Pas d'assurance-emploi après un congé de maternité

Julie Barron et son bébé
Prenez note que cet article publié en 2013 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Ottawa refuse de verser des prestations d'assurance-emploi à des femmes après un congé de maternité.
D'anciennes employées du Cirque du Soleil mises à pied en janvier dernier l'ont appris à leurs dépens. Elles n'avaient pas accumulé assez d'heures de travail pour recevoir l'assurance-emploi, puisqu'elles revenaient de leur congé de maternité.
Julie Barron, mère d'une petite fille d'un an, en fait partie. Elle vient d'apprendre, à son grand étonnement, qu'elle n'a pas droit aux prestations d'assurance-emploi, parce qu'elle a pris un congé parental, qui est un régime québécois. « C'était un peu incroyable », témoigne-t-elle.
Julie n'avait travaillé que quatre semaines après son retour du congé de maternité, avant de perdre son emploi. Les prestations d'assurance-emploi lui sont refusées, car elle n'a pas accumulé suffisamment d'heures de travail au cours des 12 derniers mois.
« J'ai payé dans le système depuis 10 ans, et juste parce que j'étais à la maison avec mon bébé, je ne suis pas éligible », déplore Julie Barron.
Vous avez droit aux prestations de l'assurance-emploi, si vous :
• avez versé des cotisations au Compte d'assurance-emploi;
• avez perdu votre emploi sans en être responsable;
• n'avez pas travaillé et vous n'avez pas reçu de salaire pendant au moins sept jours consécutifs au cours des 52 dernières semaines;
• avez travaillé pendant le nombre requis d'heures d'emploi assurable au cours des 52 dernières semaines ou depuis votre dernière période de prestations, la période la plus courte étant retenue;
• êtes prêt et disposé à travailler et capable de le faire en tout temps;
• cherchez activement du travail (vous devez prendre en note le nom de tous les employeurs avec qui vous avez communiqué et le moment auquel vous l'avez fait).
Source : Gouvernement du Canada
Le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail dénonce cette « situation injuste » qui dure depuis des années.
Le congé parental et l'assurance-emploi sont deux régimes distincts, le premier étant géré par le Québec et le second, par le gouvernement fédéral. Ottawa ne devrait donc pas compter les semaines passées en congé parental, selon Nathalie Goulet, directrice du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail.
« Au Québec, on s'est battu pour avoir notre propre régime d'assurance parentale, parce qu'on a toujours dit que d'être en congé parental, ce n'est pas être au chômage », explique-t-elle.

Nathalie Goulet, directrice du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail
C'est carrément discriminatoire à l'égard des femmes. Ça montre que le régime d'assurance-emploi au Québec et au Canada est inadapté à l'égard des femmes.
Le Mouvement action chômage de Montréal reçoit régulièrement des femmes qui sont confrontées au même problème.
« Le but du régime d'assurance-chômage c'est ça, protéger les gens qui perdent leur travail involontairement. Et cette femme-là, cette personne-là, perd son travail involontairement et, malheureusement, à cause d'un manque de volonté politique, cette femme-là est laissée complètement à elle-même », note Hans Marotte, responsable du service juridique au Mouvement action chômage de Montréal.
Pour bénéficier de l'assurance-emploi, il faut avoir accumulé entre 420 et 700heures d'emploi assurable au cours de la période de référence. La détermination du nombre d'heures est en fonction du taux de chômage de la région de résidence.
Qu'est ce que la période de référence?
La période de référence est la plus courte des périodes suivantes :
• la période de 52semaines précédant immédiatement la date de début de votre demande;
ou
• la période commençant au début de votre ancienne période de prestations, si vous avez déjà fait une demande de prestations qui a été acceptée au cours des 52dernières semaines, et se terminant au début de votre nouvelle période de prestations.
Exception : Dans certains cas, la période de référence peut être prolongée jusqu'à un maximum de 104semaines si vous n'occupiez pas d'emploi assurable ou que vous ne receviez pas de prestations.
Source : Gouvernement du Canada
Un régime plus généreux avec les anciens prisonniers
Ottawa a pourtant assoupli le régime à l'endroit des prisonniers. Pour éviter de les pénaliser pour les semaines passées en prison, le gouvernement fédéral accepte de remonter deux ans en arrière pour calculer le nombre d'heures travaillées.
Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a déposé un projet de loi pour prolonger la période de référence pour les femmes qui reviennent de congé de maternité.
Ce projet de loi a peu de chance de succès, car les conservateurs, majoritaires à la Chambre des communes, s'y opposent. La ministre des Ressources humaines, Diane Finley, estime qu'il serait injuste de recevoir deux fois des prestations pour le chômage et le congé parental. Elle appuie par contre un autre projet de loi qui vise à éliminer l'exception pour les prisonniers condamnés pour des infractions criminelles.
La bataille perdue de Carole Ferland
Carole Ferland, une jeune mère, a été confrontée au même problème que Julie Barron. Après son congé de maternité, en avril 2012, elle a travaillé pendant trois semaines, avant de perdre son emploi. Elle songe alors à demander des prestations d'assurance-emploi, mais celles-ci lui ont été refusées sous le prétexte qu'elle n'avait pas accumulé assez d'heures de travail durant la période de référence (les 52 dernières semaines, qu'elle a passées en grande partie à la maison avec son bébé).
Excédée, Mme Ferland saisit la commission d'arbitrage de l'assurance-emploi et obtient gain de cause. Elle avait fondé son argument sur l'exception selon laquelle « dans certains cas, la période de référence peut être prolongée jusqu'à un maximum de 104 semaines ».
Services Canada a fait toutefois appel de cette décision et le dossier s'est retrouvé devant la Cour d'appel fédérale. N'ayant pas les moyens de se payer un avocat, Carole Ferland s'est défendue seule devant le juge, qui a infirmé la décision de l'arbitre. De guerre lasse, elle a abandonné ses actions en justice, « faute de connaissances et de moyens ».
La jeune maman a néanmoins tenté un ultime recours : la Commission canadienne des droits de la personne. Mais, selon elle, cet organisme n'a pas jugé recevable sa plainte inspirée de la Convention de la maternité.
Carole Ferland a depuis cessé de faire des démarches. Elle a obtenu un nouvel emploi en octobre 2012.
Un reportage de Benoît Giasson