De la danse jamaïcaine à la prière musulmane : l’humour de Toronto brille par sa diversité

Les humoristes Hassan Phills et Crystal Ferrier de Toronto sont inspirés par le multiculturalisme qui les entoure dans leurs spectacles. Ils sont déjà montés sur la même scène.
Photo : Radio-Canada / Myriam Eddahia
De Scarborough à Brampton, le Grand Toronto cultive un humour unique ponctué d'histoires de quartier, d'anecdotes sur les problèmes de transport en commun et de références aux différentes communautés ethniques et religieuses de la région. Ce multiculturalisme fait de la Ville Reine un endroit riche en rires et en culture, selon des humoristes.
Sur scène, Crystal Ferrier étale fièrement ses racines indiennes en parlant de sa mère, de ses souvenirs d'enfance à Brampton et du choc culturel
qu'elle vit à 40 ans maintenant qu'elle habite à Hamilton.
On est un pays tellement multiculturel que les personnes blanches mangent plus de samosas que moi
, lance-t-elle à la blague.

Cette familiarité, retrouvée dans les spectacles d'humour de Hassan Phills et Crystal Ferrier, alimente ce sentiment d'appartenance à une communauté.
Photo : Radio-Canada / Camille Bourdeau
Crystal Ferrier (Nouvelle fenêtre) ne se gêne pas non plus de parler de sa vie de couple avec son mari jamaïcain et de l'expérience qu'elle vit en tant que mère de deux filles.
Je vois des foules pleines de visages bruns et de comédiens qui parlent hindi et anglais, cela me fait chaud au cœur
, raconte-t-elle.
L'humoriste se réjouit de voir cette représentativité culturelle et cette ouverture sur le monde prendre de l'ampleur au fil des années.

Crystal Ferrier est née à Mumbai. Elle a grandi à Brampton avant de déménager avec sa famille à Hamilton. Elle est mère de deux filles indo-jamaïcaines.
Photo : Radio-Canada
Quand Hassan Phills (Nouvelle fenêtre) monte sur scène, il raconte ses souvenirs de jeunesse, son amour du basketball et des femmes et les moments passés avec ses amis et sa famille à Scarborough.
Ma cadence est très torontoise. On me dit souvent que je parle comme Drake
, lance-t-il. Qu'est-ce que ça veut dire?
se demande-t-il en ricanant.
Tout le monde à un ami comme moi dans son [entourage]. Quand je monte sur scène, vous avez l'impression de me connaître.
Du dutty wine (danse jamaïcaine) à la prière du vendredi, l'humoriste reste fidèle à lui-même devant son public qui a soif d'authenticité.
Le multiculturalisme a tout à voir avec le Canada, alors cela va de soi que [cette valeur] se soit immiscée dans la comédie
, dit-il.
La comédie, c'est très intime. Vous partagez ce qui se passe entre vos oreilles et ce qu'il y a dans votre cœur.
L'humour, c'est aussi d'être au service de la communauté, selon Hassan Phills.
Je priorise mon chez-moi, Toronto, et quand je suis en tournée, je deviens un ambassadeur de la ville
, ajoute l'humoriste à la blague.
L'esprit de communauté est ma marque de commerce, ma raison d'être
, explique-t-il.
L'humour, un art rassembleur
À 29 ans, Hassan Phills parle de sa ville et de son identité djiboutienne, jamaïcaine et musulmane quand il prend le micro.
Je passe du temps avec mes amis. Ils sont drôles, j'aime rire et on rit ensemble. Je m'en inspire pour écrire mes monologues
, indique l'humoriste.
Depuis deux ans, il produit ses spectacles à travers sa compagnie, That's Crazy Productions. La célébrité locale est justement en tournée au pays (Nouvelle fenêtre) jusqu'au 26 octobre.

