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AnalyseFilière batterie : un geste tout simplement historique

Plusieurs personnes assises applaudissent.

Les premiers ministres du Canada et du Québec Justin Trudeau et François Legault ainsi que les ministres François-Philippe Champagne et Pierre Fitzgibbon étaient présents à la conférence de presse de l'entreprise suédoise Northvolt.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Bien plus structurant qu’une cimenterie ou qu’un projet d’exploration pétrolière à l’île d’Anticosti, le projet que Northvolt vient d’annoncer sur la Rive-Sud de Montréal place le Québec parmi les grands développeurs de la filière batterie du monde. L’investissement public, souvent critiqué, est absolument nécessaire. Si on veut être un acteur de premier plan dans ce secteur, il faut impérativement et rapidement injecter des milliards de dollars.

Et c’est ce que font les gouvernements du Canada et du Québec en bâtissant une filière intégrée de la batterie verte. Sachant qu’au cours de la prochaine décennie, les ventes de véhicules à essence cesseront et le développement du transport collectif électrique grandira inexorablement, le Canada fait le choix aujourd’hui de plonger tête première dans la filière batterie. Les ministres Champagne et Fitzgibbon ne ménagent pas leurs efforts.

Ont-ils raison d’aller aussi loin, aussi rapidement? François-Philippe Champagne devait-il annoncer un investissement pouvant atteindre 13 milliards de dollars dans une usine de batteries de Volkswagen en Ontario? Le Canada et le Québec ont-ils raison encore aujourd’hui d’annoncer un investissement qui pourrait dépasser 7 milliards de dollars en argent public dans le projet de Northvolt dans le Grand Montréal?

Ces questions sont légitimes, comme d’autres le sont également.

Des évaluations et de l’acceptabilité sociale

La filière batterie

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Un bras robotisé sur une chaîne de production de batteries électrique.

D’abord, toutes les précautions sont nécessaires dans ce développement massif.

Il faut investir judicieusement l’argent public et il faut le faire en s’assurant de la neutralité carbone des projets, voire en misant sur des projets qui vont permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Northvolt est certainement sur la bonne voie ici.

Et, faut-il le souligner encore, choisir la filière batterie est mille fois plus brillant pour la planète que d’ouvrir une cimenterie en Gaspésie, de construire un lien autoroutier non nécessaire à Québec ou d’acheter un pipeline dans l’ouest du pays.

Mais puisqu’il est question de créer une activité industrielle et de miser sur nos ressources naturelles, ce qui comporte des activités minières notamment, on ne peut pas se passer des évaluations environnementales normales et habituelles. Il faut prendre le temps de faire ce travail. Et tout le monde doit s’assurer aussi que l’acceptabilité sociale est au rendez-vous.

Les préoccupations de la population de McMasterville, avec l’arrivée de Northvolt, sont légitimes et doivent être entendues. Des réponses satisfaisantes doivent être offertes par l’entreprise et par les gouvernements.

Certains experts posent également des questions sur le choix de miser sur les batteries au lithium-ion. Plusieurs remettent même en question l’avenir de cette technologie, affirmant que la France fait un meilleur choix en misant sur l’électrolyte solide dans le nord du pays.

En entrevue à Zone économie jeudi soir, le patron de Northvolt en Amérique du Nord, Paolo Cerruti, qui vient d’ailleurs s’établir à Montréal, a dit que la nouvelle usine pourra s’adapter à des changements futurs. C’est possible. Ça nécessite de mettre à niveau un certain nombre d’équipements mais, fondamentalement, la structure, l’ossature même de la ligne de production reste la même.

S’il y a une entreprise à accueillir, c’est bien Northvolt

Maintenant, s’il y a une entreprise qu’on souhaite voir arriver au Québec, c’est bien la suédoise Northvolt. Fondée en 2016, la société a promis de fabriquer une batterie à empreinte carbone presque nulle en réduisant de 90 % les émissions de carbone par unité.

Mais, comme l’expliquait Paolo Cerruti, c’est très difficile d’aller à zéro. Aujourd’hui, une batterie moyenne produite en Asie nécessite à peu près 100 kilogrammes de CO2 en émissions de la mine jusqu’au produit fini pour chaque kilowattheure de batterie produite. […] Ce que l’on fait chez Northvolt en Suède, et qu’on a l’intention de répliquer ici au Canada, c’est 50 kilogrammes de CO2 grâce à notre travail sur la chaîne d’approvisionnement et sur l’énergie, à la décarbonation de nos processus de production. Donc, on est déjà à la moitié. D’ici 2030, l’objectif est de descendre à 10 kilogrammes pour chaque kilowattheure de batterie produite.

Une batterie de Northvolt est exposée à l'endroit où se tiendra une conférence de presse.

Northvolt a annoncé jeudi la construction d'une usine au Québec. L'entreprise suédoise se spécialise dans la fabrication de cellules de batteries lithium-ion.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Donc, choisir le Québec est en complète harmonie avec la vision de Northvolt. Le lithium est produit au Québec, par Nemaska et Sayona notamment, et non pas à l’autre bout du monde, où le respect des travailleurs et de l’environnement soulève généralement de grandes préoccupations.

