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Une personne handicapée intellectuelle a servi d’esclave en Beauce

Un immeuble en brique avec un drapeau du Québec à l'avant.

Une femme a reçu une peine de quatre ans de prison au palais de justice de Saint-Joseph-de-Beauce pour avoir maltraité et exploité une personne handicapée intellectuelle.

Photo : Gracieuseté : Jean-François Caron

Pendant près d'une décennie, une Beauceronne d'une soixantaine d'années qui a les capacités mentales d'une enfant de 7 ou 8 ans « a vécu l'enfer », étant comparée à une « esclave » ou à « Aurore l'enfant martyre ».

En raison de sa déficience intellectuelle, Solange* vivait chez un membre de sa famille désigné à titre de tuteur. La conjointe de ce tuteur a profité de la situation en traitant la pauvre femme comme son esclave, la contraignant à exécuter toutes les tâches ménagères, en plus de la maltraiter physiquement pendant plusieurs années.

En plus d'être battue à répétition, Solange doit dormir sur un lit de camp dans la cave de la maison, un endroit qu'elle ne peut quitter la nuit. Elle devait faire ses besoins dans une chaudière dans cette pièce-là, a révélé la procureure de la poursuite, Me Annik Harbour, lors d'une audience au palais de justice de Saint-Joseph-de-Beauce.

Avocate en entrevue avec des journalistes.

Me Annik Harbour, procureure aux poursuites criminelles et pénales. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Au cours de l'été, Josée* a reconnu sa culpabilité pour avoir commis des voies de fait armées sur Solange, lui avoir causé des lésions, l’avoir séquestrée et fraudée. Parce qu'en plus d'exploiter physiquement la victime, la tortionnaire l'a aussi privée de son argent, détournant plusieurs milliers de dollars à son profit.

Agressions sexuelles

La victime aurait aussi été agressée sexuellement par Benoit*, le frère de Josée, qui vivait sous le même toit. Solange aurait d'ailleurs souffert d'une infection sexuellement transmissible.

C'est dans ce contexte que la séquestration a eu lieu. Plutôt que de sortir l'agresseur du milieu, eh bien on a embarré madame dans une petite chambre avec une chaudière, a souligné Me Harbour.

Pendant la journée, Solange doit porter des couches, puisque l'accès à la toilette lui est souvent refusé.

L'accusée a déjà lavé la victime avec une brosse à plancher, dans un bain contenant du Ajax, parce qu'elle avait déféqué dans sa couche.

Une citation de Me Annik Harbour, procureure du DPCP

Ce régime de terreur va durer pendant près de 10 ans, jusqu'à ce que le tuteur de Solange décède en 2020. C'est la nouvelle tutrice de Solange qui a découvert les atrocités vécues par sa nouvelle pensionnaire.

Peur d'être noyée

La tutrice a témoigné lors des procédures criminelles contre Josée, le mois dernier. La femme a décrit comment Solange était réticente à se faire laver les cheveux parce qu'elle dit qu'elle a essayé de la noyer.

Côté nourriture, elle va encore demander si elle peut avoir un verre d'eau, si elle peut prendre quelque chose dans le garde-manger, confie aussi la dame.

C'est elle qui a constaté des anomalies dans les transactions bancaires du compte de Solange. Un virement de 1529 $ était effectué tous les mois au profit de Josée, un montant qui correspond à son allocation pour la sécurité de la vieillesse, a constaté Me Harbour.

Achats inutiles pour Solange

Les vérifications ont démontré que l'argent de Solange a servi à acheter un iPad et des cellulaires, pour lesquels elle avait des forfaits mensuels alors qu'elle ne sait ni lire ni écrire, a révélé la procureure de la poursuite.

Le compte d'Hydro de la résidence de la tortionnaire où plusieurs personnes vivaient était aussi au nom de Solange, dont l'argent servait également à payer l'épicerie pour la maisonnée.

