Une église transformée en serre et en chambre froide en Beauce
Un organisme pourra y entreposer une plus grande quantité de légumes frais toute l’année.

Jean Champagne est président et cofondateur de l'organisme Cultiver pour partager. Dans la prochaine année, l'église de Saint-Alfred se métamorphosera en centre de culture maraîchère.
Photo : Radio-Canada / Philippe Grenier
L’église de Saint-Alfred en Beauce aura une deuxième vie. Dès l’été prochain, l’organisme Cultiver pour partager pourra y entreposer jusqu’à 75 000 kilos de légumes frais dans deux chambres froides à l’intérieur du bâtiment désacralisé.
Une serre dans le chœur de l’église, une autre à l’extérieur, ainsi qu’un centre de culture maraîchère y seront aussi aménagés, alors que les demandes d’aide alimentaire de Moisson Beauce, qui redistribue les légumes dans la région, sont en hausse.
La lutte contre l’insécurité et le gaspillage alimentaire ne prend pas de pause depuis quatre ans pour l’organisme Cultiver pour partager. Dans un champ de Saint-Alfred en Beauce, près de 175 bénévoles sont venus donner un coup de pouce cette année. Leur récolte : près de 50 000 kilos de légumes frais remis à la banque alimentaire de Moisson Beauce, qui dessert plus de 50 organismes dans la région.

Des élèves de 5e secondaire de la Polyvalente Saint-François de Beauceville viennent récolter ce qu’ils ont semé au printemps.
Photo : Radio-Canada / Philippe Grenier
Les organismes ne peuvent pas garder six mois de légumes [...] Il manque de capacités pour avoir des légumes frais à l’année. Les chambres froides, c’est la clé.
À quelques kilomètres seulement du champ, dans l’église du village, on comprend rapidement l’ampleur du chantier de construction à venir. Notre but, c’est de sauver ce bâtiment-là
, lance Jean Champagne en ouvrant les portes de l’église.
Mission : nourrir
Pour le président et cofondateur de Cultiver pour partager, la vocation du bâtiment demeure la même. On veut en faire un projet avec une mission similaire, qui va nourrir les gens, qui va s’occuper de son prochain comme l’Église s’occupait [de le faire.]
L’église, louée à Moisson Beauce, comptera deux chambres froides couvrant la moitié de sa superficie, soit environ 130 mètres carrés (1400 pieds carrés). Notre rôle c’est de remplir les chambres froides
, note Jean Champagne, dont la voix se faire entendre en écho dans l'immensité du lieu.

Voici à quoi va ressembler le projet de Cultiver pour partager dans l'église de Saint-Alfred lorsqu’il sera terminé. On peut voir la serre dans le chœur et tout juste derrière, les chambres froides qui occupent la moitié du bâtiment.
Photo : DOM Technologue / Tresca
Pour combler l'espace d’ici l’automne prochain, une serre de culture hydroponique et d'aéroponie sera aménagée dans le chœur de l’établissement, probablement pour faire de la salade à l'année
, note M. Champagne.
La partie usine
comprendra une unité de lavage et d’emballage avec des convoyeurs permettant l’entreposage. Un quai de chargement sera aussi installé à l’extérieur de l'église avec un monte-charge.

Une serre sera aussi ajoutée à l'extérieur. « On vise une serre trois saisons pour débuter », note Jean Champagne. Sa dimension sera de 100 pieds sur 30 pieds tout juste devant le cimetière.
Photo : DOM Technologue / Tresca
Mais avant, un énorme crucifix penché sur le côté rappelle qu’il faudra faire des travaux. Le bâtiment a besoin d’amour et d'être consolidée. Agenouillé, au sous-sol, devant un trou creusé dans le ciment, Jean Champagne est conscient du travail à faire. C’est des planchers de 90 ans. On se doit de refaire une structure portante pour supporter le rez-de-chaussée.
C’est deux années de grands efforts. On a trouvé des obstacles illimités. On a travaillé avec des ingénieurs, architectes, agronomes. Il fallait développer le concept et trouver l’argent.
L’aide du milieu
Ce projet de 1,2 million de dollars a été rendu possible grâce à l’implication du milieu des affaires. Moi, j’ai l’habitude de ne pas cogner aux portes du gouvernement si je n’ai pas l’argent du milieu
, explique Jean Champagne.

Un quai de chargement sera aménagé pour faciliter le transport de légumes frais.
Photo : DOM Technologue / Tresca
Desjardins est celui qui a fait la différence avec un montant de 250 000 $. Les gens qu’on connaît ont donné le même montant, ce qui nous a permis d’aller chercher 500 000 $ du gouvernement
, explique Jean Champagne au sujet du premier million amassé par le projet. Le reste viendra d’une campagne de sociofinancement et d’une aide additionnelle de Québec.
Les demandes en hausse
Chez Moisson Beauce, les patates et les oignons recueillis par les bénévoles de Cultiver pour partager se retrouvent dans une partie du corridor à température ambiante. On va faire un mois avec tout ça maximum
, lance Marie Champagne, directrice générale de l'organisme.

33 % des denrées recueillies par Moisson Beauce sont distribuées à des enfants de la région. Avec l’ajout des chambres froides, il sera possible d’avoir plus de légumes de saison dans les paniers à longueur d’année, espère Marie Champagne. « En janvier et en février, il y a très peu de légumes », note-t-elle.
Photo : Radio-Canada / Philippe Grenier
À l’étroit dans les locaux de Saint-Georges en ces temps de récolte, Moisson Beauce va doubler sa capacité d’entreposage en chambre froide grâce à l’église de Saint-Alfred. L'organisme pourra ainsi conserver les aliments plus longtemps, en plus de mettre le pied dans une autre communauté
explique la dirigeante, qui est aussi la fille de Jean Champagne.
On parle d'une centaine de palettes qui vont pouvoir être installées dans ces chambres froides. [Sans ça], les légumes auraient été laissés dans les champs ou renvoyés dans d'autres banques alimentaires. On a tellement une forte demande que ce qui entre sort très très rapidement.
Une annonce qui vient à point pour la banque alimentaire, qui a lancé un appel à l’aide en juin dernier alors que leurs réserves se trouvaient dans un état critique.

Marie Champagne est directrice générale de Moisson Beauce.
Photo : Radio-Canada / Philippe Grenier
La récolte se poursuit
Une bonne nouvelle dans les champs pour les bénévoles. Albert Lacasse, élève de 5e secondaire à la polyvalente Saint-François, à Beauceville, vient cueillir des piments avec ses camarades de classe. Il croit que ça va changer quelque chose pour les familles dans le besoin
.

Cultiver pour partager aura donné près de 100 000 kilos de légumes frais à Moisson Beauce en quatre ans.
Photo : Radio-Canada / Philippe Grenier
Son enseignante de mathématiques et bénévole de longue date, Nicole Poulin, est fière de ses élèves. On plante une graine dans le cœur de chacun. Le but, c’est qu’ils comprennent qu’ils sont capables d’aider
, note-t-elle, se réjouissant au passage de la construction des futures chambres froides.
On entend souvent dire : "Ah les jeunes d’aujourd’hui!" Mais les jeunes d’aujourd’hui, quand on les sensibilise, les entoure et les encadre, ils sont capables de faire de belles choses.
Dans le champ, Jean Champagne se prépare lui aussi pour la fin de la saison avec le sentiment du devoir accompli. On va sûrement multiplier par 5 le nombre de légumes qu’on va donner
, lance-t-il, tout en étant bien conscient du travail à venir pour atteindre ce but.
Les travaux dans l’église devraient être terminés au début de l’été prochain.