AnalyseParti conservateur du Québec : entre rébellion et institutionnalisation

Le chef du parti, Éric Duhaime, a obtenu 77 % d'appui lors du vote de confiance, dimanche.
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Même avant le début du congrès, des organisateurs conservateurs laissaient entendre que le vote de confiance auquel allait devoir se soumettre Éric Duhaime ne serait pas une sinécure.
Avec 77,5 % d’appui, le chef conservateur obtient davantage que les 76,2 % qui avaient poussé Bernard Landry à démissionner, mais on est bien loin des 98,6 % et 98,5 % obtenus récemment par François Legault et Paul St-Pierre Plamondon.
Toute comparaison a ses limites, non seulement chaque parti a une culture interne qui lui est propre, mais le Parti conservateur demeure une jeune formation politique. Certes, il a officiellement été constitué il y aura bientôt 15 ans, mais le nouvel élan dont il a bénéficié ces dernières années équivaut presque à une refondation.
D’un point de vue externe, un appui si timide peut sembler étonnant. Avec Éric Duhaime à sa tête, le Parti conservateur du Québec a obtenu 12,9 % des suffrages lors des dernières élections, comparativement à 1,5 % en 2018. Son nombre de membres et son financement ont aussi connu une croissance spectaculaire à la faveur de la pandémie, même si la tendance s’est depuis inversée.
Le principal souci, c’est que le chef a été incapable de faire élire un seul député, ce que bien des militants continuent de lui reprocher. Avec environ 70 000 votes de plus à l’échelle du Québec, le PQ en a obtenu trois, ce qui, on le constate au quotidien, fait une grande différence dans sa capacité à se faire valoir.
Le mode de scrutin est certes en cause, mais bien des membres s’interrogent encore sur la stratégie de campagne du Parti conservateur. Aurait-il fallu s’afficher plus clairement en opposition au système politique? Se montrer plus abrasif envers les médias? Moins courtiser les anglophones de Montréal pour consacrer plus d’énergie à la Chaudière-Appalaches? Tous ne s’entendent pas, mais Éric Duhaime dit déjà tirer des leçons des dernières élections.
Deux visions
Dans son discours, à l’issue du vote de confiance, il s’est fait fort de dire que son parti était rebelle
… tout en ajoutant, plus tard en point de presse, être fier de le voir s’institutionnaliser. Si les deux concepts ne sont pas irréconciliables aux yeux du chef, des militants aimeraient plutôt voir leur parti faire un choix.
Plusieurs d’entre eux veulent que le PCQ se professionnalise et tourne la page sur la pandémie, mais une autre frange souhaiterait plutôt le voir secouer la cage de l’establishment politique et médiatique avec plus de vigueur. La course à la présidence du parti, qui a mené à l’élection de Chantal Dauphinais, s’est d’ailleurs articulée en partie autour de ces visions divergentes.
Une certaine méfiance semble d’ailleurs subsister entre les différents camps. À la surprise de nombreux observateurs, des militants ont exprimé d’entrée de jeu des doutes sur l’intégrité du scrutin qui s’amorçait samedi matin. La période de vote, initialement prévue sur deux jours, a finalement été raccourcie, notamment parce qu’on s’inquiétait de qui allait surveiller les urnes durant la nuit.
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Quel liant?
Au-delà de leurs différences d’approche stratégique, les conservateurs ont surtout profité de la fin de semaine pour mieux définir leurs valeurs communes et leur projet politique. Après de longues heures de débats, ils ont réussi à passer en revue un touffu cahier de propositions d’une centaine de pages. Le parti veut démontrer qu’il a de la profondeur, mais il reste encore beaucoup à faire pour se doter d’un programme complet et attrayant.
Si le PCQ se distingue de ses adversaires sur la place du privé en santé ou sur l’exploitation des hydrocarbures, les discussions auxquelles on a assisté sur la réforme du mode de scrutin auraient très bien pu avoir lieu dans une autre formation politique. Le fil conducteur du congrès était l’autonomie, mais certaines propositions auront encore besoin d’être éclaircies. Surtout, il est loin d’être acquis qu’elles suffiront à accrocher les électeurs.
Au détour du débat sur une proposition réclamant plus de pouvoirs du gouvernement fédéral, un membre a présenté un amendement évoquant l’indépendance du Québec, advenant qu’il soit impossible de s’entendre avec Ottawa. L’amendement a été battu, mais on sent bien que des militants estiment ne pas encore être allés au fond de certains enjeux.
Duhaime là pour rester
Même s’il aurait sans doute aimé recueillir l’appui d’une plus grande proportion de ses militants, Éric Duhaime a été catégorique à l’issue du vote de confiance : il est là pour longtemps. On se demande d’ailleurs qui pourrait le remplacer. Sa notoriété est supérieure, et de loin, à tout autre membre du parti.
Les prochaines années risquent toutefois d’être plus difficiles que les dernières pour le chef, surtout si le PCQ ne parvient pas à bénéficier de la déconvenue de la CAQ dans les sondages. La lune de miel avec les militants est bel et bien terminée.
Non seulement le Parti conservateur doit-il réussir à se faire remarquer sur une scène politique déjà passablement encombrée, mais il doit aussi mieux se définir, prendre en maturité et, surtout, assurer sa cohésion interne.