AnalysePartielle dans Jean-Talon : la lune de miel est bel et bien terminée pour la CAQ

Pascal Paradis et Paul St-Pierre Plamondon célèbrent la victoire du Parti québécois dans Jean-Talon.
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
On prévoyait un vote serré, mais le suspense n’aura finalement même pas duré une heure. Dès le dépouillement des premières boîtes de scrutin, une tendance nette s’est installée et elle n’a cessé de s’amplifier par la suite.
Avec 44 % des voix, le Parti québécois (PQ) réussit une percée historique, dans une circonscription qu’il n’avait jamais, jusqu’ici, réussi à conquérir. Si les élections partielles obéissent d’abord à des dynamiques locales et à des circonstances particulières, Paul St-Pierre Plamondon a tout de même de quoi célébrer.
En un an à peine, le chef péquiste a su extirper son parti de la spirale de décroissance qui l’aspirait chaque année un peu plus. Le PQ est certes encore très loin du pouvoir, mais ce résultat devrait surtout lui permettre de se distinguer des autres partis d’opposition.
Depuis déjà quelques mois, le PQ a pris l’habitude de se présenter comme deuxième force politique au Québec
, mais la formule semblait jusqu’ici relever davantage de la coquetterie que du fait avéré. La victoire apportera de l’eau au moulin péquiste, ce qui n’est pas négligeable dans le contexte où chaque parti d’opposition doit chaque jour trimer dur pour réussir à attirer l’attention au sein d’un parlement fragmenté.
Une gifle pour la CAQ

Le premier ministre François Legault a pris le blâme pour la déconfiture de ses troupes dans Jean-Talon. La candidate Marie-Anik Shoiry l'a accompagné sur la scène.
Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel
Après cinq ans de pouvoir, le gouvernement subit un premier vrai revers électoral. Depuis 2018, la CAQ n’avait cessé de conquérir du terrain, à la faveur d’élections partielles autant que lors des dernières élections générales – la seule exception ayant été la circonscription de Camille-Laurin, dans des circonstances très particulières, l’automne dernier.
La bonne fortune de François Legault semble cependant s’étioler. Malgré le choix d’une candidate connue, bien implantée dans son milieu, la CAQ a perdu dans Jean-Talon plus de 10 points de pourcentage en termes de suffrages exprimés, en un an à peine. La présence soutenue d’élus caquistes sur le terrain au cours des dernières semaines n’a visiblement pas eu l’effet escompté.
Il serait bien sûr hasardeux de tirer des conclusions définitives sur la base du seul résultat d’hier, compte tenu de la dynamique politique très particulière qui règne depuis maintenant quelques mois à Québec. Si l’abandon du projet de tunnel entre Québec et Lévis explique sans doute en bonne partie le recul de la CAQ, le premier ministre aurait cependant tort d’y voir un épiphénomène.
Depuis un an, la CAQ perd des plumes dans les sondages nationaux. Le taux de satisfaction diminue, et les électeurs sont de plus en plus nombreux à s’inquiéter de la hausse du coût de la vie, de la pénurie de logements et du manque d’accès à de nombreux services publics.
La défaite est sans doute douloureuse, mais la CAQ pourra toujours se consoler en songeant au fait qu’elle a jusqu’ici défié tous les pronostics. Réussir à se maintenir en tête des sondages après cinq ans de pouvoir est tout un accomplissement, surtout quand ces cinq années ont été marquées par la gestion d’une pandémie, aussi mortelle qu’imprévisible.
Il était évident que la CAQ finirait, tôt ou tard, par descendre de son nuage. L’abandon du troisième lien semble avoir précipité les choses.
Recul pour QS et pour le PLQ
Après avoir terminé en deuxième position l’année dernière, Québec solidaire recule en troisième place dans Jean-Talon.
La circonscription a pourtant des attributs qui pourraient en faire un terreau fertile pour la formation politique. On pense au caractère très urbain du comté et à la présence du campus de l’Université Laval.
Même si Gabriel Nadeau-Dubois maîtrise parfaitement les codes de la politique et réussit à s’illustrer à l’Assemblée nationale, quelque chose ne colle pas. Le défi sera vaste pour la personne qui sera choisie afin de l’assister comme nouvelle co-porte-parole féminine du parti.
Après avoir régné en maître sur Jean-Talon pendant une cinquantaine d’années, le Parti libéral du Québec (PLQ) a réussi l’exploit de perdre encore plus de terrain dans une circonscription où il en avait déjà cédé beaucoup ces dernières années.
Le famélique 9 % d’appui obtenu par le PLQ donnera encore plus de matière à réflexion au comité chargé de repenser l’identité du parti, mais on se demande bien ce que ce dernier pourra proposer pour redresser la situation. Le problème est visiblement structurel, la candidate libérale n’ayant commis aucun faux pas durant la campagne.
Dans un cas comme dans l’autre, l’achat de publicité sur les plateformes de Meta n’aura pas eu les résultats escomptés.
Attentions aux parallèles
Des militants péquistes seront sans doute tentés d’établir un lien entre l’élection d’hier et celle qui avait permis à la CAQ de s’illustrer dans Louis-Hébert en 2017. S’il est indéniable que la victoire de Geneviève Guilbault avait permis à son parti de se présenter comme solution de rechange au PLQ l’année suivante, la situation actuelle est bien différente.
Les prochaines élections générales n’auront pas lieu avant trois ans et, même rendue là, la CAQ n’en sera qu’à huit ans de pouvoir, comparativement à une quinzaine d’années pour les libéraux en 2018. C’est sans compter que la CAQ est toujours première dans les sondages et qu’elle continue de tirer profit de la division des forces d’opposition.
Mais les choses changent vite en politique. Quiconque se serait hasardé à prévoir une victoire du PQ dans Jean-Talon aurait sans doute fait rire de lui il y a quelques mois à peine.