Repousser les limites de la charcuterie en restauration, l’ambition d’un chef d’Ottawa

Éric Chagnon-Zimmerly a développé une immense passion pour les charcuteries qu’il conjugue à sa cuisine aux accents gastronomiques.
Photo : Radio-Canada / Stéphanie Rhéaume
Mortadelle à base de chevreuil, coppa aromatisée au paprika, vitello tonnato (un mélange de veau et de thon) avec des cendres de poireaux... Les charcuteries du restaurant North and Navy à Ottawa éblouissent. Les saucissons des grandes bannières n’ont qu’à bien se tenir, Éric Chagnon-Zimmerly rêve de faire de la capitale une scène incontournable de la charcuterie.
Le chef de cuisine de l’établissement du centre-ville n’a jamais mis les pieds en Italie. Dans les plats qu’il prépare méticuleusement, rien n’y paraît. Le jeune homme donne la belle part aux charcuteries dans sa cuisine : un ticket sans escale vers l’Italie du Nord.
Après avoir travaillé comme cuisinier au Sidedoor dans le marché By, Éric Chagnon-Zimmerly s’est offert une immersion dans la cuisine de rue au Vietnam. Le Franco-Ontarien a ensuite fait ses classes dans un vignoble de la vallée du Niagara avant de rentrer dans la capitale.
Il a atterri au North and Navy. Ici, il a trouvé un tremplin pour assouvir sa passion pour les charcuteries.
Un trésor caché sous le plancher
En rentrant au bercail, le cuisinier talentueux rêvait de démarrer sa propre adresse avec une boucherie adjacente. Le projet est tombé à l’eau.
Les copropriétaires du North and Navy, Adam Vettorel et Chris Schlesak, disposaient néanmoins d’un appât de taille pour attirer au sein de sa brigade le diplômé en gestion culinaire et en pâtisserie du Collège Algonquin : une salle de séchage pour les charcuteries au sous-sol, un espace unique à Ottawa dans le contexte d’un restaurant.
Le premier jour que j’ai travaillé, ils m’ont montré la salle qui était encore plus expérimentale [que maintenant] [...]. La première chose que j’ai dite, c’est "Je m’en fous du reste de ma job, mais je veux m’impliquer dans ça!" (rires)
Pour accéder à cette caverne d’Ali Baba, le parcours n’est pas sans obstacle pour le chef de cuisine mesurant 1,80 m. Baisser la tête pour éviter à tout prix de la frapper sur un plafond bas est devenu pour lui une seconde nature dans le sous-sol de la vieille maison de briques de la rue Nepean.
Après une descente dans les entrailles du restaurant, il faut ensuite traverser le cellier de l’établissement. Un autre trésor insoupçonné patiente plus loin, tout juste de l’autre côté d’une porte à l’écho grinçant.

La salle de séchage du North and Navy occupe l’espace de l’ancien cellier du restaurant Beckta, autrefois établi à cette même adresse.
Photo : Radio-Canada / Stéphanie Rhéaume
Le secret caché!
, annonce Éric Chagnon-Zimmerly en rigolant alors qu'il entre dans la salle de séchage. Des pièces de pancetta et de guanciale y reposent à une température d’environ 17 °C avec un taux d’humidité de 80 %.
On essaie de contrôler la température et l’humidité. [...] Ça, ça fait que les viandes peuvent sécher... mais lentement
, précise celui qui fréquente assidûment l’endroit depuis sept ans déjà. Signe des temps, il surveille désormais les niveaux de température et d’humidité avec l’aide de son téléphone.
Quatre ou cinq mois doivent passer pour que la viande atteigne le plein potentiel désiré par le chef de cuisine.
Souvent en cuisine, on est capable de voir le processus fini en une journée. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’intéresse quelque chose qui prend des semaines avant de voir le résultat
, explique le mordu de cuisine de 31 ans, visiblement attiré par le goût du risque.
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Une proposition authentique
Éric Chagnon-Zimmerly rêve de poser ses bagages au pays de Léonard de Vinci. Comme plusieurs, la pandémie a ralenti ses ardeurs de voyages. Il se promet d’aller découvrir prochainement ce pays qui nourrit son quotidien. Les livres et la cuisine lui permettent pour l’instant de riches escales dans le terroir italien.
En attendant, il continue à partager ses saveurs avec les clients du restaurant. À son grand plaisir, l’Ottavien, qui a grandi dans l’ouest de la ville, permet aux Italiens de passage à sa table de renouer avec leurs racines.

Éric Chagnon-Zimmerly inspecte une pièce de viande dans la préparation d’un plateau de charcuteries.
Photo : Radio-Canada / Stéphanie Rhéaume
Quand il y a quelqu’un qui vient d'Italie et qu’il dit : "Oui, ça me rappelle chez moi”, c’est vraiment un beau compliment.
La coppa, avec les clients, c’est probablement l’un des plus populaires surtout chez les Italiens, parce que c’est quelque chose qu’il n'y a pas beaucoup de places qui le produisent
, souligne-t-il en s'emparant d’une portion pour la trancher finement.
Le chef de cuisine admet ressentir beaucoup de nervosité lors des soirées spéciales tenues en association avec des vignerons italiens. Fort de son humilité et d’une curiosité insatiable, Éric Chagnon-Zimmerly arrive avec une offre authentique. Dans l’assiette, ces plats exhalent les saveurs d’outremer. Ottawa prend des airs d’Italie du Nord.
Le Franco-Ontarien voit grand pour le restaurant. Ses yeux scintillent en décrivant un projet de magasin de charcuterie artisanale qui pourrait être lié à l'établissement. Terre à terre, Éric Chagnon-Zimmerly compte bien ne pas brûler d’étapes pour mener à bien son ambition. Après tout, la maîtrise de l’art de la charcuterie lui aura appris que la patience apporte son lot de récompenses.