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Florence Meney
Prenez note que cet article publié en 2013 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

C'est un phénomène actuel, celui qui voit naître de la base un mouvement de contestation qui acquiert ensuite de la force, en partie par le truchement des réseaux sociaux. À l'image de groupes qui, comme les différents Occupons, catalysent des forces autour d'une cause et amènent les médias et le politique à leur prêter attention. Le mouvement Idle No More s'inscrit dans cette veine.

Alors que se multiplient les manifestations de l'insatisfaction des Autochtones face aux politiques gouvernementales fédérales, et qu'une rencontre s'est tenue entre le premier ministre canadien Stephen Harper et certains dirigeants des Premières Nations, voici quelques éléments d'information sur Idle No More, dont les actions et les revendications défrayent la chronique depuis des semaines maintenant.

Les manifestants autochtones à Surrey, en Colombie-Britannique
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Les manifestants autochtones à Surrey en Colombie-Britannique

Photo : La Presse canadienne / DARRYL DYCK

- Quelle est la signification de Idle No More?

Idle No More fait référence à la fin d'une certaine passivité et à la volonté de se mobiliser pour agir. Plusieurs traductions de cette expression ont été avancées, mais la plus exacte serait sans doute celle-ci : « Fini l'apathie! »

 

    Genèse du mouvement 
Le mouvement Idle No More est jeune, mais il a crû rapidement. Il a vu le jour en octobre dernier, à l'instigation de quatre femmes de la Saskatchewan (Nina Wilson, Sheelah Mclean, Sylvia McAdam et Jessica Gordon), au moment du dépôt du projet de loi omnibus C-45 par le gouvernement fédéral. Le projet de loi de plus de 400 pages, devenu la Loi de 2012 sur l'emploi et la croissance, modifie tout un éventail de lois et de règlements. Les femmes ont organisé des marches et des rassemblements pour protester, entre autres, contre les modifications à la Loi sur les Indiens et à la Loi sur la protection des eaux navigables. Les quatre femmes avaient entamé des échanges par courriel au sujet de leurs craintes liées aux changements législatifs. Elles ont décidé de coordonner leur action.

Un mois après sa naissance officielle, Idle No More, fort d'un nombre croissant de partisans, tenait une journée nationale d'action. Depuis, le mouvement a pris de l'ampleur. Telle une hydre, il compte des têtes multiples dans tout le pays et, ponctuellement, au-delà.

Manifestation du mouvement Idle no more à Ottawa le 21 décembre
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Manifestation du mouvement Idle no more à Ottawa le 21 décembre

 

Qui participe au mouvement Idle No More?

Ce sont d'abord les Autochtones, Premières Nations, Métis et Inuits, qui donnent au mouvement son impulsion. Cependant, la cause attire aussi nombre de sympathisants non autochtones qui appuient la défense des Premières Nations et adhèrent à leurs revendications. D'autres, plus largement, s'élèvent contre les politiques fédérales.

Les réseaux sociaux ont aussi joué un rôle pour disséminer le message de Idle No More et pour cristalliser les mécontentements. Twitter, en particulier, a joué un rôle prépondérant dans la diffusion du message. Et la page Facebook du groupe comptait début janvier près de 60 000 adeptes.

Au Québec, l'essor du mouvement semble plus lent, sans doute en partie à cause de la barrière linguistique.

À noter que Idle No More a reçu l'appui de nombre de politiciens et de personnalités publiques. Mentionnons par exemple l'ancien premier ministre Paul Martin, le parti provincial Québec solidaire et le Nouveau Parti démocratique fédéral.

-Quelle forme la protestation de Idle No More prend-elle?

Le mouvement se sert d'une multitude de moyens, toujours pacifiques, pour faire passer son message, depuis les messages dans les réseaux sociaux aux marches, en passant par la perturbation du trafic ferroviaire et les danses dans les rues.

Des voitures ralentissent la circulation vers l'aéroport vendredi matin.
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Des voitures ralentissent la circulation vers l'aéroport vendredi matin.

Photo : Angela Johnston/Radio-Canada

Le mouvement, d'une forme pacifique, a donc pris une ampleur, non seulement nationale mais aussi internationale, au fil des semaines. Il s'est disséminé dans plusieurs villes des provinces de la Saskatchewan et du Manitoba, puis au-delà. De plus, le mouvement s'internationalise peu à peu. Après des manifestations aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande ou à Hawaï, un rassemblement est prévu le 19 janvier prochain dans la capitale française, aux pieds de la Tour Eiffel.

