Fermeture d'Aveos : Québec et Montréal veulent sauver les emplois

Quelque 200 travailleurs bloquaient d'ailleurs lundi l'accès aux bureaux d'Air Canada à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, à Dorval, face aux bureaux d'Aveos.
Photo : La Presse canadienne / Paul Chiasson
La fermeture subite de l'entreprise d'entretien aéronautique Aveos, un important sous-traitant d'Air Canada, a provoqué la consternation chez ses quelque 2600 employés de Montréal, Vancouver et Winnipeg ainsi que des réactions au sein de la classe politique.
Le premier ministre du Québec Jean Charest a expliqué que son gouvernement va tenter de sauver les emplois des 1800 travailleurs de l'usine de la métropole québécoise. « Nous allons de manière urgente travailler avec l'entreprise pour voir ce qu'on peut faire pour la garder en opération », a-t-il déclaré en marge de l'inauguration des bureaux de Google Québec, à Montréal.
Son ministre du Développement économique doit rencontrer les travailleurs, les dirigeants d'Aveos et ceux d'Air Canada au cours des prochains jours. Sam Hamad a estimé qu'il devait d'abord comprendre la situation pour trouver une façon d'éviter les mises à pied. « Notre principal objectif est de maintenir l'usine ouverte. On ne laissera pas tomber les travailleurs », a-t-il affirmé, en écho aux propos de son chef.
Québec compte cependant sur l'intervention du gouvernement fédéral, qui ne devrait pas répondre à l'appel. « Nous sommes toujours préoccupés quand des Canadiens perdent leur emploi. Cependant, il s'agit d'une décision d'affaires prise par une entreprise privée », s'est contenté de dire le ministre fédéral des Transports, Denis Lebel, dans un courriel envoyé à Radio-Canada.
Le ministre dit toutefois « sympathiser avec les travailleurs touchés par cette décision » et que « la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada exige qu'Air Canada conserve des centres opérationnels et des centres de révision à Montréal, à Mississauga et à Winnipeg ».
À Montréal, le maire Gérald Tremblay a annoncé que le service juridique de la Ville évalue actuellement les recours pour sauver les emplois chez Aveos. Les partis d'opposition municipaux envisagent pour leur part la possibilité de demander aux tribunaux de faire appliquer la Loi relative à Air Canada, qui oblige à maintenir les centres d'entretien et de révision de la société.
Des explications
Dans un communiqué émis lundi, la direction d'Aveos a brièvement expliqué les raisons qui l'ont poussée à fermer ses usines. Le président d'Aveos, Joe Kolshak, soutient que cette décision a été extrêmement difficile à prendre, mais il affirme que le volume de travail fourni par Air Canada, qui représente 90 % de ses activités d'entretien, était insuffisant.
Depuis le début de l'année, Air Canada aurait réduit, différé et annulé du travail de maintenance, ce qui aurait entraîné des pertes de revenus d'environ 16 millions de dollars en moins de deux mois. Aveos tente de se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
Aveos
Aveos était une division d'Air Canada avant de devenir une compagnie indépendante en octobre 2007. Aveos s'occupait de faire l'entretien de toute la mécanique des Airbus et Embraer du transporteur.
Air Canada tend la main
Dans un communiqué, Air Canada a réitéré lundi son offre de 15 millions de dollars de prêt pour aider à une éventuelle restructuration d'Aveos. Cette proposition, qui devra être approuvée par la justice, vise à permettre à Aveos de poursuivre en partie ses activités et de rappeler certains de ses employés.
Le transporteur avait publié plus tôt un autre communiqué pour souligner qu'il a soutenu les activités d'Aveos de plusieurs façons et a respecté toutes les obligations financières et juridiques de ses ententes commerciales avec l'entreprise.
Air Canada a également souhaité rassurer sa clientèle, indiquant que les problèmes qu'éprouve Aveos n'auront aucune incidence sur les activités quotidiennes de maintenance et de réparation de ses avions, effectuées à l'interne. Quant aux services de maintenance des ailes, du fuselage et des moteurs exécutés par Aveos, ils pourraient être pris en charge par « différents fournisseurs principalement installés au Canada et aux États-Unis », si cela devient nécessaire, a-t-elle ajouté.
Des mises à pied « sauvages », selon le syndicat
Les employés d'Aveos ont appris dimanche la fermeture des usines, sans précision de l'employeur, qui n'a publié un communiqué que lundi après-midi.
L'entreprise a sommé ses employés de Winnipeg de quitter immédiatement l'usine et de ne pas revenir lundi. À Montréal, les employés ont reçu un appel de leurs superviseurs leur disant de ne pas rentrer au travail lundi, et le syndicat a appris la nouvelle de la bouche des employés.
Le syndicat des travailleurs d'Aveos, qui représente aussi les mécaniciens, les manutentionnaires de bagages et les membres du personnel de maintenance en piste d'Air Canada, craignait pour l'avenir d'Aveos depuis que la société aérienne a décidé de confier certaines de ses tâches à un sous-traitant à l'extérieur du pays. Air Canada a transféré ses opérations d'entretien de trains d'atterrissage et de moteurs des usines d'Aveos à d'autres entreprises, se trouvant notamment en Chine.
Pour le représentant régional du syndicat, Jean Poirier, il s'agit de « mises à pied sauvages ». « Aujourd'hui, on est ici, on ne sait même pas où on s'en va. J'essaye de parler avec le patronat, j'essaye de parler avec le président d'Aveos qui ne retourne pas nos appels. On a plein de familles ici qui vont se retrouver dans la rue. On veut que le gouvernement se mêle de ça », a-t-il dit.
M. Poirier a souligné que le carnet de commandes d'Aveos était plein en janvier. Il croit maintenant que la compagnie veut déménager ses activités entièrement hors du pays. Aveos a entre autres des installations au Salvador. « Vos avions vont être réparés ailleurs. Ils vont être réparés où? Je ne le sais pas. Costa Rica, Salvador? Aujourd'hui un technicien ça prend au-dessus de neuf ans avant qu'il soit qualifié », a lancé M. Poirier.
Des travailleurs se font entendre
Quelque 200 travailleurs ont bloqué l'accès aux bureaux d'Air Canada à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, à Dorval, face aux bureaux d'Aveos. Le député libéral de Bourassa, Denis Coderre, le chef du Bloc québécois, Daniel Paillé, ainsi que le chef du parti municipal Projet Montréal, Richard Bergeron, ont tenu à aller les encourager.
« On veut savoir [...] c'est quoi la vérité, pourquoi ils [les dirigeants d'Aveos] font ça. Mais deuxièmement, on veut savoir, c'est quoi le plan secret d'Air Canada dans tout ça. Alors si Aveos dit qu'il y a de l'argent qui est dû par Air Canada et qui n'est pas payé. [On veut savoir] si on fait faire de la sous-traitance par d'autres pays. On a les travailleurs qualifiés, on est capable de faire la job ici », a commenté Denis Coderre.