Après avoir constaté l'état de Solange, la nouvelle tutrice l'a conduite chez une médecin, qui a produit un rapport médical. La docteure a noté la présence d'importantes abrasions aux genoux de Solange, puisqu'elle avait eu ses articulations en sang, à force de laver les planchers à quatre pattes.

Plusieurs témoins muets

La sexagénaire avait aussi une lésion à la tempe droite qui ne guérissait pas. Au cours de l'enquête policière, des témoins révéleront avoir vu Josée frapper la victime à plusieurs reprises, parfois à coups de balai ou de vadrouille, et même la pousser du haut d'un escalier.

Personne ne dénonçait la situation de maltraitance, puisqu'elles craignaient Josée

Une citation de Me Annik Harbour, procureure du DPCP

Quand les policiers ont rencontré un neveu de la victime, il a comparé Solange à Aurore l'enfant martyre, mais dans un corps d'adulte, a illustré Me Harbour.

Solange témoigne

Le juge a pu constater les capacités mentales de Solange, qui a témoigné sur les conséquences des agressions répétées qu'elle a vécues.

La sexagénaire se trouvait dans une autre salle du palais de justice pour son témoignage par vidéo, afin de ne pas croiser son bourreau qu'elle craint toujours. Pour faciliter son témoignage, elle est accompagnée de sa nouvelle tutrice et de Manic, un chien de soutien de la Sûreté du Québec.

Manic, le chien de soutien émotionnel, est couché sur le plancher du palais de justice de Québec.

Manic, un chien de soutien émotionnel de la Sûreté du Québec, a accompagné Solange durant son témoignage.

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperrière-Roy

J'ai très mal ici, confie de sa petite voix Solange, en mettant la main sur sa poitrine, à la hauteur de son cœur.

Je veux m'en sortir et je ne veux plus voir eux autres. Jamais.

Une citation de Solange, lors de son témoignage

Me Harbour s'adresse à elle lentement, comme on le ferait avec une enfant. Comment vous vous sentez dans votre cœur, lui demande-t-elle.

J'ai le cœur qui n'en dort plus la nuit. J'ai peur d'eux autres, confie la victime, en ajoutant vivre toujours dans la crainte. Je voudrais qu'ils me laissent en paix. Qu'ils ne viennent plus me déranger, souffle Solange, avant d'ajouter qu'elle est heureuse où elle vit présentement.

Le juge Robitaille prend la parole, sur le même ton que Me Harbour un peu plus tôt.

Rassurez-vous, il n’y a à peu près pas de chance. Vous ne la reverrez plus jamais, cette femme-là, indique le juge. Merci, merci beaucoup, répond Solange, émotive.

Josée s'excuse

J'aurais pas dû faire ça, a convenu Josée, qui a également témoigné en exprimant des regrets.

Je n'arrête pas de penser à tout ça dans ma tête, a-t-elle dit en pleurnichant, tout en promettant de ne jamais recommencer.

C'est odieux ce qui s'est passé, a convenu son avocat, Me Benoit Labrecque, au moment de présenter la peine convenue avec la poursuite.

Les avocats ont suggéré d'imposer quatre ans de détention à Josée, une peine que le juge a qualifiée être dans les limites de l'acceptable.

Le juge Robitaille a fait valoir que la femme aurait pu recevoir une peine plus sévère, mais qu'elle n'était pas déraisonnable. Le fait qu'elle reconnaisse sa culpabilité, évitant à Solange de témoigner dans le cadre d'un procès, a constitué le principal facteur atténuant pour Josée.

La délinquante a profité sans gêne et sans pitié d'une femme complètement vulnérable et démunie, telle une enfant âgée de moins de 10 ans, a noté le magistrat en imposant quatre années de détention à Josée, le mois dernier.

Quant à son frère Benoît, qui aurait agressé sexuellement Solange pendant plusieurs années, il doit se présenter au tribunal cette semaine pour régler son dossier.

*prénoms fictifs pour protéger l'identité de la victime

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