La gestion des égouts basée sur de fausses données

Prenez note que cet article publié en 2013 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les eaux usées non traitées débordent dans les cours d'eau beaucoup plus souvent que ne le rapportent les statistiques officielles, avec des conséquences graves pour l'environnement et la santé des gens, selon ce qu'a découvert l'émission Enquête.
Johanne Desautels et Serge Boucher possèdent un chalet au lac Pohénégamook dans le Bas-Saint-Laurent. Au fil du temps, ils ont commencé à soupçonner que leur municipalité déversait illégalement des eaux usées non traitées dans le lac en face de leur chalet.
Au cours des vacances estivales de 2006, toute la famille est tombée malade dans la même semaine : pneumonie, gastroentérite, otite, douleur au rein.
« Christophe [l'un des enfants de la famille] faisait 40 [degrés] de fièvre, il se tordait de douleur. [...] Des bouts, tu ne savais pas s'il allait perdre son rein ou pas. Ça faisait six jours que ça ne fonctionnait pas », explique Johanne Desautels.
L'enfant de six ans a souffert d'une grave infection du rein par douleur. Il s'en est tiré sans séquelles, mais les médecins ont affirmé que son infection était due à une contamination à la bactérie E. coli.
Les égouts du CLSC débordaient directement en face du chalet familial lorsque survenait une panne à la station de pompage.

Ce type de débordements est totalement interdit par le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire (MAMROT). Mais selon ce qu'Enquête a découvert, le ministère peine à faire respecter sa propre réglementation.
En théorie, tous les débordements d'égouts devraient être consignés dans un registre central. Mais selon un travailleur qui souhaite conserver l'anonymat, il est facile pour les municipalités de transmettre de fausses informations au MAMROT.
C'est l'opérateur de la municipalité qui collecte les données. [...] Si pour X raisons, il y a eu des déversements, pour être sûr qu'il ne sera pas réprimandé, il ne l'écrira pas.
Dans le cas de Pohénégamook, la municipalité ne signalait presque jamais de débordements au MAMROT. Pourtant, selon un jugement récent, d'importants débordements survenaient régulièrement en face du chalet de la famille Boucher-Desautels.
Contrôle de la fiabilité de l'information
Le rapport du commissaire au développement durable déposé en février dernier à l'Assemblée nationale affirmait par ailleurs que le MAMROT « ne vérifie ni la fiabilité ni l'intégralité des informations transmises mensuellement au moyen du système informatisé », se limitant « à détecter les données qui semblent incohérentes ».
Au cours de nos visites de cinq municipalités, nous avons observé pour trois d'entre elles que des informations inscrites dans le système informatisé étaient inexactes ou manquantes.
« Par exemple, dans le cas d'une municipalité, des épisodes de débordements n'avaient pas été inscrits dans le système. Dans deux autres cas, des ouvrages de surverse n'étaient même pas répertoriés dans le système de suivi; les données afférentes à ceux-ci ne sont donc pas transmises par les municipalités. La revue des données réalisée par le MAMROT ne permet pas de relever de telles omissions », poursuit le rapport.
« En ne vérifiant pas la fiabilité et l'intégralité des données relatives au suivi de la performance des infrastructures municipales d'assainissement, le MDDEFP et le MAMROT se privent de moyens d'intervenir efficacement », conclut le commissaire.
D'après un reportage de Julie Vaillancourt
La version intégrale de ce reportage sera diffusée dans le cadre de l'émission Enquête jeudi soir à 21 h sur les ondes d'ICI Radio-Canada Télé.
La performance des ouvrages
Chaque année, le MAMROT publie à l'automne un vaste rapport sur la performance des ouvrages municipaux d'assainissement des eaux.
Pour la plupart des réseaux, les exigences sont souvent minimales, c'est-à-dire que les débordements sont tolérés par temps de pluie, de fonte ou en situation d'urgence. Seuls les débordements par temps sec ne sont pas tolérés.
Selon le plus récent rapport du MAMROT, 89 % des ouvrages respectaient l'exigence de rejet l'an dernier.
Il y a eu 714 débordements par temps sec en 2012, qui sont associés à 79 ouvrages. Ces débordements ont été causés soit par une sous-capacité des ouvrages (57 %), soit par un délai d'intervention jugé déraisonnable à la suite d'un bris ou pour un remplacement d'équipement (43 %).
Pour consulter la performance des ouvrages d'assainissement des eaux de votre municipalité, cliquez ici (Nouvelle fenêtre).