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Lumière sur le Tribunal administratif du Québec

  • François Messier

La commission se penche jusqu'à mercredi sur le fonctionnement du Tribunal administratif du Québec (TAQ), dont le rôle consiste à trancher des litiges entre les citoyens et l'administration publique.

La commission Bastarache a entrepris mardi une phase plus technique de ses travaux. Elle entendra d'ici mercredi sept témoins qui viendront témoigner du fonctionnement du Tribunal administratif du Québec (TAQ). Quatre d'entre eux ont été entendus mardi.

La commission a en effet reçu non seulement le mandat d'enquêter sur les allégations formulées par l'ex-ministre libéral de la Justice Marc Bellemare concernant le processus de nomination des juges de la Cour du Québec, mais aussi sur le processus de nomination des juges des cours municipales et des membres du TAQ.

Me Jacques Forgues, président du TAQ de 2003 à 2008

Me Jacques Forgues, président du TAQ de 2003 à 2008

Mardi après-midi, la commission a entendu Me Jacques Forgues, qui a été président du TAQ de 2003 à 2008. Ce dernier est venu expliquer le fonctionnement du tribunal d'un point de vue de gestionnaire.

Il a décrit un processus de sélection des juges administratifs qui se décline en trois étapes. Les candidats qui répondent à un avis de recrutement doivent d'abord avoir travaillé dans un domaine d'intérêt pour le TAQ depuis 10 ans, a-t-il expliqué.

Ceux qui répondent à ce premier critère doivent ensuite subir un examen écrit pour déterminer leurs aptitudes et passer une entrevue devant un comité de sélection. Ceux qui sont jugés aptes à siéger sont susceptibles d'être nommés pour une période de trois ans.

Me Forgues a décrit un concours auquel il a siégé d'office en 2005. Il a expliqué que le comité avait finalement retenu 61 candidats sur les 398 personnes ayant postulé. La liste envoyée au gouvernement, a-t-il dit, précisait à laquelle des quatre sections distinctes du TAQ les personnes qualifiées devraient siéger, et identifiait un certain nombre de candidats étant aptes à siéger plus rapidement que les autres, en raison de leur expérience.

Le procureur associé de la commission, Me Simon Ruel a demandé à Me Forgues si le ministre de la Justice respectait ces notes, qui sont permises par la loi. L'ex-président du TAQ a répondu que le ministre respectait « presque toujours » les préférences du comité quant aux sections appropriées, mais « pas toujours » celles sur la capacité à siéger rapidement.

L'ex-président du TAQ a dit avoir appelé à l'occasion au bureau du ministre de la Justice et au secrétariat général aux emplois supérieurs pour s'enquérir de nominations qui tardaient à venir.

Me Forgues a aussi expliqué de manière plus générale les défis que représente l'administration du TAQ. Le tribunal, a-t-il dit, est itinéraire par essence, c'est-à-dire que les juges administratifs qui président les travaux des différentes instances sont appelés à siéger dans tous les palais de justice de la province.

Me Simon Ruel lui a demandé pourquoi le TAQ n'avait pas adopté une structure régionale semblable à celle de la Commission des lésions professionnelles (CLP). M. Forgues a expliqué que cela n'était pas possible à son avis étant donné le caractère spécialisé des juges.

Régionaliser la structure du TAQ impliquerait en quelque sorte que des juges siègent à plusieurs instances. Or un juge spécialisé dans les affaires sociales, par exemple, n'a pas toute la compétence requise pour entendre une cause portant sur des affaires immobilières. Les juges sont donc basés à Montréal ou à Québec, et voyagent dans les autres régions du Québec au besoin.

Après le témoignage de Me Forgues, la commission a brièvement entendu Gisèle Pagé, qui est directrice générale adjointe du TAQ. Me Marc Sauvé, directeur de la recherche et de la législation au Barreau du Québec et André Brochu, secrétaire général associé responsable des emplois supérieurs depuis novembre 2007, viendront témoigner mercredi.

Plus tôt dans la journée, la commission a entendu la professeure Suzanne Comtois, qui enseigne le droit administratif et le droit du travail à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke. Marie-France Rivard, qui est conseillère en gestion des ressources humaines au TAQ depuis 1998, et Mélanie Boyer, qui est membre du personnel du Service d'évaluation des compétences de l'École nationale d'administration publique (ENAP), ont aussi témoigné.

Qu'est-ce que le TAQ?

Le Tribunal administratif du Québec a été créé par la Loi sur la justice administrative, le 13 décembre 1996. Il est en fonction depuis le 1er avril 1998. Son rôle consiste à trancher des litiges entre les citoyens et l'administration publique.

Il est donc saisi par des citoyens de décisions prises par des autorités administratives, qu'il s'agisse d'un ministère, d'un organisme public (régie, commission, hôpital, etc.) ou d'une municipalité.

