Commission sur la charte : le gouvernement reste ferme sur les objectifs

Le ministre Bernard Drainville, en commission parlementaire à Québec, le 14 janvier
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Le ministre responsable des Institutions démocratiques, Bernard Drainville, s'est dit convaincu que les audiences publiques sur le projet de loi 60, qui ont commencé lundi à Québec, se feront dans la sérénité et le respect.
« De façon générale, les mémoires sont bien préparés, réfléchis. On va apprendre beaucoup de choses en commission. Ça va très bien se passer. Même s'il y a des désaccords, on va se respecter », a-t-il dit en point de presse, avant l'ouverture des travaux à l'Assemblée nationale.
« Oui, il faut adopter la charte, mais il ne faut pas brûler les étapes. Même si des gens sont contre la charte, s'ils ont l'impression d'avoir été écoutés et respectés, ils auront plus le goût de la respecter lorsqu'elle aura été adoptée », a-t-il ajouté.
Dans son allocution d'ouverture en commission, le ministre a tenu à rappeler que l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires dans les institutions publiques était une partie essentielle du projet de loi. « Le gouvernement reconnaît que ce changement pourrait s'avérer déchirant pour certaines personnes. C'est pourquoi nous proposons des moyens pour qu'il se fasse humainement, dans le respect des personnes », a-t-il dit.

Sébastien Bovet analyse la première journée des audiences sur le projet de charte des valeurs.
En point de presse, la première ministre du Québec, Pauline Marois, a insisté sur le fait qu'une période de transition était prévue pour permettre une adaptation à la nouvelle loi, si elle était adoptée.
Néanmoins, le gouvernement reste « ferme sur les objectifs », a-t-elle dit. Si les partis d'opposition persistent à vouloir renverser le gouvernement minoritaire lors du vote sur le prochain budget, le ministre Drainville n'exclut pas que l'enjeu de la prochaine campagne électorale porte sur la laïcité de l'État.
À l'ouverture de la commission, le député libéral Marc Tanguay a estimé qu'il fallait « arrêter de laisser dire des faux-fuyants comme, par exemple, la politique c'est une religion et un macaron du PQ c'est comparable à une kippa, non! »
« Et M. Drainville, au premier chef, devra bouger et faire des compromis. Ce n'est pas vrai qu'en gouvernement minoritaire, on a la vérité absolue », a déclaré de son côté la députée caquiste Nathalie Roy, en point de presse.
Des pour et des contre
Le premier intervenant à être entendu en commission parlementaire, l'ancien président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) Réjean Parent, a dit être pour l'interdiction du port de signes religieux pour les employés de l'État. « À partir du moment où l'État établit des règles, les employés doivent se conformer », a-t-il dit en point de presse juste avant le début des travaux.
Selon Réjean Parent, le projet gagnerait en cohérence s'il réglait la question de la place du crucifix à l'Assemblée nationale et si l'interdiction du port de signes religieux était étendue aux parlementaires.
Le deuxième intervenant était Sam Haroun, auteur de L'État n'est pas soluble dans l'eau bénite. Il s'est lui aussi dit pour l'interdiction des signes religieux dans la fonction publique - sans exception - et a soutenu que la charte des valeurs répondait à une attente, en inscrivant dans la loi la séparation entre la religion et l'État. Le professeur retraité critique cependant la manière dont le gouvernement s'y prend. « La charte des valeurs pèche par son approche frontale et son caractère catégorique. En un mot, elle n'appelle pas le consensus », a résumé M. Haroun.
La Société d'histoire de Charlevoix a fait valoir l'importance d'une charte en régions. Le projet de loi 60 y est-il utile? « Absolument », dit le président de l'association, Serge Gauthier, « pour circonscrire un vécu commun pour des communautés culturelles nouvelles qui s'établissent désormais en plus grand nombre partout dans nos régions. On est content de les accueillir. Aussi, pour qu'il soit clair avec les mêmes règles qui s'appliquent partout. »
Par contre, Samira Laouni, présidente de l'Organisme de communication pour l'ouverture et le rapprochement interculturel, a donné un autre son de cloche. « Nous refusons absolument, fermement et catégoriquement qu'on interdise à quelqu'un de porter ce qu'il considère faire partie de sa foi et de son identité », a-t-elle tranché.
Les membres de la commission ont reçu quelque 250 mémoires et une quinzaine de demandes d'interventions sans mémoire. De ce nombre, 215 personnes ou groupes vont défiler devant les commissaires, puisqu'ils ont envoyé leur mémoire avant la date limite du 20 décembre. On estime qu'au moins 200 heures seront nécessaires pour entendre tous les intervenants, puisque 60 minutes sont prévues pour chaque personne ayant soumis un mémoire.
La fin de la commission parlementaire marquera le début de l'étude du projet de loi - article par article - par les députés, projet qui sera ensuite soumis au vote.
Un projet de loi déposé en novembre
C'est la deuxième fois que le public a la possibilité de donner son avis sur le projet de charte des valeurs. Une consultation avait été mise en place par le ministre Drainville, sur les premières propositions du Parti québécois, dévoilées le 10 septembre afin d'ouvrir une discussion devant conduire au dépôt du projet de loi.
Le projet de loi en tant que tel a finalement été déposé le 7 novembre, changeant de nom, mais subissant peu de modifications de contenu. La Charte des valeurs québécoises est ainsi devenue la Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que d'égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d'accommodements.