Hassan Phills a commencé sa carrière d'humoriste il y a près de six ans.
Photo : Radio-Canada
Hassan Phills participe également au 11e Festival Juste pour rire (Nouvelle fenêtre) (en anglais seulement) qui se poursuit jusqu'au 30 septembre à Toronto.
À Toronto, je peux utiliser des expressions en arabe comme wallahi et même les personnes blanches savent ce que cela signifie
, mentionne-t-il à titre d'exemple.
C'est là la beauté de la diversité canadienne, selon lui.
Cette familiarité, retrouvée dans ses spectacles d'humour, alimente ce sentiment d'appartenance à une communauté.
Peu importe votre religion ou votre culture, si vous venez pour rire et que les blagues sont géniales, vous allez aimer votre expérience.
Le Torontois estime qu'il y a aussi une grande variété de types d'humour
que ce soit dans l'une des institutions de l'industrie humoristique comme le Yuk Yuk's ou lors de spectacles plus intimes organisés par des particuliers.
Le vétéran Kenny Robinson organise d'ailleurs le Nubian Show depuis 28 ans, un spectacle mensuel qui met notamment en vedette des humoristes noirs de l'industrie.
Crystal Ferrier, qui est humoriste depuis 15 ans, a toujours aimé le théâtre. Kenny Robinson, [une figure de proue de la scène humoristique canadienne], m'a donné ma chance dans une salle de spectacle à Brampton
, se rappelle-t-elle.
Toronto est devenu une véritable plaque tournante de l'humour.
Elle constate la progression de l'industrie à l'échelle du pays, et particulièrement à Toronto.
Quand j’ai commencé, j’étais littéralement la seule femme et la seule personne racisée. Maintenant, il y a des spectacles entièrement composés de femmes indiennes et j’adore ça
, ajoute Crystal Ferrier.
Aujourd'hui, un humoriste torontois peut faire jusqu'à sept spectacles par jour, un phénomène qui n'était possible qu'à New York il y a 10 ans
, raconte-t-elle.
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Une scène cosmopolite
Plusieurs humoristes produisent de plus en plus leurs propres spectacles et leurs admirateurs, souvent des jeunes provenant d'une diaspora variée, répondent à l'appel
, note Hassan Phills.
Le Festival Juste pour rire en est bien conscient.
La scène humoristique canadienne est vibrante au Canada. Il y a un appétit des consommateurs pour la comédie [et] les artistes foisonnent au pays. Que ce soit des talents émergents ou des humoristes établis, on trouve un bassin assez exceptionnel
, constate le président-directeur général du groupe Juste pour rire, Charles Décarie.

L'humoriste torontois Hassan Phills a vu son public évoluer au cours des années.
Photo : Fournie par Hassan Phills
On s'assure d'incorporer dans notre programmation des voix d'ethnies différentes, de langues différentes, de cultures différentes pour qu'elles puissent contribuer à l'écosystème de comédie canadienne, puis cette diversité-là, selon nous, elle l'enrichit
, pense le PDG de Juste pour rire.
À Toronto, par exemple, le festival fait un plus grand effort de représentation des communautés indiennes et asiatiques.
Selon M. Décarie, l'humour permet aux Canadiens de connecter avec leur propre culture et leur donne un sentiment de fierté de leurs traditions à travers la comédie
.

Depuis qu'il est devenu le président-directeur général du Groupe Juste pour rire en 2019, Charles Décarie constate l'évolution constante de la scène humoristique au Canada.
Photo : Bell Média
Je ne suis pas seulement un gars de Toronto, je suis Hassan Phills, je suis authentique, fidèle à moi-même et je n'ai pas besoin de créer un personnage
, explique-t-il.
Celui qui participe au festival rappelle l'importance de la représentativité sur scène.
Et selon le PDG du principal festival d'humour du pays, cette diversité aide à faire tomber les stéréotypes
.
Le public se reconnaît dans les gestes, les expressions et les tranches de vie des humoristes.
Et c'est cette authenticité qui fait en sorte que Crystal Ferrier et Hassan Phills sont si attachants.