B2dix, une valeur ajoutée

Jennifer Heil
Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz
Prenez note que cet article publié en 2011 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Forte de sa victoire en bosses aux Jeux olympiques de Turin, Jennifer Heil a voulu que d'autres athlètes profitent des moyens qui lui avaient permis de monter sur la première marche du podium. Ainsi est née, au printemps 2006, B2dix, une organisation financée exclusivement par des particuliers qui veulent rester anonymes.
Cinq ans plus tard, Dominick Gauthier, cofondateur de B2dix et conjoint de Heil, a répondu aux questions de Radio-Canada Sports.
Quel est le bilan des cinq premières années d'existence de B2dix?
On avait une vision. On voulait aider plusieurs athlètes à atteindre leurs objectifs à Vancouver. On a commencé avec une autre skieuse acrobatique (Stéphanie Saint-Pierre), puis une patineuse artistique en Joannie Rochette et on s'est retrouvé avec une équipe beaucoup plus grande que ce qu'on avait prévu à Vancouver.
On a eu la chance de contribuer à 12 médailles à Vancouver. Pour certaines, on n'a pas fait grand-chose. Pour d'autres, on a fait à peu près tout. Mais ce qui comptait, c'est qu'on avait aidé 18 athlètes à aller à Vancouver et 12 ont gagné des médailles.
Pour nous, c'est un signe que ce que l'on fait, on doit bien le faire. Pour nos financiers, nos donateurs, c'était très encourageant de voir que l'argent qu'ils ont donné a vraiment contribué à avoir un impact sur la performance des athlètes.
On est ici, cinq ans plus tard, à regarder jusqu'à Rio en 2016. Ce n'est pas ce que j'avais prévu après les Jeux olympiques de Turin. Ce serait mentir de dire que c'est ce que j'avais en tête. C'est une belle surprise pour moi. Après cinq ans, on peut voir tous les athlètes qu'on aide dans différents sports, tant aux Jeux d'été qu'aux Jeux d'hiver.
Qu'est-ce qui explique le succès de B2dix?
À la base, le succès vient des frustrations que j'ai eues en tant qu'entraîneur. J'ai pris beaucoup de notes aux Jeux olympiques de Salt Lake City. Je voyais qu'on n'offrait pas à nos athlètes tout ce dont ils avaient besoin pour réussir. À Turin, j'ai permis à Jenn d'avoir tous les outils dont elle avait besoin pour maximiser son potentiel. Je voulais qu'elle soit en haut de la piste et qu'elle puisse dire : « J'ai eu tout ce dont j'avais besoin. »
Malheureusement, il n'y a pas d'autres athlètes qui pouvaient dire ça. Et c'est avec ça en tête qu'on a construit B2dix.
Pour moi, la clé du succès, c'est qu'il n'y a pas d'ego, pas de bureaucratie. C'est une façon très simple de gérer les choses. Et en même temps, on est financé par le privé, ça nous donne une liberté que d'autres organismes n'ont pas. En un courriel, on peut décider beaucoup de choses, ce qui n'est pas le cas dans les grandes organisations. Donc, je crois que c'est ce qui fait la force de B2dix.
Qu'est-ce qui a été le plus difficile dans toute cette aventure?
Ça a été les jugements que les gens ont portés sans fondement. À Calgary, où on a eu beaucoup de difficultés à s'implanter, il y a eu beaucoup de conflits à l'époque, souvent des conflits non justifiés parce qu'ils avaient entendu dire que B2dix allait voler les athlètes aux fédérations, qu'on allait les amener à Montréal, qu'on pensait qu'il y avait juste les gens avec qui l'on travaillait qui étaient les meilleurs.
C'était complètement faux. C'est peut-être notre faute aussi. Peut-être qu'on a fait un mauvais travail de relations publiques, mais on ne voulait pas passer de temps là-dessus.
Nous, ce qui comptait, c'était d'offrir aux athlètes ce dont ils avaient besoin. Une fois que les gens ont compris que B2dix était vraiment une valeur ajoutée, c'était alors difficile de nous dire non.
Donc, ça a été plus facile de trouver des donateurs que de convaincre les fédérations?
D'une certaine façon, oui. On a travaillé fort pour ramasser 3 millions de dollars pour les JO de Vancouver. Mais ce qui nous a beaucoup aidés, c'est la descente de Jenn en 2006. Sans cette victoire-là, c'est sûr qu'on n'aurait pas pu créer B2dix. Les gens qui, à l'époque, ont soutenu Jenn financièrement ont eu ce sentiment de fierté de faire partie de chacun des virages de sa descente.
