Parlement fermé jusqu'au 26 janvier

Après une rencontre de plus de deux heures, le premier ministre Stephen Harper a obtenu de Michaëlle Jean la prorogation du Parlement. Les travaux reprendront avec la présentation du budget.
La gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, a accepté de proroger le Parlement à la demande du premier ministre Stephen Harper. La chef de l'État a donné son assentiment lors d'une rencontre de plus de deux heures tenue jeudi avant-midi à Rideau Hall.
À sa sortie de la rencontre, le chef du gouvernement minoritaire conservateur a confirmé que les travaux à la Chambre des communes reprendront le 26 janvier, et que le premier dossier à l'ordre du jour sera le dépôt du budget.
La prorogation du Parlement, qui met un terme à la session parlementaire et donc à tous les travaux en cours, permet au gouvernement Harper d'éviter un vote de confiance qu'il aurait selon toute vraisemblance perdu lundi prochain.
En vertu d'une entente conclue plut tôt cette semaine, les trois partis d'opposition auraient en effet voté contre l'énoncé économique présenté la semaine dernière par le ministre des Finances Jim Flaherty. Comme il s'agit d'un vote de confiance, le gouvernement aurait dû soit démissionner, soit demander à la gouverneure générale de déclencher des élections.
La conséquence d'une prorogation
« Toutes les affaires non complétées sont abandonnées ou expirent au Feuilleton et tous les comités perdent leur mandat, permettant ainsi un nouveau départ à la session suivante. »
Source: La procédure et les usages de la Chambre des communes, des auteurs Robert Marleau et de Camille Montpetit.
Main tendue et mea-culpa
Selon M. Harper, la prorogation du Parlement permettra à tous les partis de se concentrer sur la priorité des Canadiens: l'économie. Il a particulièrement tendu la main au Parti libéral et au Nouveau Parti démocratique, qui ont, dit-il, « la responsabilité de travailler dans l'intérêt du Canada tout entier ».
« J'invite les partis de l'opposition à travailler avec nous, à nous informer de leur position détaillée et nous serons là pour écouter. C'est essentiel. C'est le message que les Canadiens ont livré clairement. Le public est très frustré par la situation au Parlement. Nous sommes tous responsables », a-t-il dit.
(Voir la réaction de l'opposition.)
Le premier ministre a longuement parlé du fait que si les députés du Bloc québécois ont le droit de siéger au Parlement, leurs intérêts sont fondamentalement différents de ceux des trois partis nationaux. Cette différence, a-t-il insisté, est plus profonde que celle qui existe entre partisans du libre marché et partisans d'une intervention gouvernementale accrue.
Extrait de la conférence de presse du premier ministre Harper
« Le Bloc a un mandat différent que le mandat des autres partis. Les autres partis sont ici pour les intérêts du pays tout entier, et l'unité du pays tout entier. Nous avons des perspectives différentes sur ces intérêts, mais ce sont ces intérêts que nous sommes ici pour servir. Le Bloc québécois existe pour une autre raison. [...] Notre Canada inclut le Québec. Pour le Bloc, le Québec n'inclut pas le Canada et c'est une différence de perspective beaucoup plus fondamentale, plus importante que les autres différences politiques entre les partis. Je respecte le droit du Bloc québécois de poursuivre cette perspective, je suis prêt [...] à faire des accommodements pour des demandes du Bloc quand ces demandes [correspondent] aux demandes et aux principes de notre parti. Mais comme premier ministre, [...] je ne me suis jamais mis dans une place ou je dépends du Bloc québécois pour mon mandat de gouverner le pays. [...] Je ne serai jamais dans une telle position. C'est une position, à mon avis, très dangereuse pour le pays, très dangereuse pour le premier ministre. »
Le premier ministre a soutenu une fois de plus sa décision de ne pas inclure de plan de relance de l'économie, comme le réclament les partis d'opposition. « Tout le monde sait qu'un Parlement qui ne siège que depuis deux semaines ne peut annoncer un plan budgétaire sans avoir parlé à quiconque », a-t-il affirmé. « À l'évidence, nous devons rebâtir la confiance [avec les autres partis] », a-t-il admis du même souffle.
Par la porte d'à-côté
À son arrivée, vers 9 h 30, M. Harper avait choisi de ne pas entrer par la porte principale de Rideau Hall, préférant plutôt passer, pour une raison inconnue, par une porte de côté. Son entourage a d'ailleurs demandé à la presse de s'éloigner, ce qui a entraîné les protestations du président de la tribune parlementaire. Alors que Stephen Harper saluait de la main, une femme a lancé: « De quoi avez-vous peur? »
Dion et Layton veulent aussi voir Michaëlle Jean
Les chefs libéral et néodémocrate Stéphane Dion et Jack Layton ont également demandé de rencontrer la gouverneure générale en après-midi. On ne sait pas pour le moment si la gouverneure générale, qui agit normalement sur la recommandation du premier ministre, a accédé à cette demande.
Les deux chefs de la coalition qui souhaitent renverser le gouvernement Harper et prendre le pouvoir, avec l'appui du Bloc québécois, ont déjà fait parvenir une lettre à Mme Jean plus tôt cette semaine pour lui expliquer que M. Harper n'a plus la confiance de la Chambre des communes.
En matinée, les députés libéraux ont été conviés à passer au bureau du whip du parti pour prouver qu'ils appuient la coalition. Tous les députés ont signé une lettre en appui à cette coalition. Mercredi, le député libéral de Guelph, Frank Valeriote, est sorti des rangs et a dénoncé l'idée de former une coalition (voir notre article à ce sujet). Il se serait donc rallié à la décision de ses collègues.
Les néodémocrates ont d'ailleurs fait la même chose. Le député néodémocrate Yvon Godin a affirmé sur les ondes de RDI que tous les députés du parti l'ont signée.
La réponse de la gouverneure générale n'allait pas de soi pour tous. Avant que la décision ne soit prise, l'ancien gouverneur général Ed Schreyer avait par exemple déclaré au Globe and Mail que Mme Jean ne devrait pas accéder à une éventuelle demande de prorogation. « Rien ne doit être fait pour aider ou encourager [une procédure lui permettant] de ne pas se soumettre à la volonté du Parlement ». Des constitutionnalistes estiment toutefois que Mme Jean ne pouvait passer outre à l'avis du premier ministre.
Cette rencontre historique entre la chef de l'État et le chef du gouvernement survient au lendemain du discours à la nation du premier ministre Harper dans lequel il avait déjà annoncé le dépôt d'un budget en janvier prochain. (Voir notre article sur le sujet (Nouvelle fenêtre).)