De plus, la cathode, composante importante dans la chaîne de production vers la cellule de batterie, est aussi fabriquée ici, avec des investissements annoncés récemment chez Ford, GM et BASF au Québec. Encore une fois, Northvolt peut compter sur une production locale et éviter de dépendre des fournisseurs asiatiques.

L’entreprise compte aussi sur le recyclage des composantes et des métaux. En fait, grâce à une filière intégrée de la batterie au Québec, développée par les gouvernements du Canada et du Québec, Northvolt trouve exactement le modèle d’affaires qu’elle recherche.

Forte demande en perspective

Les perspectives de l’électrique sont exceptionnelles. Le Québec, l’Ontario et tout le Canada doivent saisir l’occasion, exceptionnelle et génératrice de richesse pour plusieurs générations.

Face au géant américain, qui injecte des centaines de milliards de dollars dans son industrie, nous avons notre place : celle de participer à une industrie intégrée, efficace et massive.

En misant sur la production supplémentaire d’électricité, le Québec s’inscrit dans la tendance mondiale. La demande va exploser dans les prochaines années, ce qui va redéfinir l’offre et la demande un peu partout dans le monde.

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la croissance de la demande en électricité sera de 2,6 % en 2023, puis de 3,2 % en moyenne par année en 2024 et 2025. Or, avant la pandémie, de 2015 à 2019, la moyenne était de 2,4 %.

Pour vous donner une meilleure idée de l’importance de ce qui est en train de se passer, ayez en tête que la croissance prévue de la demande mondiale annuelle équivaut à la consommation combinée du Royaume-Uni et de l’Allemagne. De 2022 à 2025, la consommation va augmenter de 2500 TWh.

La production mondiale d’électricité constituera 35 % des énergies renouvelables en 2025. C’était 29 % en 2022. C’est une croissance qui est très rapide. La croissance de l’approvisionnement mondial en électricité d’ici trois ans viendra essentiellement des énergies renouvelables et nucléaires. L’AIE prévoit que 90 % de cette demande sera couverte par les énergies renouvelables et nucléaires; 45 % de cette part viendra de la Chine, 15 % de l’Europe.

La centrale nucléaire du Tricastin, à Bollène, en France.

Les cinq plus grands producteurs d’énergie nucléaire – les États-Unis, la Chine, la France, la Russie et la Corée du Sud – sont responsables de 71 % de l'énergie nucléaire produite dans le monde. (Photo d'archives)

Photo : Getty Images / Jeff Pachoud / AFP

À noter également, selon le rapport 2023 de l’AIE, que la crise énergétique a relancé l’intérêt pour le rôle du nucléaire dans la sécurité énergétique et la réduction de l’intensité carbone de la production d’électricité. En Europe et aux États-Unis, des discussions ont été relancées sur l’avenir du nucléaire dans le mix énergétique.

La production d’énergie à partir de sources nucléaires est appelée à grimper de 4 % entre 2023 et 2025, contre 2 % en moyenne de 2015 à 2019. C’est 100 TWh d’électricité additionnelle qui proviendront du nucléaire en 2025 sur la planète.

De plus, l’Asie représentera, à partir de 2025, la moitié de la consommation mondiale d’électricité. Le tiers de l’électricité sur la planète sera consommé par la Chine.

D’Adélard Godbout à François Legault?

C’est une occasion exceptionnelle pour François Legault de s’inscrire dans l’histoire du Québec. Il doit s’éloigner de son discours satisfait, celui de dire que le Québec en fait assez sur le plan des émissions de gaz à effet de serre, et s’inspirer de ses prédécesseurs, d’Adélard Godbout à René Lévesque, qui ont bâti Hydro-Québec et l’incroyable outil de développement économique, à faible intensité carbone, que la société d’État est devenue au fil du temps.

François Legault, derrière un lutrin, en conférence de presse.

Le premier ministre du Québec, François Legault, lors de la conférence de presse annonçant l'investissement de Northvolt, jeudi matin.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

En misant sur une filière batterie de premier plan, le gouvernement Legault pourrait mettre en place une grande industrie québécoise, avec une expertise québécoise, pour électrifier ses transports et ses procédés industriels, à partir d’énergies renouvelables.

En écoutant les critiques qui s’émeuvent des milliards injectés par l’État dans cette filière, le Québec serait condamné à dépendre du reste du monde pour espérer améliorer son bilan énergétique. Le choix qui est fait aujourd’hui, avec Northvolt et d’autres entreprises dans la filière batterie, est un investissement qui pourrait être névralgique pour le Québec, comme l’a été la nationalisation de l’hydroélectricité dans les années 60.

Est-ce une erreur de miser autant sur cette filière? Est-ce la chose à faire, le geste politique visionnaire attendu pour l’économie et l’avenir du Québec? C’est ce que nous verrons!

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