Les artistes montent aux barricades

Robert Charlebois et Luc Plamondon à la Chambre des communes
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Une centaine d'artistes québécois se sont rendus mardi sur la colline du Parlement, à Ottawa, à bord de quatre autobus, pour dénoncer le projet de loi C-32 du gouvernement conservateur sur la réforme du droit d'auteur.
Plusieurs grands noms de la musique et de la chanson se sont joints au mouvement, dont l'auteur Luc Plamondon, le rappeur Biz du groupe Loco Locass et les chanteurs Yann Perreau, Robert Charlebois, Michel Rivard, Richard Séguin, Ariane Moffatt, Florence K et Marie-Denise Pelletier.
Tous font partie d'une vaste coalition d'auteurs, de musiciens et de chanteurs qui se forme dans le pays pour dénoncer des reculs importants, selon eux, dans le projet de réforme présenté aux Communes par le gouvernement Harper.
Des représentants du groupe ont rencontré des membres des quatre partis fédéraux afin de leur faire valoir leurs inquiétudes et tenter de les convaincre de s'opposer à la mesure, le moment du vote venu.
À ce sujet, les artistes se sont dits insatisfaits de la rencontre qu'ils ont obtenue avec le ministre du Patrimoine canadien, James Moore. Selon eux, le ministre les a entendus, sans toutefois les avoir écoutés.
Une réforme qui manque la cible
Les artistes réclament notamment des redevances des fournisseurs de service Internet pour compenser les pertes qu'ils subissent en raison du téléchargement illégal de musique sur Internet. Une avenue écartée par Ottawa dans le projet de loi C-32.
« La solution, ça serait que les fournisseurs Internet nous donnent une redevance, parce que leur autoroute électronique, s'il n'y a pas de musique dedans, elle ne vaut plus rien, c'est une coquille vide. »
Les détenteurs de droits d'auteur en ont aussi contre le gel du régime de copies privées (compensation payée sur la reproduction d'une oeuvre) et l'affaiblissement du droit de reproduction des oeuvres.
Le groupe réclame notamment qu'une redevance soit exigée pour les lecteurs numériques. Des redevances sont déjà imposées aux disques ou aux cassettes vierges avec lesquelles les utilisateurs peuvent reproduire des enregistrements musicaux.
Le ministre James Moore et son collègue de l'Industrie, Tony Clement, rétorquent cependant qu'ils ne veulent pas imposer une nouvelle taxe aux Canadiens. Une position qu'a réitérée le premier ministre Stephen Harper à la Chambre des communes, mardi.
Pour leur part, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique donnent leur appui à une redevance tirée de la vente des lecteurs numériques.
Quant au Parti libéral, il est d'accord sur le principe de la rémunération des droits d'auteur, mais s'interroge toujours sur le mécanisme à adopter.
Les artistes s'opposent également à une disposition de la loi qui va rendre gratuite toute utilisation de leurs oeuvres à des fins éducatives.
Plusieurs sociétés et regroupements d'auteurs et de musiciens appuient le mouvement, dont l'ADISQ, la SOCAN, la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC), la Guilde des musiciens et la Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec (SPACQ) pour ne nommer que ceux-là.
Une industrie en crise
Les chanteurs, compositeurs et musiciens détenteurs de droits d'auteur dans le domaine musical doivent faire face à une situation difficile dans l'industrie de la musique qui attaque directement leurs revenus et ceux de plusieurs travailleurs.
« Nous, les auteurs et les compositeurs, on fait vivre aussi des musiciens, des chefs d'orchestre, des arrangeurs, des techniciens, des studios et même ceux qui livrent des pizzas en studio! », a déclaré Robert Charlebois avant de prendre la route d'Ottawa.
Depuis cinq ans, les ventes de CD ont chuté de 50 % au pays. Les revenus de copie privée ont quant à eux dégringolé de 60 % au cours de la même période.
« C'est fini les 200 000 CD. En moyenne, un CD aujourd'hui au Québec c'est 20 000. Chez les Canadiens-anglais aussi, à leur échelle. Les Neil Young, les Bryan Adams perdent aussi 30 % partout au pays. »
Les détenteurs de droits d'auteur espèrent, par ces moyens de pression, convaincre une majorité de députés de l'opposition de bloquer l'adoption du projet de loi C-32. Celui-ci est actuellement à l'étude en comité parlementaire.
Le Bloc québécois et le NPD ont déjà fourni leur appui à la délégation. Les artistes tentent maintenant de convaincre les députés libéraux.