Les laboratoires vivants, ou l'avenir de l'innovation

Présents en Europe depuis sept ans, les living labs (littéralement « laboratoires vivants », la traduction n'est pas officielle, on retrouve aussi « laboratoires citoyens »), commencent à faire leur apparition au pays.

Ces laboratoires vivants étaient l'objet d'une conférence (Nouvelle fenêtre), mercredi matin, dans le cadre de l'événement Webcom Montréal 2010 (Nouvelle fenêtre). (Cliquez ici pour voir le narratif de la conférence (Nouvelle fenêtre))

Que sont ces laboratoires vivants? Il s'agit d'initiatives qui ont pour but de démocratiser la recherche et l'innovation. Ils peuvent regrouper des représentants de l'industrie, des chercheurs, des universitaires, mais aussi, et surtout, de « simples » citoyens.

Patrick Dubé, chercheur associé à l'organisme communautaire Communautique (Nouvelle fenêtre), qui prononçait la conférence, explique en entrevue à Radio-Canada.ca que le principe des living labs est de faire en sorte que les citoyens s'approprient le développement des technologies et que les laboratoires soient le miroir du désir citoyen.

On sait comment mobiliser l'intelligence collective via les réseaux sociaux, mais on ne sait pas encore comment la mettre à contribution. Les living labs sont un élément de réponse.

Selon lui, « 2011 sera l'année des living labs au Québec ». Il raconte que, jusqu'à l'été dernier, certaines initiatives pouvaient s'apparenter à des laboratoires vivants, mais certains ingrédients manquaient pour en faire de vrais living labs. Depuis le mois d'août, cependant, on assiste à une véritable explosion du phénomène, dit-il. Cet engouement s'explique notamment par le fait qu'après sept ans les laboratoires européens commencent à publier leurs résultats.

Patrick Dubé donne un exemple de la composition d'un laboratoire vivant :

Patrick Dubé sur le rôle des entreprises au sein d'un laboratoire vivant :

M. Dubé précise qu'un laboratoire vivant n'est pas un banc d'essai, un focus group. « Quelqu'un qui participe à un banc d'essai va avoir une perspective sur le produit qui n'a rien à voir avec celle qu'il aurait s'il avait lui-même participé à l'élaboration du produit. »

M. Dubé explique la différence entre un laboratoire vivant et un banc d'essai :

Notons qu'il est indiqué, dans le contrat de création d'un laboratoire vivant, qu'une entreprise ne peut déposer un brevet afin de s'approprier l'éventuelle innovation qui émergera de ce laboratoire.

Pourquoi les entreprises ont-elles intérêt à collaborer aux laboratoires vivants? La réponse de Patrick Dubé :

L'exemple de Seniorlab

Pour illustrer les résultats parfois imprévus que peut donner un laboratoire vivant, M. Dubé donne l'exemple de Seniorlab (Nouvelle fenêtre), en Espagne.

« Une dame qui voulait monter un projet pour des maisons de retraite s'est présentée à un laboratoire. Ainsi, des groupes de personnes âgées ont appris à utiliser le logiciel PowerPoint, afin d'y mettre leurs photos. La Ville de Barcelone a alors réalisé que ces photos personnelles venaient boucher des trous dans les archives municipales. »

« À travers cet intérêt pour les photos, les personnes âgées ont commencé à expérimenter de nouvelles technologies, par exemple des dispositifs pour simplifier l'utilisation des caméras numériques. »

« Les anthropologues ont alors découvert un phénomène magique, qui n'était pas du tout prévisible au point de départ : les gens du troisième âge (65 à 80 ans) et les gens du quatrième âge (80 ans et plus) développaient des liens privilégiés. Le tout a mené à une nouvelle profession, à Barcelone, occupée par des gens du troisième âge, pour les gens du quatrième âge. En terme d'innovation sociale, cela veut dire que les gens du troisième âge travaillent plus longtemps et que les gens du quatrième âge développent une relation de proximité avec leurs travailleurs sociaux, qui ne sont plus des étudiants de 23 ans qui sortent de l'université, mais des personnes qui ont un vécu semblable. Il n'y a plus cette fracture générationnelle. »

Quelques projets au Québec

Au Québec, notons le projet Grand Cerf-Volant (Nouvelle fenêtre), mené par Écomaris (Nouvelle fenêtre), organisme dont la mission est de faire un travail de sensibilisation et d'éducation en environnement par l'entremise de projets marins. Écomaris s'est procuré un voilier qui servira à faire des recherches pour l'Institut des sciences de la mer de Rimouski.

« Communautique veut monter le premier living lab sur un bateau, explique Patrick Dubé. Des caméras et des systèmes de communication vont permettre aux internautes de devenir plus que des voyeurs, en devenant des passagers virtuels du bateau. Par exemple, un ingénieur russe pourrait décider de participer à la cueillette et à l'analyse des données. » Le projet devrait voir le jour à l'été 2011.

On est à la recherche de citoyens qui ont des idées.

Autre projet, celui du Centre de transfert technologique en écologie industrielle (Nouvelle fenêtre), qui développe de nouveaux matériaux à partir de résidus industriels. Selon M. Dubé, il s'agit d'un exemple très concret des résultats que peut générer un laboratoire vivant.

Notons enfin le projet Urban Hub (Nouvelle fenêtre) (noeud urbain) de la Société des arts technologiques (Nouvelle fenêtre) (SAT), à Montréal.

Pour en apprendre davantage sur les laboratoires vivants :

Communautique (Nouvelle fenêtre)

Ethnovation (Nouvelle fenêtre), plateforme ouverte et collaborative de recherche transdisciplinaire dédiée aux questions touchant le soutien à l'innovation ouverte dans le cadre des living labs.

Centre for Social Innovation (Nouvelle fenêtre), laboratoire vivant basé à Toronto.

European Networks of Living Labs (Nouvelle fenêtre) (EnoLL), organisme européen qui chapeaute les laboratoires vivants, où on retrouve notamment la liste des différents laboratoires dans le monde (https://www.openlivinglabs.eu/livinglabs (Nouvelle fenêtre)).

CitiLab (Nouvelle fenêtre), en Espagne, un des premiers laboratoires vivants d'Europe, dont on peut faire une visite virtuelle (Nouvelle fenêtre).