Le couperet tombe

Hubert T. Lacroix dans les studios de Radio-Canada à Montréal.
Photo : Luc Lavigne
Prenez note que cet article publié en 2009 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le président-directeur général de la Société Radio-Canada, Hubert T. Lacroix, a annoncé mercredi que le diffuseur public faisait face à un manque à gagner de 171 millions de dollars et qu'il devait en conséquence supprimer des emplois, modifier la programmation et vendre des actifs.
Quelque 800 employés seront ainsi mis à pied, soit environ 335 au sein des services français, 400 au sein de CBC et environ 70 autres au sein d'autres composantes du diffuseur public. Cela correspond à environ 8 % des effectifs de la société d'État. Les premiers employés licenciés quitteront leur emploi au début de l'été, et ces départs se poursuivront jusqu'à la fin du mois de septembre.
En ce qui concerne la programmation, M. Lacroix a annoncé des compressions de 50 millions de dollars. Le PDG du diffuseur public a confirmé qu'aucune station régionale du réseau ne sera fermée, mais que certaines feront néanmoins les frais de compressions « douloureuses ».

La société d'État vendra également des actifs évalués à 125 millions de dollars, gèlera le salaire de ses hauts dirigeants et réduira leurs primes au rendement de 50 %, et offrira un programme de départs volontaires à la retraite. M. Lacroix a aussi confirmé que la radio de Radio-Canada ne diffusera pas de publicité.
Le vice-président principal des Services français, Sylvain Lafrance, a annoncé que les compressions en information seront de 12 millions de dollars et que 85 postes seront abolis. Les compressions toucheront les journalistes des salles de nouvelles, les correspondants à l'étranger et le personnel des émissions d'affaires publiques.
À la télévision générale, les compressions seront de 18 millions de dollars. Quatorze postes seront perdus. Elles toucheront les émissions jeunesse et entraîneront des modifications des modes de production. Les producteurs indépendants qui travaillent pour la société ont aussi accepté de réduire leurs coûts.
À la radio, les compressions seront de l'ordre de 3 millions de dollars et toucheront 33 personnes. Les émissions diffusées à l'extérieur des heures de grande écoute seront touchées. L'intégration de Radio-Canada International se poursuivra, a déclaré M. Lafrance.
Huit ou neuf employés d'Internet et Services numériques seront aussi touchés. La capacité de développement de cette unité sera toutefois maintenue. Pour la production technique, 90 postes seront abolis pour récupérer 7 millions de dollars. Quelque 70 postes seront supprimés ailleurs dans le réseau.
Dans les régions, les compressions seront de l'ordre de 4,6 millions de dollars et elles toucheront 42 postes. La qualité des services en région préoccupe particulièrement les francophones en milieu minoritaire.
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Une bonne partie du financement de Radio-Canada dépend de ses revenus publicitaires, qui sont en chute libre depuis quelques mois. Or, M. Lacroix évalue à plus de 60 millions de dollars le manque à gagner en revenus publicitaires, sans compter l'augmentation des coûts de production.
Le PDG de Radio-Canada a demandé de pouvoir augmenter la capacité d'emprunt de la société, mais le ministre refuse catégoriquement, craignant que les revenus publicitaires ne reviennent jamais au niveau qu'ils ont déjà été.
Le Syndicat des communications parle d'« étranglement » de la SRC
Le Syndicat des communications de Radio-Canada (SCRC), présidé par Alex Levasseur, a dénoncé les « compressions déguisées » qui ont été imposées par le gouvernement Harper.
C'est eux qui, depuis des années et des années, continuent d'étrangler Radio-Canada, continuent de tenter de réduire le diffuseur public.
Le syndicat, qui représente certains travailleurs du Québec et de Moncton, comme les journalistes, considère que les conservateurs devraient plutôt l'aider à passer à travers une situation économique difficile.
Il a rappelé les recommandations du dernier rapport du comité parlementaire du Patrimoine canadien. Ce dernier demandait au gouvernement de s'engager vers un financement pluriannuel stable sur sept ans et de faire passer la contribution gouvernementale de 33 $ à 40 $ par Canadien.
À son avis, les compressions de 800 postes annoncées par Radio-Canada vont à l'encontre de ces recommandations.
L'opposition dénonce l'inaction du gouvernement Harper
À Ottawa, les partis d'opposition n'ont pas tardé à réagir à cette annonce. Ils ont reproché aux conservateurs de n'avoir rien fait pour sortir Radio-Canada de la situation précaire dans laquelle le diffuseur public se trouve.
Lors de la période des questions, le chef libéral, Michael Ignatieff, a attaqué le gouvernement en soulignant l'importance de Radio-Canda pour les francophones. En effet, sur les 800 emplois qui seront supprimés, presque la moitié, soit 335, le seront au réseau français.
Est-ce que le premier ministre comprend l'importance de cette institution nationale?
Le premier ministre conservateur s'est contenté de rappeler que son gouvernement reconnaît l'importance de Radio-Canada et que c'est la raison pour laquelle il a octroyé « un montant sans précédent cette année [de] 1,1 milliard de dollars ». Il a ajouté que « c'est toujours dommage quand quelqu'un perd son emploi ».
Pour sa part, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, considère que la décision du gouvernement ne fait qu'empirer les choses sur le plan économique.
Parlant au nom des néodémocrates, le député d'Acadie-Bathurst, Yvon Godin, n'a pas été tendre envers la décision des conservateurs.
Le gouvernement aurait pu venir en aide comme à n'importe quelle autre corporation privée. Mais Radio-Canada, qui a 800 personnes qui se font mettre à la porte, le gouvernement s'en fiche carrément. Je trouve que c'est inacceptable, c'est insultant.
Réactions à Québec
À Québec, l'annonce des compressions à Radio-Canada a également fait réagir les élus. La ministre de la Culture et Communications, Christine St-Pierre, elle-même ancienne journaliste à Radio-Canada, s'est dite étonnée que les compressions affectent de façon si importante les francophones du réseau, en particulier dans les régions.
« C'est assez étonnant parce que je ne pense pas que les francophones à Radio-Canada représentent 45 % de tous les effectifs. Et ce qui m'inquiète aussi, c'est comment les francophones en régions [...] vont être desservis. [...] il y a des endroits au pays où la seule source d'information, c'est Radio-Canada », a-t-elle déclaré.
De son côté, Maka Kotto, porte-parole du PQ en matière de culture et ancien député bloquiste à Ottawa, voit dans cette décision une volonté du gouvernement conservateur d'affaiblir l'institution publique qu'est Radio-Canada. Selon lui, le gouvernement Harper profite de la crise économique pour exprimer son idéologie favorable aux médias privés. « C'est de l'idéologie pure et simple. Être aussi inflexible à l'endroit du public alors que des largesses se manifestent à l'endroit du privé, ça traduit cela. »
Avec les informations de La Presse canadienne