Une famille canadienne évacuée de Gaza, bientôt réunie en Saskatchewan

Sabreen Algherbawi et ses quatre enfants ont été évacués de Gaza le 12 novembre. Ils font partie des quelque 200 Canadiens évacués en date du 15 novembre 2023.
Photo : Radio-Canada
C’est un cauchemar qui se termine pour Sabreen Algherbawi et ses quatre enfants. « Maman, sommes-nous dans un rêve, sommes-nous vraiment arrivés au Caire? » Ce sont les premiers mots que Karim, 12 ans, a prononcés lorsque la famille est arrivée en sol égyptien le 12 novembre, raconte la mère.
La famille canadienne qui vit en Saskatchewan était coincée à Gaza depuis la reprise du conflit le 7 octobre dernier.
Rencontrée au Caire, Sabreen Algherbawi témoigne qu’elle a dû se déplacer 6 ou 7 fois avec ses quatre enfants, de maison en maison, en passant par des refuges improvisés dans des écoles et des hôpitaux. Où étions-nous censés aller? Partout, tout est détruit, il ne reste plus rien…
D’un ton presque détaché, elle revient sur le dernier mois et demi. C’est le soulagement qui semble l’emporter sur l’inquiétude constante des dernières semaines.
Finalement nous sommes arrivées au Caire et nous sommes en bonne santé.
Leur périple n’est pas tout à fait terminé. Ils ne sont pas encore de retour à la maison, à Prince Albert, où le mari de Sabreen, Abdullah Algherbawi, est rongé par la peur.
Les contacts se sont faits rares entre le père et sa famille. Lorsque Radio-Canada l'a rencontré, une dizaine de jours après le début des bombardements, c’est un homme épuisé qui a témoigné à la caméra.
Il a alors raconté que toute la famille était partie, cet été, rendre visite à leurs proches encore à Gaza. Parents, tantes, oncles, sœurs, frères, qu’ils n'avaient pas vus depuis des années.
Ça faisait depuis 2016 que je n'avais pas vu ma famille, je voulais passer plus de temps avec eux
, explique Sabreen Algherbawi.
Après un mois de réunion familiale, Abdullah Algherbawi est revenu seul en Saskatchewan pour reprendre le travail, la mère et les quatre enfants sont restés bloqués à cause du conflit.

La famille est citoyenne canadienne depuis février 2023. Ils ont élu domicile à Prince Albert en Saskatchewan.
Photo : Radio-Canada / Gracieuseté de Abdullah Algherbawi
Lors de sa première entrevue avec Radio-Canada le 17 octobre, Abdullah avait confié ne pas savoir s’il allait un jour pouvoir prendre à nouveau ses enfants et sa femme dans ses bras. Il avait interpellé le gouvernement canadien pour qu’ils soient rapatriés au plus vite.
Il aura finalement dû attendre encore près d'un mois pour que sa femme et ses enfants soient évacués de Gaza.
Maintenant, il ne reste que quelques jours avant qu'ils soient en sol canadien. On leur a acheté des billets d’avion, ils vont arriver mardi prochain
, dit Abdullah Algherbawi.
L’homme de 42 ans sait qu’il n'aura pas la paix d’esprit tant qu’il ne se sera pas réuni avec sa famille, mais de les savoir en Égypte lui apporte un répit. Je peux relaxer, je réussis à dormir.
Ceux qui restent
Les quatre enfants, Maria, Kenan, Mohammed et Karim âgé entre 4 ans et 12 ans sont maintenant en lieux sûrs, mais les deux parents restent inquiets.
Ma sœur est à l'hôpital d’Al-Shifa. C’est une situation très difficile et elle n’est pas en sécurité
, déplore Sabreen Algherbawi. L'armée israélienne est entrée mercredi dans l'hôpital le plus important de la bande de Gaza.
Abdullah Algherbawi a quant à lui perdu deux membres de sa famille et ne sait pas combien d’autres seront tués dans ce qu’il qualifie de « génocide ».
Chaque jour, des enfants meurent, il faut un cessez-le-feu
, dit-il. Ma famille me raconte qu’ils ont dû boire de l’eau salée. Maintenant, ils disent que grâce à Dieu, ils ont eu de la pluie pour finalement pouvoir boire de l’eau potable.
Le conflit entre le Hamas et Israël perdure depuis trop longtemps, affirme le quarantenaire.
Dès les premiers souvenirs d’enfance d'Abdullah Algherbawi, la guerre est présente. J’avais 7 ans et je me rappelle avoir été à un poste frontalier avec ma mère, mais on ne pouvait pas fuir, car il ne laissait que les femmes sortir de Gaza.
Se préparer pour la suite
Le père de famille sait que même si ses enfants n’ont pas été blessés physiquement, ils auront des séquelles psychologiques à cause de ce qu’ils ont vécu.
La plus jeune, Maria, est née au Canada, elle n’avait jamais mis les pieds à Gaza ni connu la guerre. Les parents se disent prêts à faire face aux traumatismes qui feront le voyage de retour avec leurs enfants.
Ma fille a 4 ans et déjà elle connaît le mot bombe. Elle a dit à mon frère, je veux retourner voir papa, je ne veux plus aller à Gaza, il y a les bombardements.

Maria, 4 ans, joue avec des militaires au Caire en Égypte, après son évacuation de Gaza.
Photo : Radio-Canada
Depuis près d'un an, les six membres de la famille Algherbawi sont citoyens canadiens et Abdullah s’occupe maintenant de ceux qui, comme lui, font du Canada leur pays d'adoption.
Il travaille pour le Service d'accueil et d'inclusion francophone de la Saskatchewan, un organisme qui aide les nouveaux arrivants francophones à s'intégrer dans la province.
Son fils, Kenan, raconte avec fierté que son père travaille pour un organisme en Saskatchewan qui aide les gens qui arrivent au Canada [...] Il organise des activités et des soirées pour les accueillir
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Avec les informations de Tom Parry et de Pratyush Dayal