Un accommodement jugé «déraisonnable»

Une classe d'une école juive
Prenez note que cet article publié en 2010 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Selon l'opposition et les syndicats, le décret de la ministre de l'Éducation du Québec visant à modifier le calendrier scolaire a pour but d'accommoder certaines écoles juives privées, une situation qu'ils trouvent inacceptable.
L'opposition et les centrales syndicales continuent de s'insurger contre le projet de règlement qui vise à assouplir le calendrier scolaire, y voyant un « accommodement raisonnable » non justifié.
La ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, a admis, jeudi, que le nouveau règlement permettra aux écoles juives orthodoxes, qui dispensent des cours religieux la semaine, d'enseigner des matières obligatoires la fin de semaine.
Elle a toutefois assuré que ce n'était pas ce qui avait motivé sa décision, affirmant que son seul objectif consistait à « favoriser la réussite scolaire et augmenter la persévérance scolaire ».
Au cours d'une entrevue accordée au quotidien Le Devoir, Mme Courchesne a toutefois reconnu que son gouvernement et certaines écoles juives ont négocié pendant deux ans pour que ces dernières respectent le Régime pédagogique. Six écoles étaient en situation d'illégalité, car, pour l'instant, elles axent leur enseignement sur la religion sans dispenser les cours obligatoires (français, mathématiques, etc). Elles ont fait valoir que des cours du dimanche leur permettraient de corriger cette lacune.
Le projet, qui a fait l'objet d'un décret la semaine dernière, aura pour effet de régulariser leur situation. Il abolit la liste des congés énumérés à l'article 19 du Régime, levant notamment l'interdiction d'enseigner le dimanche, comme elles le demandaient.
Le projet n'obligera pas toutes les écoles du Québec à enseigner le dimanche, mais permettra à certaines d'entre elles de dispenser les cours le week-end.

La ministre Michelle Courchesne (archives)
La ministre Courchesne a toutefois expliqué que ce projet de règlement était destiné en priorité aux adultes. Elle a fait valoir que les changements apportés permettraient d'apporter davantage de flexibilité dans le calendrier scolaire, par exemple pour orienter des jeunes en difficulté vers des programmes de formation professionnelle ou de stages en entreprise, qui ont lieu souvent le week-end. Ainsi, le but de ce décret est, selon la ministre, d'« accommoder » cette catégorie d'étudiants qui travaillent durant la semaine. Cette nouvelle souplesse fait également partie des demandes patronales, a-t-elle soutenu.
Par ailleurs, elle s'est dite fière d'avoir réglé du même coup le cas des écoles privées juives illégales. « Est-ce qu'on va nous reprocher ça? » a-t-elle demandé.
Les critiques fusent
Qu'il s'agisse d'un objectif inavouable du gouvernement ou d'un simple effet secondaire, la décision a eu l'effet d'une bombe. Le Parti québécois estime par exemple que ce décret représente « un accommodement déraisonnable ».
En Chambre, la chef péquiste, Pauline Marois, a accueilli avec consternation les changements proposés et a dénoncé le climat de confusion entretenu par la ministre Courchesne dans ce dossier. Elle estime que la ministre de l'Éducation a « induit sciemment en erreur cette Chambre sur les raisons véritables qui motivent son changement au calendrier ».
Le député péquiste Pierre Curzi a renchéri sur les ondes de RDI, accusant la ministre de permettre à des « groupuscules ultrareligieux » d'offrir leur enseignement religieux. Selon M. Curzi, la ministre ouvre la porte à « une association plus intime entre l'enseignement et la religion ».
La Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE) a de son côté exhorté Mme Courchesne à reculer et à retirer son règlement. La présidente de la FSE, Manon Bernard, a affirmé que ce projet était présenté sous le « faux couvert de la réussite éducative », mais que le milieu de l'éducation ne devait pas être dupe.
Le président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Réjean Parent, est allé plus loin. Il dit avoir eu des pressions de la part de ses membres, qui exigent la démission de Mme Courchesne parce qu'elle ne leur inspire plus confiance. « Depuis une semaine, on a surtout voulu cacher une entente intervenue à l'insu de la population. On a tenté de maquiller le tout », a-t-il affirmé à RDI. Il craint par ailleurs que Québec vienne ainsi « d'ouvrir la porte à la reconfessionnalisation du système scolaire par la porte du privé ».
Le Congrès juif canadien satisfait
De son côté, le Congrès juif canadien a bien accueilli la décision. En entrevue à RDI, le vice-président national de l'organisme, Joseph Gabay, a jugé que la ministre Courchesne a trouvé une « façon élégante » de régler un problème qui persistait depuis des années.
« Ces écoles-là, qui formaient des citoyens québécois avec une formation qui était marginale par rapport aux critères du système pédagogique vont maintenant pouvoir se conformer et enseigner qui sont Wolfe, Montcalm et ce que sont les plaines d'Abraham, etc. », a-t-il fait valoir.
Il refuse en outre de voir dans le décret un accommodement raisonnable, traçant plutôt un parallèle avec les commerçants qui désiraient, il y a quelques années, ouvrir le dimanche. « Avec le changement démographique de la population du Québec, il y a d'autres groupes religieux qui probablement en viendront à avoir les mêmes exigences », a-t-il ajouté.
Le projet de règlement de modification au régime pédagogique a été rendu public récemment dans la Gazette officielle du Québec. Un délai de 45 jours est prévu pour les réactions.
Avec les informations de La Presse canadienne