Projet résidentiel de 8 étages à Québec : « Ce ne serait plus le même quartier »

Romina Barony, Carole Dussault, Jean-François Boudreau et Fabienne Mathieu font partie d'un regroupement de citoyens qui s'inquiètent de la construction d'un immeuble résidentiel de huit étages sur le site à l'abandon qu'on voit derrière eux.
Photo : Radio-Canada / Jérémie Camirand
Un projet résidentiel de huit étages proposant 79 logements et situé en plein cœur de Sainte-Foy suscite l'inquiétude et la grogne de nombreux résidents. Il illustre les problèmes de densification auxquels la Ville de Québec devra faire face si elle souhaite construire 80 000 logements d'ici 2040, comme elle l'a annoncé plus tôt cette semaine.
Si le projet voit le jour dans sa forme actuelle, ce ne serait plus le même quartier
, lance Jean-François Boudreau, qui habite le secteur depuis 40 ans. Lui et une trentaine de voisins se sont réunis dimanche devant le site convoité du 963, rue Mainguy pour se faire entendre.
C'est que le Saint-Denys, un projet piloté par le groupe Acero Immobilier, doit être érigé dans un quartier où la réglementation limite la hauteur des bâtiments à quatre étages.

Une modélisation du projet Saint-Denys présentée aux citoyens le 21 septembre dernier. Le bâtiment comporte huit étages et 79 logements.
Photo : Acero Immobilier
Pour que l'immeuble de 79 logements situé entre les rues Mainguy et Gabriel-Le Prévost voie le jour, la Ville de Québec devrait modifier son Programme particulier d'urbanisme (PPU). L'administration du maire Bruno Marchand est en réflexion à ce sujet dans un contexte où elle cherche à créer 5000 unités par an d'ici 2040.

Le bâtiment longerait la rue Gabriel-Le Prévost entre les rues Pouliot et Mainguy.
Photo : Ville de Québec
L'espace convoité par le promoteur se situe à l'intersection de deux réalités urbaines distinctes.
À l'ouest, du côté de la route de l'Église, des tours et des complexes résidentiels de plus de dix étages sont bien installés. À l'est, le secteur est plus résidentiel avec plusieurs maisons unifamiliales et des immeubles d'appartements de deux ou trois étages.
À lire :
Contestation citoyenne
Ça vient complètement défigurer [le quartier]
estime Jean-François Boudreau.
Les citoyens disent ne pas être contre la construction de logements, surtout sur un site qui est à l'abandon depuis la fermeture de l'épicerie de quartier qui s'y trouvait il y a dix ans. Plusieurs aimeraient que le promoteur réduise son projet pour le faire passer à 32 logements sur quatre étages.

Plus d'une trentaine de citoyens se sont réunis dimanche sur le site du 963, rue Mainguy, pour contester le projet immobilier Saint-Denys.
Photo : Radio-Canada / Jérémie Camirand
Ça va amener du trafic, ça va amener de la vitesse
, déplore la citoyenne Carole Dussault. Ça nous inquiète. Si on met un huit étages-là, on n'appelle pas ça une transition douce.
Ça va juste créer un plus grand afflux routier dans nos rues
, ajoute Romina Barony, mère de deux enfants.
Elle souligne que plusieurs automobilistes empruntent déjà les rues du quartier pour éviter la congestion routière aux alentours.
Jean-François Boudreau salue l'intention de la Ville d'accélérer la densification, mais il lui demande de respecter son plan d'urbanisme en limitant la hauteur du projet à quatre étages. Faire une exception au PPU pour ce projet ouvrirait la porte à d'autres dérogations à la pièce
au bénéfice de promoteurs, selon lui.
Si on [cède] là, on ne peut plus refuser un autre qui va arriver à côté et dire : "Regardez, moi, je fais la même chose, vous avez dit oui [à quelqu'un d'autre auparavant]."
Embourgeoisement
Dans le document de présentation du projet, le promoteur indique que le Saint-Denys répond à la demande accrue de logements abordables
.
Seulement huit des 79 logements seront considérés comme abordables au regard de la réglementation. Ce seront des unités de type trois et demi avec des loyers mensuels supérieurs ou égaux à 1057 $ par mois, selon Acero Immobilier.
Le reste du bâtiment sera constitué de logements de type quatre et demi avec un rez-de-chaussée composé de logements de type maisons en rangée
. Le promoteur évalue que les quatre et demi, dans le prix minimal du marché, se situent aux alentours et 1500 $ et 1600 $ en frais de le loyer par mois.

Le 963, rue Mainguy est à l'abandon depuis dix ans.
Photo : Radio-Canada / Jérémie Camirand
Ces prix risquent d'embourgeoiser le quartier, selon la citoyenne Fabienne Mathieu.
C'est des logements qui s'adressent à une clientèle aisée! Ça ne répond pas aux besoins actuels. On a besoin de logements abordables pour les jeunes familles qui viennent s'installer.
Acero défend son projet
Benoit Raymond, président d'Acero Immobilier, dit avoir reçu beaucoup plus de commentaires positifs que de commentaires négatifs de la part des citoyens. Il croit que son projet est plus que pertinent en période de crise du logement et il est convaincu qu'il ne bouleverserait pas l'ADN du quartier.
Il rappelle qu'un édifice de logements situé à l'opposé du site, le Gabriel, fait 14 étages. Nous, on en demande huit
, dit-il. Il y a déjà des bâtiments de 11 étages sur la rue Mainguy.
Pourquoi construire huit étages plutôt que quatre?Parce que c'est un site exceptionnel de densification. […] On a un besoin criant de logements
, répond M. Raymond.
Si le projet voit le jour, il sera situé à moins de 150 mètres de la future station du tramway située au parc Roland-Beaudin.

Une maquette du tramway de Québec en train de circuler sur l'axe de l’avenue Roland-Beaudin et du boulevard Hochelaga.
Photo : Gracieuseté : Ville de Québec
M. Raymond dit comprendre les inquiétudes des citoyens, mais il assure que son projet sera bénéfique pour le quartier et pour la ville de Québec au moment où le taux d'inoccupation des logements dans la RMR de Québec est de 1,5 %.
Le bien-être de la société doit primer
, tranche-t-il.
Il dit attendre une réponse de la Ville dans le dossier du Saint-Denys. L'élu municipal du district concerné, David Weiser, n'a pas répondu à nos demandes d'entrevue.
Avec la collaboration de Jérémie Camirand et d'Olivier Lemieux