•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Fitzgibbon sur l’autoproduction d’électricité : « Ce n’est que le début! »

Cette déclaration survient au moment où le gouvernement caquiste doit choisir les projets industriels qui seront réalisés au Québec. « C'est en porte-à-faux avec le monopole d'Hydro-Québec », croient toutefois les experts.

Pierre Fitzgibbon en point de presse.

Le ministre Pierre Fitzgibbon en point de presse.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Parmi les nombreux projets industriels sur le bureau de Pierre Fitzgibbon, combien de grosses entreprises se retrouveront à produire leur propre électricité comme l’usine d’hydrogène vert à Shawinigan? Si l'on en croit le ministre de l’Économie, « ce n’est que le début », selon un courriel obtenu par Radio-Canada, des propos qui font craindre une brèche dans le monopole d’Hydro-Québec.

Il y a quelques jours, le gouvernement caquiste annonçait le mégaprojet d’hydrogène vert en Mauricie de l’entreprise TES. Hydro-Québec va lui allouer un bloc de 150 MW d’électricité, mais TES va aussi produire 800 MW avec un parc éolien et 200 MW avec du solaire pour ses besoins énergétiques, ce qu’on appelle de l’autoproduction.

Toutefois, selon des experts et des groupes environnementaux, le projet de TES ne respecte pas la loi qui protège le monopole de la société d’État, notamment parce qu'il se fera sur un territoire où Hydro-Québec a l'exclusivité de la distribution.

On ne parle plus d’autoproduction : c’est de la production indépendante d’électricité qui se fait à des kilomètres de l'usine. C’est en porte-à-faux avec le monopole d’Hydro-Québec. La propriété de ce parc-là pourrait changer de main aussi et ça deviendrait un contrat de production d’électricité, s’inquiète Jean-Pierre Finet, analyste au Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEE), en entrevue à Radio-Canada.

Le ministre Fitzgibbon affirme au contraire que la loi permet l’autoproduction pour les entreprises comme TES et que les éoliennes du projet seront branchées directement à l’usine.

Présentation du projet TES Canada, en Mauricie, en novembre dernier.

Présentation du projet TES Canada, en Mauricie, en novembre dernier.

Photo : Radio-Canada / Yoann Dénécé

Appétit pour l’autoproduction

Mais qu’importe les inquiétudes du milieu : Québec a un intérêt pour d’autres projets d’autoproduction par les industriels, a constaté Radio-Canada.

Dans un courriel envoyé à quelques intervenants, notamment des groupes écologistes, le ministre Fitzgibbon a laissé entendre que l’usine en Mauricie n’est que la pointe de l’iceberg.

800 000 tonnes de GES évitées avec 1000 MW d’autoproduction permise par les lois, attendez de voir ce qui s’en vient. Ce n’est que le début! a-t-il écrit.

Contacté par Radio-Canada, le cabinet du ministre a confirmé l’appétit grandissant pour l’autoproduction alors que les projets industriels butent sur la baisse de surplus d’électricité.

Nous espérons que d’autres projets semblables prendront forme. Le projet se fait dans le cadre législatif actuel et la nationalisation d’Hydro-Québec n’est aucunement en danger, souligne le porte-parole du ministre, Mathieu St-Amand.

Cette intention de M. Fitzgibbon arrive au moment où les projets industriels s’accumulent sur son bureau, pour des demandes totales de 30 000 MW. Combien d’entreprises vont-elles produire leur propre électricité?

Questionné par Radio-Canada, le ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie (MEIE) a indiqué qu’il s’agit d’informations confidentielles.

Hydro-Québec est allé à la pêche

Les experts consultés s’interrogent aussi au sujet du formulaire que doivent remplir les entreprises qui ont un projet de plus 5 MW et qui veulent s’établir au Québec. Dans celui-ci, Hydro-Québec tâte leur intérêt pour des tarifs non réglementés.

La possibilité d’un tarif supérieur et non réglementé est-elle envisageable pour vous? demande la société d’État.

