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Des serruriers… pas barrés!

Après vous avoir donné un bon tuyau sur les faux plombiers, La facture vous met en garde contre les faux serruriers.

Dès son installation, la serrure présente des traces d'oxydation.

En plus de ne pas être de la bonne couleur, la poignée de porte et la serrure supposément neuves de Charles-Vincent Chevalier semblent être usagées.

Photo : Radio-Canada

« Pour moi, c'était des manières qui étaient dignes de la mafia, comme on voit dans les films. »

Charles-Vincent Chevalier, un résident de Verdun à Montréal, a été victime d’une forme d’extorsion. Quand nous l’avons rencontré l’été dernier, il était encore troublé de ce qui lui était arrivé la semaine précédente, alors qu’il pensait avoir affaire à un simple serrurier. Il s’agissait plutôt d'individus liés à une personne ayant déjà fait l'objet d'un reportage de La facture en mars 2023 pour ses méfaits en plomberie.

Tout commence par une recherche sur Google. Après avoir constaté que sa clé tournait difficilement dans la serrure de sa porte d’entrée, Charles-Vincent Chevalier tape deux mots clés : serrurier et Verdun. Un lien commandité apparaît au sommet des résultats : www.serrurier 247.ca (Nouvelle fenêtre). Il prend rendez-vous. Un homme se présentant comme serrurier arrive peu après. La rapidité de son verdict surprend M. Chevalier.

Là, tout de suite, la poignée de porte était à changer. Il n’y avait aucun doute là-dessus. Ça m'a beaucoup surpris.

Une citation de Charles-Vincent Chevalier
Charles-Vincent Chevalier témoigne de sa mauvaise expérience avec une entreprise de serrurerie qui ne détient pas de permis.

Charles-Vincent Chevalier a fait affaire avec Serrurier 24/7 après avoir cliqué sur un lien commandité dans Google.

Photo : Radio-Canada

L’employé de Serrurier 24/7 n’a pas les pièces de rechange et doit aller les chercher. Lorsqu’il revient, il n’est plus seul. Un individu l’accompagne.

Pendant que les hommes commencent le travail, M. Chevalier reçoit sa facture par courriel. Il a un choc : le prix de la poignée a doublé, et le montant total est de 971,54 $. Je suis scandalisé. Ça n’a pas de sens.

Pour discuter du prix, il doit rappeler à la serrurerie, lui explique-t-on. L’interlocutrice au téléphone ne veut rien entendre. Les deux techniciens terminent le travail, puis… attendent. Les hommes refusaient de partir tant que je n’aurais pas payé. Moi, je suis tout seul. Comment je vais pouvoir interagir avec deux hommes qui ont la même corpulence que moi? Ça va être difficile si la situation s'envenime.

Seul mode de paiement disponible : Interac. Il sera donc impossible de faire annuler la transaction. Il paie. Interac indique que le paiement a été encaissé par une certaine Julie Lévesque.

Après leur départ, Charles-Vincent se rend compte que sa serrure n’est pas neuve; le fini est déjà attaqué par l'oxydation. Mais Serrurier 24/7 ne répond plus. Il se rend à l’adresse du commerce : le local est vide.

À ce moment-là, je suis tout à fait conscient que je me suis fait avoir.

Une citation de Charles-Vincent Chevalier
La serrure qui est supposément neuve présente déjà des traces d'oxydation.

La serrure installée chez Charles-Vincent Chevalier par les ouvriers de Serrurier 247 semble usagée.

Photo : Radio-Canada

Une arnaque à grande échelle

Qualifiée d’endémique aux États-Unis, l’arnaque des faux serruriers ne connaît pas de frontières. Partout, des consommateurs pressés, mal informés, tombent dans le panneau après avoir malencontreusement cliqué sur un lien commandité de Google.

Et leurs recours sont quasi inexistants.

Un avis négatif sur Google? Le commentaire sera aussitôt suivi de faux avis dithyrambiques. Et comme le méfait est à mi-chemin entre le vol et la malfaçon, la police dirige souvent les consommateurs lésés vers la division des petites créances. Mais à quoi bon envoyer sa mise en demeure à une fausse adresse?

Charles-Vincent Chevalier reconnaît qu’il aurait dû faire quelques vérifications avant d’appeler Serrurier 24/7. Au Québec, la Loi sur la sécurité privée exige que les serruriers soient titulaires d’un permis délivré par le Bureau de la sécurité publique (BSP (Nouvelle fenêtre)). Le BSP est mandaté par le gouvernement pour faire appliquer la loi. Vérification faite (Nouvelle fenêtre), Serrurier 24/7 n’a pas de permis.

Les mailles de Google

Au-delà de la nécessaire éducation du consommateur, plusieurs critiquent la facilité avec laquelle les faux serruriers (et autres professionnels du dépannage) peuvent contourner les règles de Google pour se hisser au sommet des résultats de recherche grâce à l'achat de liens commandités.

Selon Patrick Perreault, président de l’agence de marketing numérique Périmètre, Google a fait des miracles pour les petites entreprises en leur donnant un accès inespéré à la publicité à faible coût. Des milliers d'entreprises au Québec réussissent à croître aujourd'hui parce qu'elles ont accès à cette publicité-là. Mais ça veut aussi dire que, parfois, [se glissent] des acteurs moins honnêtes ou carrément fraudeurs.

