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Assurances des fonctionnaires : l’impatience grandit envers Canada Vie

Amy Miville consulte des factures.

Amy Miville, dépense chaque mois environ 1200 $ en médicaments et en équipements pour son fils de dix ans qui est atteint d’une maladie rare nécessitant des soins à temps plein.

Photo : Radio-Canada / Olivier Périard

Trois mois après l’arrivée du nouvel assureur des fonctionnaires fédéraux, d’innombrables employés peinent toujours à se faire rembourser par la Canada Vie. Radio-Canada a appris que les problèmes sont si importants que le gouvernement doit rencontrer quotidiennement les dirigeants de la compagnie pour tenter de corriger la situation.

La compagnie ne respecte pas encore les normes indiquées dans le contrat, affirme une source gouvernementale qui est bien au fait du dossier.

Cette personne, qui n’est pas autorisée à parler publiquement de la situation, indique que l’ancien fournisseur d’assurance du gouvernement, la Sun Life, recevait en moyenne 3000 appels par jour. Lorsque le service est tombé entre les mains de la Canada Vie, le nombre d’appels quotidiens aurait bondi à 5000. C’est une augmentation considérable, la demande était trop élevée pour le nombre d’employés, indique notre source.

La situation est telle que les cadres supérieurs du Secrétariat du Conseil du Trésor rencontrent quotidiennement les membres de la direction de Canada Vie pour faire connaître les problèmes en temps réel, signale dans un courriel Martin Potvin, porte-parole du ministère.

De son côté, la présidente du Conseil du Trésor a convoqué la direction de l’assureur plus d’une fois pour lui faire part de ses préoccupations concernant les retards dans les centres d’appels et les questions liées à la transition du [régime d’assurance], confirme Ezechiel Nana, attaché de presse d’Anita Anand.

[La ministre] a continué de faire pression sur la Canada Vie pour réduire les délais d’attente.

Une citation de Ezechiel Nana, attaché de presse de la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand
Anita Anand s'adresse aux journalistes.

La présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Spencer Colby

Dans une déclaration écrite, la Canada Vie soutient avoir pris des mesures pour faire face aux volumes d’appels supérieurs et assure que la situation s’améliore quotidiennement. L’assureur précise traiter plus de 25 000 requêtes d’employés et de retraités de la fonction publique par semaine.

Par ailleurs, la compagnie bénéficie actuellement d’une période de transition qui est prévue à son contrat. C’est seulement le 1er janvier 2024 que le gouvernement commencera la surveillance du rendement du niveau de service, peut-on lire dans l’appel d’offres du contrat de plus de 514 millions de dollars.

Faire face à l’inconnu

De nombreux fonctionnaires sont excédés. Ils ne comprennent toujours pas pourquoi leurs réclamations sont rejetées et ils ne parviennent pas à faire de suivis téléphoniques.

C’est le cas d’Amy Miville, qui dépense chaque mois environ 1200 $ en médicaments et en équipements pour son fils de 10 ans qui est atteint d’une maladie rare nécessitant des soins médicaux à temps plein. Wyatt Scott respire et s’alimente en liquides à l’aide de tubes.

Mme Miville a effectué une première réclamation d’assurance pour son fils avec la Canada Vie au début du mois de juillet. La facture s’élève à 1285,45 $ et elle ne cesse d’essuyer des refus en raison d’une erreur, mais elle ne sait pas laquelle. Ni par téléphone, ni par courriel, ni par clavardage elle n’a réussi à joindre son nouvel assureur.

Au téléphone, tu as trois choix : tu vas être déconnecté dès la première minute, tu vas être sur hold et puis tu vas être déconnecté, ou bien ils vont dire que tu ne peux pas parler avec personne parce qu’ils sont inondés [d’appels], raconte la résidente d’Ottawa.

Amy Miville et son fils Wyatt Scott.

Amy Miville et son fils Wyatt Scott, 10 ans

Photo : Radio-Canada / Olivier Périard

Amy Miville a soumis à nouveau sa demande de réclamation, tel qu’exigé par l’assureur, mais rien n’y fait, le résultat demeure le même.

C’est la première fois en neuf ans que ce n’est pas couvert. [Expliquez-moi pourquoi], je veux juste parler à un humain, dit avec exaspération la mère de trois enfants.

