L'insatisfaction règne chez les victimes

Earl Jones, à son arrivée au palais de justice de Montréal le vendredi 15 janvier 2010
Le soi-disant conseiller financier se voit imposer 11 ans de prison pour avoir détourné 50 millions de dollars des comptes de 158 investisseurs, ce qui provoque l'ire des investisseurs floués.
Earl Jones est condamné à 11 ans de prison pour avoir floué 158 investisseurs, pour une somme évaluée à plus de 50 millions de dollars.
La juge Hélène Morin, de la Cour du Québec, a prononcé la sentence du soi-disant conseiller financier montréalais, lundi, au palais de justice de Montréal.
La peine imposée correspond à ce qu'avaient recommandé conjointement la Couronne et la défense.
Rappelons qu'en janvier dernier, le soi-disant conseiller financier avait plaidé coupable à des accusations de fraude et de vol.
Un fraudeur au stratagème insidieux
La juge Hélène Morin a pris en considération le fait que la fraude commise par Earl Jones est moins considérable que celle effectuée par Vincent Lacroix.
L'ancien dirigeant de Norbourg s'est vu infliger en octobre dernier une peine de 13 ans de prison pour avoir détourné plus de 100 millions de dollars. Le nombre d'investisseurs détroussés dans l'affaire Norbourg s'élève à 9200.
Mais les actes frauduleux commis par Earl Jones n'en sont pas moins répréhensibles, a fait valoir la juge Morin, qui a parlé d'un « stratagème qui n'était pas violent, mais insidieux ».
Le soi-disant planificateur financier recourait à un programme informatique pour calculer les rendements à redonner à ses clients. Mais tout cet échafaudage reposait en fait sur une « coquille vide », a encore décrit la juge.
Pour déterminer la peine à infliger à Earl Jones, le magistrat a pris en compte non seulement le montant de la fraude, mais également l'impact sur les victimes. La juge a expliqué que, parmi les investisseurs floués, certains souffrent désormais d'insomnie et d'autres ont vu resurgir un cancer.
Des 50 millions de dollars détournés par l'homme d'affaires montréalais, il est estimé qu'au moins 13 millions auraient servi à éponger les dépenses personnelles d'Earl Jones.
Earl Jones regrette, dit son avocat
L'avocat d'Earl Jones, Me Jeffrey Boro, a rencontré les médias peu après le prononcé de la sentence. Il a indiqué que son client avait beaucoup de remords pour ses actions. « Il regrette amèrement ce qu'il a fait », a-t-il-déclaré.
Me Boro a insisté pour dire qu'Earl Jones ne se sentait pas bien autant moralement que physiquement. Il a indiqué que son client avait des problèmes de santé, notamment un possible cancer de la peau, des troubles cardiaques et de l'hypertension.
Il a aussi souligné que son client doit maintenant vivre sans le réconfort de ses proches, dont plusieurs font partie des investisseurs floués.
« Il n'a pas de famille, pas d'amis. Il est tout seul. Alors c'est une sentence qui est dure. Moi je trouve qu'une personne qui n'a pas d'amis, qui n'a pas de famille, qui est toute seule, c'est pire qu'une sentence de pendaison. »
« Il peut pourrir en enfer », a d'ailleurs déclaré le frère d'Earl Jones, Bevan Jones, qui fait partie des investisseurs floués.
Les victimes furieuses
Venues assister en grand nombre au prononcé de la sentence, les victimes d'Earl Jones ont déploré la décision de la juge.
Les victimes considèrent la peine beaucoup trop faible. Elles auraient souhaité qu'Earl Jones soit condamné à 14 ans de prison sans possibilité de libération conditionnelle au sixième de sa peine.
« Comme victimes, on sent qu'on n'a pas de pouvoir, que personne ne nous écoute. Les gouvernements ne nous écoutent pas et aujourd'hui nous n'avons pas eu la sentence qu'on voulait. »
Selon les victimes, le système judiciaire doit être revu pour que des peines plus sévères soient infligées à des fraudeurs comme Earl Jones.
Mme Nelles a précisé que les investisseurs floués par Earl Jones allaient tout faire pour qu'il ne soit pas libéré au sixième de sa peine, soit dans 22 mois.
Les victimes entendent continuer à se battre pour tenter de récupérer leur argent, du moins en partie. Une demande de recours collectif a notamment été déposée contre la Banque Royale du Canada, où Earl Jones détenait un compte en fidéicommis. Selon les victimes, l'établissement financier savait depuis des années qu'il y avait des irrégularités et n'a rien fait.