Bilodeau recule pour mieux avancer

Alexandre Bilodeau
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Prenez note que cet article publié en 2011 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Alexandre Bilodeau n'accumulera pas les podiums ni les milles aériens cette saison. Son nom ne fera pas souvent la manchette. Le champion olympique des bosses a décidé de réduire son calendrier de compétition pour mieux investir dans son avenir.
Comprendre par là que ce seront les deux dernières années de compétition de sa carrière qui prendra fin en 2014, après les Jeux olympiques de Sotchi.
Son plan pour cette saison : amélioration de sa technique, entraînement sur neige réduit du tiers et une seule course confirmée pour l'instant, celle de Deer Valley, au début février. C'est une de plus que son plan initial, une année sabbatique.
Entouré de son entraîneur Michel Hamelin et de son préparateur physique Scott Livingston, Bilodeau a cependant rassuré les médias présents à sa conférence de presse mardi matin, à Montréal, il est en parfaite santé.
« Je n'ai aucune blessure. Je suis franc là-dessus. Je veux optimiser mes chances pour être au sommet de ma forme et de mon ski aux Championnats du monde (2013) et aux Jeux olympiques, dit le Québécois de 24 ans. Mais en juillet, j'ai réalisé que je ne pouvais pas m'imaginer ne pas skier pendant un an et demi. »
Pourquoi Deer Valley? Parce que c'est une piste longue, difficile, qui ressemble à celle des Jeux de Sotchi et parce que l'épreuve se déroule à peu près à la même date que les JO, au milieu de la saison. Une simulation parfaite pour les deux grands rendez-vous qu'il cible.
« C'est le Kitzbühel du ski acrobatique. C'est le soir, il y a 15 000 personnes en bas de la piste, l'ambiance est là. Oui, je vais avoir de la pression. Mais je ne l'enlève pas, je la veux celle-là parce qu'elle va être là dans les deux prochaines années. C'est un bon entraînement mental. Pour moi, ce sera une course sans lendemain comme aux mondiaux ou aux JO. »
Inspiré par Michael Phelps
Bilodeau fait figure de pionnier et l'Association canadienne de ski acrobatique l'appuie dans sa démarche. Personne en ski acrobatique n'a jamais adopté son approche. Jennifer Heil a bien pris deux années sabbatiques, mais c'était pour soigner des blessures.
Le double champion du monde des bosses en parallèle s'inspire plutôt de Michael Phelps. Après les Jeux olympiques d'Athènes et de Pékin, le plus grand médaillé d'or de l'histoire des JO a pris plusieurs mois de congé. Chaque fois, il a travaillé sa technique pour exceller sur de nouvelles distances.
Pourtant l'un des meilleurs techniciens du circuit, le Rosemérois, lui, veut améliorer le touché de ses skis sur la neige, question d'aller encore plus vite, mais en restant toujours en maîtrise. Pour ce faire, le touché doit être impeccable. Avec un entraînement à 70-80 % de sa vitesse de compétition, son entraîneur Michel Hamelin pourra apporter les correctifs nécessaires pour atteindre le but ultime.
« Pour Vancouver, Alex a pris la décision de maximiser sa vitesse et d'effectuer un saut plus facile en bas (périlleux arrière avec les skis croisés). Mais il est capable de faire des sauts plus difficiles, il les a faits dans le passé. On veut garder la même vitesse avec un coefficient de difficulté plus élevé en bas. On doit mettre ça sur pied avant les mondiaux et Sotchi », soutient Hamelin.
Bilodeau risque donc de dépoussiérer son 1080 désaxé qui, n'eût été d'une petite touchette de la main à la réception à Turin en 2006, l'aurait propulsé sur le podium (il avait alors fini 11e).
Autre facteur qui a motivé sa décision, l'usure de son corps secoué par 6 saisons à la Coupe du monde et 16 années de ski acrobatique. Au cours de sa carrière, celui qui est monté à 29 reprises sur le podium (11 victoires) en Coupe du monde a été épargné par les blessures majeures.
Mais ces deux dernières années, de petits bobos aux talons et à un genou l'ont contraint à recevoir des injections pour se rendre au bout du calendrier. Le dos amoché de son rival et champion du monde Guilbaut Colas, qui risque de rater le début de la saison, l'a aussi incité à la prudence.
« Quand on course, on skie cinq jours semaine à 109 % de notre capacité. À skier tout le temps à cette limite-là, on chute, on subit des blessures. On se relève et, le lendemain, on est dans le portillon de départ. Après la course, on s'en va en physiothérapie. On change de pays et on est prêt à compétitionner, explique le fier skieur.
« Cette année, je vais choisir mes courses. S'il pleut, s'il neige et que ça gèle, comme ç'a été le cas au mont Gabriel il y a quelques années, je ne vais pas me mettre dans une situation pour me déchirer un genou. Je vais être intelligent. Je n'y vais pas pour gagner le globe cette année. »
Difficile de renoncer au mont Gabriel
Avec cette dernière phrase, l'étudiant en gestion et finance à l'Université Concordia fait preuve d'une maturité nouvelle. Parce que pour un pur-sang qui carbure aux victoires, ce n'est pas facile de mettre le globe de cristal à l'arrière-plan.
Plus fort, plus endurant après un été à s'entraîner uniquement en gymnase, Bilodeau court-il un risque de faire l'impasse sur une saison de compétition? Michel Hamelin jure que non.
« Les autres vont peut-être le dépasser au classement cette année. Mais l'an prochain, ils n'y arriveront pas. Alexandre, c'est un grand gagnant. Quand je travaillais avec lui, au mont Gabriel, quand il avait 8 ans, dans ses yeux, tout était facile. Je n'ai aucun doute qu'à sa première course, il va performer. »
Et si le besoin se fait sentir, Bilodeau ajoutera une ou deux courses à son programme, mais en Amérique du Nord seulement.
Parions un petit 2 $ sur le 14 janvier, au mont Gabriel, SA course qu'il a gagnée à deux reprises.
« Je ne peux pas confirmer que je vais être là, mais ça va être difficile de rester en bas de la piste, avoue-t-il. Je pense qu'on va analyser dans la semaine avant. Si je retire un bénéfice d'être en haut du parcours, je vais l'être, c'est sûr et certain. »
Il lui reste deux mois pour penser à un avantage quelconque. Sinon, on en connaît un qui risque de piaffer au bas de la Tamarack.