-La grève de la faim de la chef Spence s'inscrit-elle dans Idle No More?

Si, au départ, elle n'a fait que se greffer à Idle No More, la grève de la faim de la chef d'Attawapiskat Theresa Spence est devenue une sorte de symbole, un fait marquant de la cause autochtone.

Theresa Spence
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Theresa Spence

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

La chef crie a entamé sa grève de la faim (elle s'est limitée à ingérer de l'eau, du thé et du bouillon de poisson) en novembre, réclamant une rencontre avec le premier ministre et le Gouverneur général du Canada. Le déclenchement de sa grève de la faim a coïncidé avec la Journée d'action nationale et de solidarité du 10 décembre. Après 44 jours sans s'alimenter, Mme Spence a annoncé le 23 janvier qu'elle mettait fin à ce moyen de pression.  Cette décision a suivi l'engagement par la direction de l'Assemblée des Premières Nations, l'Association des femmes autochtones du Canada, le Parti libéral du Canada et le Nouveau Parti démocratique du Canada de travailler à faire respecter les droits autochtones, qu'ils soient ou non issus de traités. 

- Qu'est-ce que la réserve d'Attawapiskat?

Située sur la côte ouest de la baie James, la communauté d'Attawapiskat a été projetée à l'avant-plan de l'actualité, l'an dernier, en raison d'une crise du logement majeure, qui a mis en lumière les conditions de vie parfois abominables des habitants de la réserve. Ottawa avait alors mis la réserve d'Attawapiskat sous tutelle.

- Que dénoncent les protestataires de Idle No More?

Idle No More s'oppose tout d'abord à la Loi de 2012 sur l'emploi et la croissance (l'ancien projet C-45), qui redéfinit la protection des eaux navigables et modifie la façon de déterminer l'utilisation des terres des réserves.

De façon globale, Idle No More s'élève contre plusieurs des politiques fédérales conservatrices, incarnées entre autres par la Loi de 2012 sur l'emploi et la croissance (ancien projet omnibus C-45) et la Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable (ancien projet de loi omnibus C-38).

Ses militants cherchent aussi à attirer l'attention sur toute une série de problèmes autochtones, comme la pauvreté dans laquelle vivent certaines communautés, le taux de suicide élevé, les meurtres de femmes autochtones, la pénurie d'eau potable et le pillage des terres autochtones par certaines grandes compagnies.

Plus fondamentalement encore, les peuples autochtones dénoncent le fait que le gouvernement ne les consulte pas lorsqu'il veut modifier des lois qui les touchent.

« Le projet de loi C-45 a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Nous sommes maintenant à un point de non-retour. »

— Une citation de  Lynda Kitchikeesic Juden, une des organisatrices de la manifestation d'Idle No More à Ottawa

Extrait du blogue de Pamela Palmater

Idle No More est un mouvement coordonné, stratégique, qui n'est dirigé par aucun politicien élu, chef national ni directeur exécutif rémunéré. Il s'agit d'un mouvement d'abord dirigé par des femmes autochtones, auquel se sont ensuite ralliés des leaders populaires des Premières Nations, des Canadien·ne·s, et maintenant des gens de partout dans le monde. (Pamela Palmater préside la chaire de Gouvernance autochtone à l'Université Ryerson et est une militante autochtone au sein du mouvement Idle No More.)

- Quels aspects des changements à la loi les Premières Nations dénoncent-elles?

Trois textes de loi fondamentaux ont subi, selon les Autochtones, des modifications majeures. Il s'agit de la loi sur les Indiens, de la Loi sur la protection de la navigation et de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. En ce qui concerne la Loi sur les Indiens, certaines prérogatives accrues du ministre des Affaires autochtones et des changements dans le mode de consultation inquiètent ces derniers, qui y voient des possibilités de remises en cause des traités territoriaux et de leurs droits acquis.

En ce qui concerne la Loi sur la protection de la navigation, la protection des fleuves et des rivières se trouve affaiblie. La protection ne s'applique plus qu'à 97 lacs et à 62 rivières, alors qu'il en existe des dizaines de milliers au pays. Les Autochtones considèrent qu'ils auraient dû être consultés sur ces lois qui touchent leurs territoires. Selon Idle No More, 99,9 % des lacs et des rivières perdent ainsi leur protection avec les amendements à la loi.