Je ne sais pas quoi faire maintenant et c’est stressant.

Une citation de Amy Miville, fonctionnaire pour Services publics et Approvisionnement Canada

Amy Miville affirme que plusieurs autres familles vivent le même genre de problèmes depuis le transfert du régime d’assurance des fonctionnaires sous la gouverne de la Canada Vie. Le conseil consultatif des familles pour les soins complexes du CHEO, auquel elle siège en tant que bénévole, doit d’ailleurs se pencher sur le dossier durant sa prochaine rencontre.

La mère de Wyatt Scott craint de devoir revoir le plan de soins de son fils pour réduire ses dépenses. Mais changer moins fréquemment l’équipement dont il a besoin pour s’alimenter et respirer lui ferait courir plus de risques de contracter des maladies.

Si on ne peut pas payer [l’équipement médical], on va devoir les acheter moins souvent.

Une citation de Amy Miville, fonctionnaire pour Services publics et Approvisionnement Canada
Un enfant avec de l'équipement médical.

La mère de Wyatt Scott craint de devoir revoir le plan de soins de son fils pour réduire ses dépenses.

Photo : Radio-Canada / Olivier Périard

Aussi fonctionnaire, le conjoint d’Amy Miville envisage pour sa part de trouver un second emploi pour garantir des soins adéquats à son fils. Il a d’ailleurs signalé les problèmes de réclamation liés au dossier de Wyatt Scott à l’ombudsman de la Canada Vie. Dans un message de réponse, on lui aurait dit de refaire une soumission jusqu’à l’obtention d’un remboursement.

Canada Vie a refusé de commenter le cas spécifique de Mme Miville, en invoquant le caractère confidentiel du dossier.

Combien de fonctionnaires touchés?

On ignore combien des 1,7 million de travailleurs et retraités du gouvernement fédéral assurés par la Canada Vie connaissent des problèmes avec le nouveau fournisseur. Mais les témoignages et les récriminations pullulent sur les réseaux sociaux. Plusieurs affirment avoir dénoncé la situation en écrivant directement à leur député ou à la présidente du Conseil du Trésor.

Les principaux syndicats de fonctionnaires disent aussi ne pas connaître l’ampleur du problème. On n'a pas de chiffre précis en ce moment, déplore Alex Silas, le vice-président directeur régional de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) pour la région de la capitale nationale.

Alex Silas en entrevue.

Le gouvernement fédéral doit en faire plus pour corriger la situation, martèle Alex Silas. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Spencer Colby

Je ne sais pas si ça s’est aggravé, mais ça ne s’est certainement pas amélioré.

Une citation de Alex Silas, le vice-président directeur régional de l’AFPC pour la région de la capitale nationale

L’AFPC prévoit sonder ses membres afin d’avoir une meilleure idée du nombre de personnes affectées et de la gravité des problèmes qu’ils éprouvent.

La présidente de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), Jennifer Carr, s’explique tout aussi mal la situation. [Canada Vie] a eu 18 mois pour comprendre et s'informer sur […] le régime d’assurance santé de la fonction publique [avant de prendre en charge le service], souligne-t-elle. Je ne suis pas certaine qu'ils aient fait leurs devoirs, étant donné le nombre de problèmes que nous rencontrons, se désole-t-elle.

Les deux plus gros syndicats de fonctionnaires dénoncent le manque de transparence de la présidente du Conseil du Trésor.

Comme dans le cas du système de paye Phénix, Jennifer Carr précise qu’il revient à l’employeur de rectifier la situation. L’IPFPC souligne ne pas avoir les ressources pour le faire. Il faut vraiment qu'il prenne les devants et fasse en sorte que Canada Vie respecte son contrat [avec le gouvernement], analyse-t-elle.

S’il n’y a pas de plan [pour corriger la situation], peut-être que c’est le temps de changer de fournisseur.

Une citation de Alex Silas, vice-président directeur régional de l’AFPC pour la région de la capitale nationale

L’AFPC affirme avoir demandé une rencontre avec la présidente du Conseil du Trésor. L’IPFPC, pour sa part, planche actuellement sur la rédaction d’une lettre à l’intention d’Anita Anand pour lui demander de prendre le dossier en main.

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