Une cause d’agression sexuelle rejetée à cause de retards

Le nouveau palais de justice de Toronto a été inauguré en février, mais cela ne règle pas les délais pour les justiciables. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada
Une Ontarienne déplore que sa cause d'agression sexuelle ait été rejetée la semaine dernière en raison des retards au palais de justice de Toronto dus à un manque de personnel. Elle demande que des mesures soient prises pour éviter que d’autres victimes vivent la même situation.
Le procès impliquant Emily Ager a commencé en juillet. Après un seul jour d’audience, où elle a témoigné devant l’accusé, il a été repoussé au 7 novembre, avant d’être rejeté.
Avant tout ça, je savais que notre système de justice était brisé, mais je ne pensais pas qu’il était complètement détruit
, a-t-elle confié lors d’une entrevue à l’émission Metro Morning de CBC la semaine dernière.

Emily Ager souhaite « faire la lumière sur la situation» publiquement pour que les choses changent et que personne d'autre ne vive une situation comme la sienne.
Photo : Metro Morning
Un échec du système
Selon elle, le système, qui est censé tous nous protéger, a échoué
.
Si un ami me dévoilait qu’il a été victime d’agression sexuelle, je ne peux pas dire que je l’encouragerais à intenter des actions en justice. J’ai perdu foi en notre système de justice.
Le système actuel, tel que je le connais, ne soutient pas les survivants. On se sent seul, on souffre et on est traumatisé à nouveau
, déplore-t-elle.
Pour Brendan Neil, avocat spécialisé en droit pénal, ces commentaires sont trop communs
.
Les commentaires d’Emily sur sa perte de confiance envers le système, on les entend de tout le monde. Des accusés, des survivants, des plaignants, des juges qui prennent des décisions difficiles
, note-t-il. C'est un problème qui perdure.
À lire aussi :
Wilhelmine Babua, la directrice générale de la Maison de Toronto, affirme que le refus de l’administration de la justice peut miner la confiance de la victime dans le système judiciaire
et en décourager d'autres à faire des signalements.
Le refus d’administration de justice victimise doublement les victimes d’agression sexuelle : une première fois par le criminel et une seconde fois par un système judiciaire défaillant.
Selon elle, cela peut créer un cycle de sous-déclaration, encourageant au passage les agresseurs dans leur comportement criminel
.
Problème systémique
La pénurie de personnel au nouveau palais de justice de Toronto a forcé plusieurs ajournements d'audiences, reports de procès et abandons d'accusation ces derniers mois. Une cause d’agression sexuelle a notamment été rejetée en septembre à cause de retards déraisonnables.
Il y a généralement plus d'un procès programmé par jour au tribunal [...], ce qui place le conseil de la Couronne dans une position très difficile, en essayant de déterminer quelle affaire doit être traitée
, explique Brendan Neil. Ce problème a été accentué à Toronto avec le nouveau palais de justice et la pénurie de personnel qui a suivi, ajoute l’avocat.
Il explique que lorsque le nouveau palais de justice a été construit, plusieurs membres du personnel de la région n’ont pas voulu aller y travailler pour plusieurs raisons personnelles, ce qui a causé un manque de main-d'œuvre.
Brendan Neil dit qu’il s’agit d’un problème systémique
, dû notamment à l’augmentation de la population et au manque de ressources pour la servir. Tous les ordres de gouvernement doivent intervenir, affirme-t-il.
Le tribunal tente de recruter pour rattraper son retard
Toute fermeture de salle d'audience est inacceptable
, indique un porte-parole du ministère du Procureur général dans une déclaration par courriel.
Il souligne que le ministère a offert des possibilités d'emploi à temps plein au personnel de garde existant et qu’il recrute maintenant de nouveaux employés permanents à temps plein grâce à un financement supplémentaire de 6 millions de dollars dans le cadre de sa stratégie pour réduire les arriérés au tribunal.
Comment se fait-il que cela n'ait pas été évité dès le départ?
, demande Emily. Il y a eu des mois de signes avant-coureurs.
Selon la Charte canadienne des droits et libertés, tout inculpé a le droit d’être jugé dans un délai raisonnable. À moins de circonstances exceptionnelles, ce délai est de 18 mois en Ontario.