Ils étaient assis sur leur divan avec leurs enfants qui sautaient, qui riaient, qui pleuraient parce que Jenn, ils l'avaient rencontrée. Ils ont eu cette relation personnelle qui a été développée au fil des années.
C'est ça qui a été notre vitrine pour vendre notre produit. Ce qu'on vendait, c'était de la fierté, le sentiment de faire une différence. Et grâce à cela, ça a été relativement facile de ramasser 3 millions. Ce sentiment-là d'être impliqué personnellement, c'est vraiment là-dessus qu'on a misé. Et nos donateurs nous ont aidés à trouver d'autres donateurs, ce qui nous a permis de poursuivre pour six années de plus.
Ironiquement, votre méthode fonctionne, alors que beaucoup d'athlètes peinent à trouver des commanditaires?
C'est très dommage qu'après 2010, plusieurs compagnies aient quitté le navire. On était réaliste, mais en même temps, on avait de beaux espoirs. On se disait : on a montré à quel point nos athlètes sont des modèles, des sources d'inspiration. Nous, ce n'est pas notre mandat. On offre des services, on s'occupe des dépenses.
Notre mission est aussi de redonner confiance au secteur privé, de ramener le secteur privé à soutenir le sport amateur. Oui, on demande au gouvernement de faire sa part, mais il a ses limites, il y a d'autres priorités dans la société.
Est-ce que B2dix pourrait faire des petits dans d'autres provinces?
Le deuxième volet de B2dix, c'est d'améliorer le système d'experts partout au Canada. On veut développer un réseau pancanadien. B2dix est basé à Montréal, mais tous les athlètes ont leur cellule de soutien dans leur région, que ça soit à Vancouver avec les nageurs, à Calgary avec les skieurs de fond.
Il y a aussi un troisième volet qui nous tient beaucoup à coeur, c'est l'activité physique chez les jeunes. On mise beaucoup sur l'impact qu'on peut avoir sur les jeunes, partout au Canada.
Présentement, on s'est associé au programme Actif pour la vie, qui se concentre beaucoup sur l'enseignement des techniques de base de l'activité physique. En gros, c'est montrer à un enfant comment courir, comment lancer une balle, comment faire les activités de base qui vont lui ouvrir le monde des sports.
Imaginez un jeune qui n'est pas habile avec le ballon, il ne voudra pas jouer au ballon prisonnier. Il n'aura pas envie d'être la risée de la cour d'école, alors il va être encore moins actif. Nous, on veut donner les outils à tous ces jeunes-là pour qu'ils prennent plaisir à faire du sport.
À un autre niveau, on veut s'assurer d'enseigner aux parents l'importance de faire plusieurs sports. On voit aujourd'hui les jeunes jouer au hockey 300 jours par année. Les skieurs font des camps de ski l'été dès l'âge de 12 ans. Les scientifiques croient que c'est très important pour un jeune de développer toutes ses aptitudes.
On a parlé à Pierre Lavoie, juste pour échanger et apprendre. Ce qu'il fait fonctionne très bien ici. Donc, on voulait partager nos idées avec lui. Si on a plus de jeunes qui font du sport, on a plus de chances d'avoir des champions olympiques.
Ta plus grande fierté avec B2dix?
Vancouver, c'était tellement plus que les médailles que Jenn et Alex ont gagnées et pour lesquelles j'étais impliqué de façon directe. Avec B2dix, je sens que j'ai réussi à ma façon, avec mon implication, à contribuer à une fierté canadienne.
Mes plus beaux souvenirs, ce sont les gens qui chantaient Ô Canada dans la rue, qui portaient notre drapeau fièrement. Cette fierté-là, pour moi, c'est essentiel pour qu'un pays aille vers l'avant, pour que des jeunes aient le goût de se dépasser, de faire de grandes choses.
Où vois-tu B2dix dans cinq ans?
Dans un monde utopique, dans cinq ans, B2dix ne devrait plus exister. Normalement, on aurait fait tout notre boulot, on aurait eu l'impact qu'on voulait avoir sur le système sportif canadien. Pour l'instant, on pense à tout ce qu'on doit faire pour qu'en 2016, on puisse être à la cérémonie de fermeture de Rio et sentir qu'on a vraiment accompli tout ce qu'on avait à accomplir.
Mais d'après moi, on va devoir continuer. Je trouverais ça triste que ça se termine. Oui, j'ai envie que ça dure pour toujours, mais si on arrive à un point où ce n'est plus nécessaire d'avoir B2dix, alors ce sera mission accomplie. C'est donc un sentiment un peu partagé. Si ça continue tant mieux, sinon je trouverai autre chose pour aider le système sportif canadien.