Les grèves étudiantes au Québec : quelques jalons
Les grèves étudiantes au Québec : quelques jalons
1958
Environ 21 000 étudiants des universités de Montréal, Laval, McGill, Bishop's et Sir George-Williams (aujourd'hui Concordia) font une grève d'un jour en mars. Ils revendiquent l'abolition des droits de scolarité pour favoriser l'accès aux études supérieures.
Le 7 mars, trois étudiants (Francine Laurendeau, Jean-Pierre Goyer et Bruno Meloche) se rendent à Québec et demandent à rencontrer le premier ministre Duplessis, qui refuse de les recevoir. La scène se répétera pendant 37 jours.
Lire aussi : Les problèmes de l'éducation (Nouvelle fenêtre) en 1958 (page des archives)
1968
Le 12 octobre, une quinzaine de cégeps et quelques facultés et départements universitaires sont en grève pour réclamer la création immédiate d'une deuxième université de langue française à Montréal, une révision du régime des prêts et bourses, et l'abolition de la politique des présences obligatoires au cégep.
Le 21 octobre, 10 000 étudiants organisent une manifestation à Montréal, suivie d'une nouvelle vague de grèves et d'occupations en novembre. Des lock-out sont décrétés aux cégeps Édouard-Montpetit, de Chicoutimi et de Jonquière. Le cégep Lionel-Groulx reprend ses activités normales le 9 décembre, près de deux mois après la mobilisation qu'il a engagée.
1974
Un premier mouvement de grève commence le 9 octobre aux cégeps de Rosemont, de Joliette, de Rouyn-Noranda, de Saint-Hyacinthe et de Saint-Jean pour réclamer le retrait des Tests d'aptitude aux études universitaires (TAEU). Québec y a répondu favorablement en suspendant les TAEU.
En novembre, une nouvelle mobilisation voit le jour au cégep de Rimouski pour l'amélioration du système des prêts et bourses. Le mouvement de grève gagne vite du terrain et voit l'adhésion d'une trentaine de cégeps, en plus d'écoles secondaires et de départements universitaires. Quelque 100 000 étudiants étaient alors en grève. C'est dans ce contexte qu'est née l'Association nationale des étudiants et étudiantes du Québec (ANEEQ).
Dans la semaine du 9 au 14 décembre, la police anti-émeute intervient dans plusieurs cégeps, à l'appel des administrations locales voulant interrompre la grève par des lock-out.
Voir aussi la page des archives (Nouvelle fenêtre)
1978
Une grogne étudiante est apparue après l'abandon du gouvernement péquiste de ses promesses électorales sur la gratuité scolaire à tous les niveaux et un programme de présalaires.
Le 7 novembre, des étudiants du cégep de Rimouski votent pour la grève générale illimitée, suivis quelques jours plus tard par ceux de Chicoutimi et de La Pocatière. Le 23 novembre, on comptait une trentaine d'établissements ayant pris part au mouvement. Ce jour-là, une manifestation de 1500 personnes, qui se tient devant les bureaux du ministère de l'Éducation à Montréal, se transforme en occupation improvisée.
Dans la foulée, l'UQAM emboîte le pas aux cégeps. C'est la première fois qu'une université est complètement fermée pour grève. Des départements de sciences humaines des universités de Montréal et de Laval font de même. La mobilisation commence toutefois à perdre de sa vigueur en décembre.
1986
Le 7 octobre 1986, les cégépiens du Vieux-Montréal amorcent un mouvement de grève pour revendiquer le maintien du gel des frais de scolarité jusqu'à la fin du mandat du gouvernement Bourassa, le retrait des frais afférents à l'université et une réforme du régime d'aide financière.
La mobilisation voit l'adhésion d'environ 25 associations, dont une seule universitaire, l'Association générale des étudiants de l'Université du Québec à Montréal (AGEUQAM). Plusieurs départements de l'Université de Sherbrooke votent pour la grève, mais les autres composantes ne suivent pas, ce qui empêche le débrayage.
Le 22 octobre 1986, le gouvernement s'engage à maintenir le gel des frais jusqu'en 1989, mettant fin au mouvement.
1988
Le 26 octobre, plus de 100 000 cégépiens amorcent une grève de trois jours dans 23 des 44 établissements du Québec pour réclamer une amélioration du régime des prêts et bourses. Cinq autres établissements se joignent bientôt au mouvement.