Dans la même section, il est aussi écrit que le gouvernement peut appliquer, au moyen d’un contrat particulier, un tarif qui n’est pas réglementé par la Régie de l’énergie.

Un formulaire.

Le formulaire d'Hydro-Québec pour les clients industriels qui veulent s'établir au Québec.

Photo : Radio-Canada / Olivier Bourque

On a l’impression qu’Hydro est allée à la pêche pour le gouvernement. Tout cela est assez nébuleux. Qu’est-ce qu’on veut dire avec des tarifs non réglementés? Est-ce qu’on ouvre encore plus grand la porte à la production privée?

Une citation de Jean-Pierre Finet, analyste au Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEE)

Même constat pour Jean-François Blain, analyste indépendant du secteur de l’énergie.

Le gouvernement et Hydro-Québec font ouvertement la promotion de rapports commerciaux et d’un usage territorial qui contreviennent à la loi et qui portent atteinte au monopole de distribution issu de la nationalisation. Le seul objectif de la CAQ, c’est l’accélération de la privatisation du secteur électrique, a-t-il souligné.

Questionnés par Radio-Canada, Hydro-Québec et le MEIE nous ont fourni exactement la même réponse.

La question est dans le formulaire depuis le printemps 2022. Celle-ci était initialement posée aux promoteurs pour connaître la flexibilité des clients par rapport aux différents tarifs. Hydro-Québec ne peut pas octroyer des tarifs autres que ceux déterminés par la Régie de l’énergie, nous a-t-on répondu.

Appelé à préciser, le MEIE a avoué qu’il s’agit d’une question exploratoire. Hydro-Québec va la retirer prochainement, nous a écrit le ministère.

Ouvrir le marché de l’électricité?

Une chose est sûre : lors des consultations sur l’encadrement et le développement des énergies propres au Québec, la question de la production privée a été évoquée plusieurs fois.

Dans le rapport final, on ajoutait que dans le contexte d’une forte croissance de la demande d’électricité, il serait bien d’ouvrir la possibilité à d’autres modèles comme l’autoproduction, les contrats d’achat d’électricité privés (Corporate Power Purchase Agreement).

Le ministre Fitzgibbon doit encadrer le développement des énergies vertes dans un projet de loi qui sera déposé en février prochain.

Toutefois, cette possibilité de voir davantage de production d'électricité privée en provenance de l'extérieur du terrain d'une entreprise (jusqu'à 30 kilomètres du site de l'usine dans le cas de TES) est dénoncée par les groupes environnementaux.

Pendant que les clients d’Hydro-Québec verront leurs tarifs augmenter lors des prochaines années en raison des coûts d’approvisionnement en hausse, les TES et autres autoproducteurs vont échapper à la contribution et au coût de décarbonation de l’économie québécoise, croit M. Finet.

Il est assis devant un micro et regarde devant lui.

Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie pour Greenpeace Canada. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Étienne Côté-Paluck

Tout ce qu’on craignait d’une ouverture plus grande au privé est en train de se réaliser. On n’a aucune démonstration que le privé serait meilleur. Le gouvernement n’a jamais tenu de débats publics sur l’énergie et, sans consultations, il est en train de donner notre vent et notre soleil au privé, sans planification.

Une citation de Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie pour Greenpeace Canada

Un autre expert, Pierre-Olivier Pineau, professeur au Département des sciences de la décision à HEC Montréal et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie, est en faveur de la fin du monopole de l’électricité.

Ce n’est plus à Hydro-Québec de produire, de prendre sur ses épaules la planification de la production. Si des gens veulent produire de l’électricité, je crois qu’il faut le faire. il y a des technologies qui existent. Je ne dis pas que ce soit le far west : il faudra des autorisations, estime-t-il.

J’irai même plus loin : si un autoproducteur veut me vendre de l’électricité, je ne vois pas pourquoi je n'en achèterais pas! Il n’est aucunement question de vendre Hydro-Québec. Mais si je mets des panneaux solaires sur mon toit et que mon voisin veut en acheter [de l'électricité], pourquoi je n’aurais pas le droit de lui en vendre? se questionne-t-il.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.