Une BD sur les conditions difficiles de l’industrie vidéoludique au Canada

Ce sont 60 % des personnes interrogées par le chercheur et la chercheuse qui disent avoir participé à des marathons de travail pour respecter les échéanciers.
Photo : getty images/istockphoto / gorodenkoff
Marathons de production, précarité d’emploi, liberté créative brimée : un doctorant en communication de l’Université Concordia a fait équipe avec une artiste pour créer une bande dessinée et un livre blanc faisant l’état des lieux des conditions de travail parfois difficiles de l’industrie du jeu vidéo au pays.
Si tu n’aimes pas le jeu, change les règles
, c’est le titre qu’ont donné l'auteur Michael Iantorno et l'autrice Marie LeBlanc Flanagan à leur bande dessinée (Nouvelle fenêtre) et à leur livre blanc. (Nouvelle fenêtre)

Le livre blanc offre un résumé de la recherche et s’adresse à l’industrie du jeu vidéo. La bande dessinée se penche davantage sur les autres modèles de travail.
Photo : Marie Leblanc Flanagan
Ces dernières années, le duo a sondé 52 concepteurs et conceptrices de jeux vidéo au Canada – principalement au Québec –, et mené des entrevues auprès de 36 personnes portant à la fois le chapeau de propriétaires et celui de travailleurs et travailleuses de coopératives, ainsi que des personnes déléguées au syndicat et d’autres spécialistes du domaine.
L’objectif est d’explorer et de documenter les possibilités qui s’offrent aux créateurs et créatrices de jeux canadiens souhaitant structurer leur travail d’une nouvelle manière
, peut-on lire dans le livre blanc.
Des problèmes répandus
Pendant sa recherche, l’équipe est parvenue à déceler certains problèmes qui semblent se recouper d’un studio à l’autre. En tête de liste, les marathons de production, plus communément appelés crunch
, qui poussent les travailleurs et travailleuses à faire de longues heures afin de respecter les échéanciers.
Selon les données recueillies, 60 % des personnes interrogées disent avoir participé à ces marathons.
Parmi les autres problèmes, on note que 46 % affirment souffrir d’un manque de liberté créative, et 27 % estiment subir du harcèlement au travail en lien avec leur identité.
La stabilité d’emploi est également montrée du doigt : 44 % disent gagner un salaire sous le seuil vital, et 33 % signalent avoir perdu leur emploi ou en occuper un précaire.
- 60 % disent avoir participé à des marathons pour respecter les échéanciers
- 46 % affirment souffrir d’un manque de liberté créative
- 44 % disent gagner un salaire sous le seuil vital
- 35 % affirment avoir perdu leur emploi ou occuper un emploi précaire
- 27 % disent subir du harcèlement au travail en raison de leur identité
Des pistes de solutions
Le duo ne s’est pas contenté de présenter les problèmes. Il offre aussi des pistes de solutions.
On compte notamment les coopératives de travailleurs et travailleuses, et les syndicats. Ces deux éléments de réponse, bien qu’imparfaits, sont vus comme des façons de fuir des structures de gestion néfastes, selon le livre blanc, en plus de permettre plus de liberté créative et d’améliorer les conditions de travail (la semaine de quatre jours, par exemple).
Avec la syndicalisation de deux studios et la création (ou la mise en place) de plus d’une demi-douzaine de coopératives au cours des dernières années, ces structures syndicales pourraient bientôt gagner en visibilité dans l’industrie canadienne des jeux vidéo.
- 89 % pensent que les syndicats peuvent améliorer le secteur du jeu
- 58 % appuient la formation d’un syndicat dans leur entreprise
- 17 % souhaitent lancer une campagne de syndicalisation
- 50 % sont favorables à la semaine de travail de 4 jours
- 21 % sont favorables au télétravail ou au travail en mode hybride
Il existe toutefois un fort écart entre les personnes qui pensent que les syndicats peuvent améliorer le secteur du jeu (89 %) et celles qui souhaitent lancer une campagne de syndicalisation (17 %). Une faible majorité des personnes interrogées (58 %) ont déclaré qu'elles soutiendraient un effort de syndicalisation sur leur lieu de travail.
Il y a un décalage évident entre aimer l’idée d’un syndicat et appuyer concrètement les efforts de syndicalisation. Je crois que cet écart est lié au type de studio et à la capacité de prendre des risques de chacun
, a indiqué le doctorant dans un article publié sur le site de l’Université Concordia.
Les travailleurs et travailleuses du jeu ont tendance à recréer des structures d’emploi traditionnelles et hiérarchiques, plutôt que de concevoir de meilleurs avenirs professionnels.
Michael Iantorno et Marie LeBlanc Flanagan souhaitent que leur bande dessinée et leur livre blanc soient vus comme des sources d’informations pertinentes au sujet de solutions de rechange aux formes traditionnelles d’emploi, pour quiconque souhaite travailler ou travaille déjà dans l’industrie du jeu vidéo.
Nous espérons que [la bande dessinée] contribuera aux conversations saines qui se déroulent dans notre communauté
, peut-on lire dans le document, accessible en français en ligne (Nouvelle fenêtre).