Un Québec en retard
Prenez note que cet article publié en 2009 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, après un passage dans l'opposition de 1939 à 1944, Maurice Duplessis reprend les commandes de l'État québécois à la tête du gouvernement formé par l'Union nationale.
S'appuyant sur le clergé, le milieu agricole et les élites locales, le « chef » mène la province d'une main de fer de 1944 à 1959.
En laissant l'éducation et les services sociaux aux communautés religieuses et en adoptant des politiques protectionnistes basées essentiellement sur une vision agraire du Québec, le régime duplessiste défend l'autonomie provinciale, mais limite son développement.
Malgré la période de forte croissance économique dans la plupart des pays industrialisés, la société québécoise, et particulièrement la majorité francophone, prend graduellement du retard.
Une « grande noirceur »?

Le « chef » Maurice Duplessis, premier ministre de 1936 à 1939 et de 1944 à 1959
Photo : La Presse canadienne
Selon une certaine perception populaire, le Québec des années 1950 évoluait pratiquement à l'écart du monde, en ruralité, où la population n'écoutait que le curé.
Même si la période 1945-1960 est souvent décrite comme celle de la « grande noirceur », l'historienne Lucia Ferretti, de l'Université du Québec à Trois-Rivières, explique que « la société québécoise n'était pas si en retard que ça ».
(En vidéo: Lucia Ferretti décrit la situation du Québec de l'époque)
Éric Bédard, historien à l'Université du Québec à Montréal, ajoute que les Québécois vivaient en majorité dans les villes depuis les années 1930, que le taux de syndicalisation était sensiblement le même au Québec qu'en Ontario, et qu'avec l'arrivée de la télévision, les intellectuels québécois suivaient, eux aussi, les grands courants de pensée.
Maurice Duplessis lui-même adopte certaines mesures progressistes, comme l'électrification de régions rurales et un début timide de réforme scolaire à la fin de son règne.
L'élan du gouvernement Godbout (1939-1944)
Entre deux gouvernements dirigés par l'Union nationale de Maurice Duplessis, le gouvernement libéral d'Adélard Godbout amorce la modernisation de l'État québécois. Les femmes obtiennent le droit de vote (1940), la fréquentation scolaire devient obligatoire jusqu'à 14 ans, l'école élémentaire devient gratuite, les travailleurs obtiennent le droit de se syndiquer, une première compagnie d'électricité est nationalisée et Hydro-Québec est créée (1944).
Critiqué pour avoir accepté l'intrusion du gouvernement fédéral dans plusieurs champs de compétence provinciale pendant la Seconde Guerre mondiale et pour avoir appuyé la conscription, Adélard Godbout perd les élections de 1944. Bien que le Parti libéral obtienne 39,5 % des voix contre 35,8 % pour l'Union nationale, la répartition des votes fait en sorte que 48 candidats de l'équipe de Maurice Duplessis sont élus, contre 37 du côté des libéraux.
Lorsqu'il quitte le pouvoir, Godbout travaille sur une autre réforme importante qui verra le jour dans les années 1960: la mise en place d'un régime d'assurance-maladie.
« Désormais »
Le 7 septembre 1959, Maurice Duplessis meurt en fonction à Schefferville.
Les funérailles de Maurice Duplessis: Archives de Radio-Canada.ca (Nouvelle fenêtre)
Après 15 années consécutives comme premier ministre du Québec, la fin de son règne marque le début d'un temps nouveau.
Aussitôt au pouvoir, le successeur de Duplessis, Paul Sauvé, affirme qu'il ne rejette rien du passé de son parti, mais que « désormais » les choses vont changer.
Mais le 2 janvier 1960, quatre mois après son entrée en fonction, Sauvé est emporté par une crise cardiaque. Antonio Barrette, qui lui succède, semble alors moins enclin à entreprendre de grandes réformes.
Même si la Révolution tranquille se déploie véritablement sous les libéraux, dès l'arrivée de Paul Sauvé, « le branle est donné », explique Lucia Ferretti dans cet extrait vidéo.
Six mois plus tard, l'Union nationale perd les élections générales du 22 juin 1960 au profit des libéraux de Jean Lesage. Aussitôt portée au pouvoir, « l'équipe du tonnerre » lance de grands projets de développement qui jalonneront les années 1960.
Les cent jours de Paul Sauvé
Pendant son court mandat qui a duré un peu plus de cent jours, Paul Sauvé amorce déjà quelques réformes, dont le retrait du Québec du programme fédéral de subventions aux universités tout en ayant une compensation financière, la participation du Québec au programme d'assurance-hospitalisation à frais partagés, l'amélioration des lois ouvrières et l'augmentation du salaire minimum.
Les cent jours de Paul Sauvé: Archives de Radio-Canada.ca (Nouvelle fenêtre)