Logement étudiant : la Fédération des cégeps veut que l’iniquité cesse
La construction de logements étudiants au collégial est freinée par un article de loi qui exclut partiellement les cégeps d’un congé de taxes dont bénéficient pourtant les universités.

L'Unité de travail pour l'implantation de logement étudiant peut développer des projets, comme celui-ci, destinés aux étudiants universitaires, mais il lui est plus difficile de le faire pour les cégépiens.
Photo : UTILE
Depuis plusieurs années, la Fédération des cégeps dénonce ce qu’elle estime être une « injustice » et une « incongruité ».
La Loi sur la fiscalité municipale prévoit une exemption de taxes foncières pour toute construction de logement étudiant universitaire.
C’est cependant une tout autre histoire pour le milieu collégial. Cette exemption est offerte seulement si la résidence étudiante est la propriété du cégep et si le terrain sur lequel elle est construite lui appartient également.
Résultat : la construction de résidences étudiantes collégiales se retrouve freinée puisque des projets innovants avec un modèle d’affaires alternatif, impliquant par exemple des organismes à but non lucratif, ne peuvent amortir ces frais supplémentaires.

Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps
Photo : Photo fournie par la Fédération des cégeps
Dans le contexte de la crise du logement actuelle, il s’agit d’une modification qui nous semble importante et urgente afin qu’on soit capable de développer de nouveaux projets de résidences étudiantes.
Les étudiants et l’UTILE à l’unisson avec la Fédération des cégeps
La Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) appuie sans réserve la demande de la Fédération des cégeps. Elle la met par ailleurs elle-même de l’avant depuis plusieurs années.
Pour nous, plus rapidement ça sera modifié, mieux ça sera pour la population étudiante
, lance sa présidente, Laurence Mallette-Léonard. Ça presse! On veut du logement étudiant dès que possible!
ajoute-t-elle, évoquant des besoins accrus dans le contexte actuel de pénurie de logements.
Elle rappelle que nombreux sont les étudiants qui doivent déménager parce que leur programme de choix n’est pas offert dans un établissement de leur région. Ils sont nombreux à se heurter à la pénurie de logements abordables dans plusieurs villes de la province.
C’est le cas aussi pour les étudiants étrangers, qui ont souvent de la difficulté à avoir accès au marché locatif régulier, notamment parce qu'ils n'ont pas de dossier de crédit.
Il faut du logement dédié aux étudiants pour les sortir du marché locatif régulier. Il faut laisser les grands logements aux familles et faire en sorte qu’il y ait des logements plus adéquats et adaptés pour la population étudiante
, martèle la présidente de la FECQ.
Et pour ce faire, ajoute Mme Mallette-Léonard, il est primordial que le gouvernement fasse des investissements massifs
dans le logement étudiant et facilite l’émergence de coopératives étudiantes et de résidences gérées par des OBNL qui ont pour objectif d’offrir des logements étudiants à un coût plus abordable.
C’est justement le mandat que s’est donné l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE), qui est responsable de la construction de plus de 1000 logements étudiants abordables universitaires, dont 500 sont déjà habités par des étudiants locataires.
L'impôt foncier représente 10 à 15 % des dépenses d'exploitation d’un immeuble résidentiel, explique Laurent Levesque, directeur général et cofondateur de l’UTILE. Ces coûts supplémentaires limitent vraiment la possibilité que des organismes comme le nôtre réalisent du logement étudiant pour les cégépiens.
Il affirme avoir été sollicité, dans les dernières années, par de nombreux cégeps et de nombreuses villes collégiales souhaitant introduire leur modèle, sans pouvoir aller de l’avant, non sans frustration. La situation actuelle freine les partenariats avec les cégeps. Ça limite l’innovation et on ne peut pas répondre à l’importante demande qu’il y a dans toutes les régions du Québec
, déplore M. Levesque.

Laurent Levesque, directeur et cofondateur de l'organisme UTILE qui se consacre à développer et à gérer des projets de logements étudiants abordables.
Photo : Radio-Canada / Fannie Bussières McNicoll
La faible disponibilité de logements dans des villes étudiantes au Québec est un frein en ce moment à l'accessibilité aux études postsecondaires, et c'est vrai aussi dans le réseau collégial.
Deux projets de loi récents, deux occasions manquées, selon le milieu collégial
Le PDG de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay, avait été encouragé par l’ouverture démontrée par les ministres de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, et de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, au sujet du congé de taxes.
Mais il a été déçu et surpris de constater que la modification qu’il demande ne faisait ni partie du projet de loi 31 sur le logement ni du projet de loi 39 sur la fiscalité municipale. C’est une correction législative qui est mineure. Donc, on ne comprend pas que ça soit compliqué à obtenir
, affirme M. Tremblay.
Pour lui, voilà deux occasions manquées. C’est quand même inquiétant de voir que notre demande ne se retrouve dans aucun des deux projets de loi.
La Commission parlementaire sur l’aménagement du territoire se penchera cette semaine sur le projet de loi 39, parrainé par la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest. La Fédération des cégeps y déposera un court mémoire défendant l’idée d'un ajout au projet législatif. On se dit qu’il faut profiter de cette occasion-là. On veut être certain de ne pas tomber entre les craques du plancher
, dit Bernard Tremblay.
On a entendu une volonté politique claire de corriger l’iniquité fiscale actuelle
, indique de son côté Laurent Levesque. On a confiance, et on espère que ça va être réalisé prochainement.
Ping-pong et réponse laconique du gouvernement
Questionné sur ses intentions quant à la demande de la Fédération des cégeps, le cabinet de la ministre Laforest nous a renvoyés vers la ministre de l’Habitation, puisque ce dossier relève d’elle
.
L’attachée de presse de la ministre Duranceau s’est contentée de répondre que [leurs] équipes étudient actuellement ce mémoire et ces recommandations [dans le cadre de l’étude du projet de loi 31]
.
Au cabinet de la ministre Déry, on a aussi préféré nous rediriger vers ses collègues responsables des dossiers de l’Habitation et des Affaires municipales.