Synthèse des demandes autochtones
Encadrement politique :
- Suivi des dossiers assuré, entre autres, par la formation d'un comité du Cabinet distinct, doté d'un secrétariat au Conseil privé.
Traités :
-Traités existants : processus de travail de haut niveau avec des représentants des nations signataires pour la mise en application; Revoir la politique sur les revendications globales, la fonder sur la reconnaissance des droits inhérents plutôt que leur extinction; Conformer à l'art. 35 de la Constitution toutes les lois, à commencer par les dispositions des lois budgétaires omnibus (les anciens projets de loi C-38 et C-45) qui touchent les territoires des Premières Nations;
- Éliminer les lois qui ne font que « rafistoler » la Loi sur les indiens.
Législation et économie :
- Ressources naturelles : appliquer les traités et revendications territoriales. Établir le cadre de gestion d'une gouvernance partagée pour l'exploitation et le partage des revenus;
- Garantir équité et durabilité des programmes et services destinés aux Premières Nations.
Social et éducation :
- Commission nationale d'enquête publique sur la violence à l'encontre des femmes et des filles autochtones
- Garantir la présence d'une école par réserve.

Des manifestants du mouvement Idle No More à Vancouver
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Des manifestants du mouvement Idle No More à Vancouver

Des critiques du même ordre s'appliquent en ce qui concerne la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Selon Idle No More, le premier projet de loi omnibus avait déjà érodé le processus d'évaluation environnementale, tandis que le deuxième réduit considérablement le nombre de projets qui seraient assujettis aux anciennes règles d'évaluation. Idle No More s'insurge contre un processus plus expéditif d'approbation environnementale.

Ces points ne sont que quelques aspects majeurs des changements législatifs qui inquiètent les membres d'Idle No More. Le mouvement juge que les politiques d'Ottawa grèvent dans leur ensemble les droits des Autochtones.

Les manifestants du mouvement Idle No More à Cornwall en Ontario
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Les manifestants du mouvement Idle no more à Cornwall en Ontario

Photo : La Presse canadienne / FRED CHARTRAND

  - Une rencontre au sommet qui doit avoir des suites

Le premier ministre Stephen Harper a finalement accepté de rencontrer les chefs autochtones pour aborder leurs revendications. Au terme de la rencontre, Ghislain Picard, chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, a jugé que l'engagement du premier ministre en faveur de la poursuite du processus de dialogue au plus haut niveau était « un pas important », mais il a précisé que « la lutte est loin d'être terminée ».

« C'est un gouvernement qui n'aime pas être mis au défi. Mais ça a été fait par le geste posé par la chef Spence [la grève de la faim] et ça a été fait grâce au mouvement populaire Idle No More qui s'est manifesté de manière claire », a déclaré M. Picard.

La réunion entre les chefs autochtones et Stephen Harper s'est terminée avec une promesse de se revoir. Le premier ministre s'est en effet engagé à rencontrer le chef national de l'Assemblée des Premières Nations (APN), Shawn Atleo, dans les prochaines semaines pour le suivi des discussions.

Le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires autochtones, Greg Rickford, a de son côté qualifié la rencontre de cordiale et productive. Selon lui, les discussions ont mené à des terrains d'entente et il est important d'entretenir le dialogue.

Les Premières Nations sont cependant plus divisées que jamais au lendemain de cette rencontre entre plusieurs de leurs chefs et le premier ministre Stephen Harper. Certains appellent au dialogue avec le gouvernement, tandis que d'autres les accusent de complicité.

Quant au mouvement Idle No More, il ne baisse nullement les armes et compte poursuivre son mouvement de manifestations pacifiques.

Les commentaires du gouvernement conservateur sur le mouvement Idle No More ont été rares. « Les gens ont le droit, dans notre pays, de faire des protestations en faveur de leur point de vue, pour autant qu'ils respectent la loi », s'est borné à dire M. Harper dans un récent point de presse.

Et alors que le mouvement Idle No More prend de l'ampleur, le gouvernement Harper a annoncé de nouveaux investissements fédéraux de 330 millions de dollars sur deux ans dans les réseaux d'aqueduc et d'égout des réserves des Premières Nations.

Le ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien, John Duncan, a indiqué que le gouvernement était déterminé à régler les problèmes liés à l'approvisionnement en eau et au traitement des eaux usées dans les réserves.

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