Son travail se répartit dans quatre sections, soit:

  • la section des affaires sociales (indemnisation, régime de rentes, de sécurité ou soutien du revenu, aide et allocations sociales, services de santé, d'éducation, de sécurité routière ou d'immigration). Cette section comprend aussi la division de la santé mentale (mise en liberté ou détention de personnes souffrant d'un trouble mental);
  • la section des affaires immobilières (litiges portant sur la Loi sur la fiscalité municipale et la Loi sur l'expropriation, par exemple);
  • la section du territoire et de l'environnement (lois en matière de protection du territoire et des activités agricoles ou sur la qualité de l'environnement);
  • la section des affaires économiques (questions de permis ou d'autorisations prévues dans différentes lois de contrôle économique, professionnel ou commercial).

Le TAQ est composé de juristes et de non-juristes. Les causes sont le plus souvent entendues par deux juges, dont certains ont des compétences particulières. Une cause portant par exemple sur la protection du territoire sera entendue par un avocat et un notaire. Une autre cause portant sur des affaires immobilières sera entendue par un avocat et un évaluateur agréé. Des médecins, des travailleurs sociaux et des psychiatres peuvent aussi assister des avocats.

Les membres du TAQ sont nommés par le gouvernement du Québec, sur recommandation du ministre de la Justice. La liste des membres jugés aptes à occuper ces fonctions est établie par un comité de sélection. Les candidats sont soumis à une entrevue par le comité de sélection. Ils peuvent aussi être appelés à passer un examen au préalable, si le comité de sélection le juge souhaitable.

Le comité de sélection est composé de trois ou quatre personnes, soit le président du TAQ, un membre du Conseil exécutif ou du ministère de la Justice. Le comité doit aussi comprendre un représentant des milieux intéressés qui n'est ni avocat ou notaire, ou un membre représentant le milieu juridique, ou les deux.

Le professeure de droit Suzanne Comtois

Le professeure de droit Suzanne Comtois

La professeure de droit Suzanne Comtois a indiqué qu'il pourrait être bon que le comité comprenne un représentant du public, comme cela est le cas pour les comités de sélection pour les aspirants juges à la Cour du Québec.

La liste des personnes jugées aptes par le comité est remise au secrétaire général associé aux emplois supérieurs, au ministre de la Justice et au ministre responsable des lois sur lesquels le candidat sera appelé à se pencher. Comme pour la Cour du Québec, ces juges sont inamovibles, sauf en cas de mauvaise conduite.

Mme Comtois a souligné que le Royaume-Uni a récemment modifié la façon dont fonctionnent ses comités de sélection pour des tribunaux similaires. Dans ce pays, le comité de sélection ne recommande qu'un seul nom au gouvernement, éliminant du coup toute marge de manoeuvre du côté politique. Le ministre de la Justice peut rejeter le nom recommandé, mais doit justifier sa décision.

Marie-France Rivard a ensuite expliqué dans le détail les critères nécessaires pour être jugés aptes et la façon dont le TAQ encadre les membres du comité de sélection dans leur travail.

Mélanie Boyer a pour sa part expliqué comment l'ENAP a contribué à élaborer des processus d'évaluation pour les juristes et non juristes qui souhaitent siéger à différentes instances du TAQ. Elle a dit que la Cour du Québec n'a jamais fait appel aux services de l'ENAP.

Opposition du gouvernement du Québec

Au début de la journée, le gouvernement du Québec s'est opposé, par l'entremise de son avocat, à ce que la professeure Comtois et Mme Pagé abordent certains aspects couverts dans leur déclaration préalable faite aux procureurs de la commission.

L'avocat du gouvernement, Me Patrick Girard, a souligné que Québec et le TAQ ont un contentieux de longue date sur le degré d'indépendance judiciaire du TAQ, et que les questions portant sur ce sujet sont d'ordre constitutionnel et n'ont pas leur place devant la commission.

Le commissaire Bastarache a indiqué qu'à son avis, ces questions pouvaient être liées au processus de nomination des juges. Il a choisi de laisser le témoignage de Mme Comtois aller de l'avant comme prévu, tout en invitant les procureurs des parties représentées à s'opposer à des questions précises plutôt qu'à un bloc entier du témoignage.

Le témoignage de Mme Comtois n'a finalement pas donné lieu à des objections précises de la part de Me Girard. Ce dernier est cependant revenu à la charge pour le témoignage de Gisèle Pagé. Il a estimé que la nature de son témoignage, qui a porté sur l'impact pour le TAQ des restrictions budgétaires imposées gouvernement, outrepassait le mandat de la commission Bastarache.

Le commissaire Bastarache a jugé que cet impact pouvait être d'intérêt pour les travaux de la commission. Si le gouvernement ne remplace pas des juges en raison de restrictions budgétaires, a-t-il expliqué, cela concerne la nomination des juges.

  • François Messier

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