Le 29 octobre, l'Association nationale des étudiants et étudiants du Québec (ANEEQ) se prononce en faveur du déclenchement d'une grève générale illimitée. Le mouvement s'enclenche avec le ralliement d'une vingtaine d'associations étudiantes, mais certaines, collégiales, s'y opposent.
Le mouvement décline toutefois et l'ANEEQ met fin à la grève le 13 novembre. Les cours reprennent dans les cégeps, mais la grève déclenchée le 2 novembre par les 12 000 étudiants des sciences humaines, arts et lettres de l'UQAM se poursuivra encore pendant trois jours.
1990
L'Association nationale des étudiants et des étudiantes du Québec (ANEEQ) et la nouvelle Fédération des étudiantes et étudiants du Québec (FEEQ, qui deviendra plus tard la FEUQ) ont lancé un mouvement pour s'opposer au dégel des droits de scolarité (les droits universitaires qui sont de 540 $ - gelés depuis 20 ans - devaient passer à 890 $ l'année suivante, puis à 1240 $ l'année d'après).
Même si la majorité des associations étudiantes n'ont pas obtenu le mandat de grève, les étudiants en sciences humaines, arts et lettres de l'UQAM débrayent le 13 mars. Ils sont suivis le lendemain par les étudiants du Cégep de Rimouski et de l'Université du Québec à Rimouski, ainsi que par ceux des cégeps de Saint-Laurent, de Joliette et de Rosemont.
Plusieurs manifestations, parfois accompagnées d'arrestations, marquent les journées de protestation. Au plus fort de la mobilisation, seulement une douzaine de cégeps et trois universités (l'UQAM, l'UQAR et l'Université de Montréal) étaient en grève. Le mouvement perd de son importance, sans réussir à faire fléchir le gouvernement.
1996
Les étudiants du cégep Maisonneuve déclenchent une grève générale, le 23 octobre, pour protester notamment contre l'annonce de la ministre Marois d'une hausse des droits de scolarité à l'université et une augmentation des frais afférents au cégep.
Les cégeps du Vieux-Montréal et Marie-Victorin leur emboîtent le pas, avant que la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) et de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) décident le 31 octobre de se joindre au mouvement, qui s'étendra à plusieurs établissements. La mobilisation était ponctuée de nombreuses manifestations et occupations.
Le 8 novembre, 23 cégeps sont en grève, soit plus de 60 000 étudiants sur un total de 165 000. La ministre Marois annonce, dix jours plus tard, le gel des droits de scolarité à l'université et le maintien du plafond des frais afférents au cégep. Elle instaure cependant une pénalité aux étudiants qui échouent à plus d'un cours au niveau collégial.
Rejoints tardivement par des étudiants de McGill, de l'Université de Montréal, de Concordia et de l'UQAM, les cégépiens réintègrent les classes le 25 novembre, certains après une vingtaine de jours de grève
2005
Six cégeps et une douzaine d'associations étudiantes universitaires entament officiellement une grève générale illimitée le 24 février pour exiger que Québec récupère 103 millions de dollars convertis de bourses en prêts. Environ 175 000 étudiants débrayaient au plus fort de la mobilisation.
Les organisations étudiantes finissent par accepter l'entente proposée par Jean-Marc Fournier, alors ministre de l'Éducation. L'accord prévoyait la transformation de 70 millions de dollars de prêts en bourses en 2005-2006, puis le retour des 103 millions de bourses supprimés par Québec les quatre années suivantes.
Les 60 000 membres de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) mettent fin à la grève, même si le tiers d'entre eux ont signifié leur désaccord avec la proposition de Québec. Quelque 16 000 étudiants du réseau collégial et 50 000 étudiants de l'UQAM, de l'Université de Montréal et de l'Université Laval sont demeurés un peu plus longtemps en grève.
2012
Le 13 février, des associations étudiantes lancent un mouvement de grève pour contrer la décision du gouvernement du Québec d'augmenter annuellement de 325 $ les droits de scolarité dans les universités, et ce, pendant cinq ans.
En date du 22 mars, plus de 300 000 étudiants étaient en grève. Jamais la mobilisation étudiante n'a été aussi forte au Québec.
Plusieurs manifestations et occupations ont eu lieu, dont certaines ont tourné à l'affrontement avec les forces de l'ordre. Le 22 mars, une marche nationale monstre a regroupé des milliers d'étudiants à Montréal.
En dépit de cette pression soutenue, le gouvernement Charest demeure intransigeant et refuse de revenir sur sa décision de hausser les droits de scolarité.