Carte électorale : « Il n’y a pas de solution parfaite », fait valoir le DGEQ

Jean-François Blanchet a été nommé directeur général des élections du Québec par l’Assemblée nationale en décembre 2022 pour succéder à Pierre Reid. Il est entré en fonction le mois suivant.
Photo : Radio-Canada / Bruno Giguère
Ce n’est pas par plaisir que Jean-François Blanchet propose de retirer deux circonscriptions à Montréal et à la Gaspésie. Le directeur général des élections du Québec (DGEQ) insiste : ses fonctions l’obligent à faire appliquer la loi.
En suggérant récemment de dissoudre Anjou–Louis-Riel et de fusionner Gaspé et Bonaventure, la Commission de la représentation électorale, qu’il préside, n’a fait que son devoir, explique M. Blanchet en entrevue.
Notre objectif, c’est de nous assurer que chacun des électeurs soit représenté de façon équitable le plus possible.
La loi est claire : sauf exception, toutes les circonscriptions du Québec devraient avoir le même poids, c’est-à-dire que le nombre d’électeurs dans chaque comté devrait se situer dans un intervalle de plus ou moins 25 % par rapport à la moyenne.
Dans ces circonstances, les commissaires n’avaient pas le choix
de proposer une délimitation qui permettrait de rétablir
l’équité, explique le DGEQ.
La rédaction du rapport préliminaire déposé la semaine dernière à l’Assemblée nationale n'a pas été simple, confie M. Blanchet. Le document, qui fait 173 pages, propose de modifier les frontières de 55 des 125 circonscriptions du Québec. Deux nouveaux comtés seraient créés, dans les Laurentides et dans le Centre-du-Québec.
Si ces changements permettraient de rétablir un certain équilibre, ils ne manqueront pas, dans certaines régions, de faire des mécontents, reconnaît M. Blanchet. Mais il n’y a pas de solution parfaite
, fait-il valoir, philosophe.
Une résistance prévisible
Depuis la dernière révision de la carte, qui s’est conclue en 2017, la population électorale a beaucoup évolué, notamment pendant la pandémie de COVID-19, si bien qu’il a fallu réévaluer le poids politique de chaque région.
À Montréal, par exemple, les changements de délimitation ont été rendus nécessaires par une transformation non négligeable
de la démographie, explique M. Blanchet, faisant allusion à l’exode de nombreux ménages et à un afflux important de résidents non permanents, qui n’ont pas le droit de vote.

La Commission de la représentation électorale du Québec est un organe différent du bureau du Directeur général des élections. M. Blanchet la préside néanmoins.
Photo : Radio-Canada / Bruno Giguère
Dans l’Est-du-Québec, un déclin prononcé de la population électorale a aussi poussé la Commission à recommander la suppression d’une circonscription.
La nouvelle a été mal accueillie par les élus locaux, qui se sont notamment plaints que les comtés de la péninsule gaspésienne et du Bas-Saint-Laurent seraient dorénavant trop vastes.
Mais pour M. Blanchet, une telle réaction est tout à fait normale
. On s’y attendait
, dit-il. En ce sens, il aurait été [plus] facile de ne rien faire
, plaide le DGEQ.
M. Blanchet dit comprendre les préoccupations des élus concernés. Mais il souligne que 11 autres circonscriptions sont déjà plus vastes que Gaspé-Bonaventure et Matane-Matapédia (dont les limites seraient également réaménagées) si la proposition de la Commission était appliquée telle quelle.
Les critiques pourront s’exprimer dans le cadre des audiences publiques qui se dérouleront du 10 octobre au 15 novembre et qui déboucheront par la suite sur un rapport révisé, rappelle M. Blanchet.
La Commission a-t-elle en banque des scénarios alternatifs si la pression devient trop forte? Il y a toujours des modifications entre le rapport préliminaire et le rapport révisé
, répond le principal intéressé.
Une nouvelle carte pour la fin de 2024
Mais les caquistes n’auront que bien peu de pouvoir sur la suite du processus : à moins qu’ils ne souhaitent modifier la loi, c’est la Commission qui aura le dernier mot sur la prochaine carte électorale, qui devrait entrer en vigueur aux élections de 2026.
Tout au plus, les parlementaires pourront-ils retarder le moment où la Commission viendra leur présenter sa proposition de délimitation, comme fut le cas en 2007, sous le gouvernement minoritaire de Jean Charest.
M. Blanchet affirme néanmoins avoir bon espoir d’être convoqué dans un délai raisonnable
par l’Assemblée nationale.

La loi exigeait que la Commission dépose une proposition de délimitation à l’Assemblée nationale dans un délai de 12 mois suivant les élections du 3 octobre 2022. Ladite proposition a finalement été présentée aux élus le 19 septembre 2023.
Photo : Radio-Canada / Bruno Giguère
Pour établir une meilleure équité électorale, certains observateurs – comme l’ex-maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, et le professeur Marc André Bodet, de l’Université Laval – croient qu’il serait préférable de modifier la Loi électorale afin d’augmenter le nombre de circonscriptions, dont le maximum est fixé à 125.
Le premier ministre Legault a toutefois rejeté cette idée d’emblée la semaine dernière, faisant valoir que le Québec comptait déjà autant de députés que l'Ontario, malgré une population deux fois moins nombreuse.
De toute façon, procéder ainsi ne changerait rien
à l'iniquité entre les régions, fait valoir M. Blanchet. D’où sa volonté d’aller de l’avant avec la proposition actuelle, quitte à modifier celle-ci en fonction des commentaires qui seront entendus lors des audiences publiques.
On vise une nouvelle carte électorale pour la fin de 2024
, affirme M. Blanchet. Si tout va bien
, précise-t-il.
Boucler un tel processus en deux ans à peine représenterait un exploit. Il s’est écoulé 36 mois entre les élections d’avril 2014 et la publication dans la Gazette officielle de la carte électorale actuelle, en mars 2017. La révision précédente s’était quant à elle étirée sur 55 mois, traversant deux législatures, de mars 2007 à octobre 2011.