Pourtant, des mesures de vérification des serruriers (Nouvelle fenêtre) ont été mises en place par Google au Canada. Les serruriers désirant ouvrir un profil d’entreprise Google (permettant d’acheter des liens commandités) doivent participer à une entrevue vidéo avec un agent de l’entreprise et fournir les documents prouvant qu’ils sont en règle.

Patrick Perreault le fait pour ses clients, mais selon lui, la procédure connaît des ratés. On a eu des cas où, par erreur, un des fichiers envoyés [à Google] était vide. C’était le scan d'un passeport, mais on leur a envoyé une page blanche. Ça a passé comme une lettre à la poste. Donc, même si on tente de mettre des mesures en place, ce n'est absolument pas parfait.

Patrick Perreault, président de l'agence de marketing numérique Périmètre, à son bureau.

Patrick Perreault estime que Google a ouvert la porte du marché publicitaire aux petites entreprises, mais que cela comporte un risque pour le consommateur.

Photo : Radio-Canada

Le printemps dernier, Google a lancé le Centre de transparence publicitaire (Nouvelle fenêtre) afin de permettre aux consommateurs de connaître l’identité du détenteur du compte publicitaire ayant acheté la publicité. On peut trouver cette page en tapant le nom Centre de transparence publicitaire sur Google ou en cliquant sur les trois points à droite d’un lien commandité.

Dans le cas de Serrrurier 24/7, le Centre de transparence révèle que le responsable du compte est Cédrik-Alexandre Brazeau-Verati. En mars 2023, La facture avait révélé que le nom de M. Brazeau-Verati était associé, avec une autre personne, à des sites Internet de plomberies sans permis valide, qui ont fait l’objet de plaintes de la part de nombreux consommateurs.

Comment est-ce que M. Brazeau-Verati a été en mesure d'afficher de la publicité comme serrurier sans avoir de permis [du BSP] à son nom? se demande Patrick Perreault, qui rappelle qu’un serrurier doit passer le test des documents et de l’entrevue vidéo.

Donc, il aurait passé deux fois à travers les mailles du filet. Et ça, c'est ce que je demanderais à Google de nous expliquer.

Une citation de Patrick Perreault, président de l’agence de marketing numérique Périmètre

Questionné à ce sujet, Google a déclaré qu’il ne partage pas d'informations spécifiques sur ses mesures de sécurité. Les mauvais joueurs vont souvent utiliser cette information pour miner nos efforts et contourner nos règles, nous a-t-on répondu en anglais.

Google ajoute : Nous avons révisé les publicités en question et retiré celles qui ne respectent pas nos politiques.

Le compte de M. Brazeau-Verati est toujours en ligne, mais inactif depuis le 8 août dernier. M. Brazeau-Verati n’a pu être joint pour répondre à nos questions.

Prudence avec les liens commandités

Le Centre de transparence publicitaire de Google indique que Cédrik-Alexandre Brazeau-Verati a publié des liens commandités autant pour des services de plomberie que de serrurerie.

Dans le groupe auquel M. Brazeau-Verati est associé se trouve son ex-conjointe Laurie Boies, qui fait face actuellement à des accusations d’exercice illégal de la plomberie par la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. La mère de Mme Boies, Julie Lévesque, serait celle qui a perçu le paiement de 971,54 $ de Charles-Vincent Chevalier, selon le reçu Interac.

Interpellées à ce sujet, Laurie Boies et Julie Lévesque nient se livrer à des activités illégales. Julie Lévesque affirme n’être qu’une secrétaire à salaire.

Dans ce cas, qui est propriétaire de Serrurier 24/7? Mme Lévesque a refusé de nous répondre. Laurie Boies a juré sur sa grand-mère au ciel ne pas être associée à une entreprise de plomberie. Mais c’est elle qui nous a répondu lorsque, quelques jours plus tard, nous avons téléphoné à une plomberie nouvellement en ligne : Plombier Chez Rémi.

Cette entreprise, qui n’est pas titulaire d’un permis de la CMMTQ, trônait en tête des résultats grâce à un lien commandité, acheté à Google. Son compte publicitaire a depuis été suspendu, à la suite de notre appel à Google.

Charles-Vincent Chevalier a porté plainte à la police et au Bureau de la sécurité privée.

Cet argent-là, je ne le récupérerai pas. En fait, j'en étais conscient les heures après l'événement. Ce geste-là, c'est plutôt mon devoir civique.

Une citation de Charles-Vincent Chevalier

Quelques conseils :

Les consommateurs dans l’urgence à la recherche d’un serrurier peuvent consulter le Registre des titulaires de permis (Nouvelle fenêtre) sur le site du Bureau de la sécurité privée.

Ceux et celles qui cherchent désespérément un plombier peuvent consulter le Répertoire des membres de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. (Nouvelle fenêtre)

Le bouche-à-oreille peut leur être très utile, ainsi que les résultats de recherche naturels de Google.

Le reportage de François Sanche et de la réalisatrice Stéphanie Desforges est diffusé le mardi 21 novembre à l'émission La facture sur ICI TÉLÉ.

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