de Sarah.
L'organisme PACT-Ottawa bénéficie d'un financement de 200 000 $ sur deux ans pour mener, à l'échelle locale, une recherche sur la sécurité, formuler des constats, concevoir et mettre sur pied un ensemble de priorités afin de prévenir la traite de personnes.
Source : Projet imPACT
D'après les informations de Laurie Trudel et de CBC.