Pour dépasser l’Ontario, les Québécois « devront travailler plus »

Selon une étude du CPQ, les Québécois devront augmenter les heures travaillées pour augmenter leur productivité et dépasser l'Ontario.
Photo : iStockPhoto / Fizkes
Le premier ministre François Legault a maintes fois répété qu’il veut réduire l’écart de richesse entre le Québec et l’Ontario. Mais cet objectif devrait être encore plus ambitieux, croit le Conseil du patronat du Québec (CPQ) qui propose une série de mesures afin de dépasser la productivité de notre voisin ontarien. Mais pour ce faire, les Québécois devront « travailler plus, travailler mieux ».
Les chiffres sont têtus, ils nous démontrent que nous avons moins d’heures travaillées ici
, lance Karl Blackburn, PDG du CPQ, en entrevue à Radio-Canada.
En 2006, l’ancien premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, avait fait un constat similaire en affirmant que les Québécois ne travaillaient pas assez.
La sortie avait toutefois créé la controverse, certains estimant que M. Bouchard avait traité les Québécois de paresseux, et s’inscrivait dans un débat lancé par la publication du manifeste des lucides
, signé par une douzaine de personnalités qui s’inquiétaient du retard économique du Québec face aux autres provinces.
Plus de 15 ans plus tard, le Québec a réduit l’écart dans de nombreux secteurs (taux de chômage, taux d'emploi, rémunération, etc.), mais le CPQ rappelle que les Québécois travaillent 32,1 heures par semaine, contrairement à 33 heures pour les Ontariens. Ce chiffre atteint 34,2 heures en Alberta.
Il y a donc 47 heures qui nous manquent en termes de productivité dans l’année. C’est une bonne semaine de plus qui nous permettrait d'accroître notre richesse face à l’Ontario
, ajoute M. Blackburn, qui estime que M. Bouchard avait raison.

Karl Blackburn est le président et le chef de la direction du Conseil du patronat du Québec depuis juin 2020.
Photo : Radio-Canada / Capture d'écran
Non seulement les plus jeunes, mais aussi les plus expérimentés devraient travailler davantage. Le CPQ souhaite notamment que les 60-69 ans restent ou reviennent sur le marché du travail, encore là, afin d’atteindre un taux similaire à l’Ontario.
Le taux d’emploi des personnes de 60 à 64 ans est de 50,5 % au Québec, comparativement à 55,8 % en Ontario, et celui des 65 à 69 ans est de 22 % au Québec, comparativement à 29,6 % en Ontario, constate le CPQ.
Si les taux d’emploi au Québec pour les 60 à 69 ans avaient été égaux à ceux de l’Ontario en 2021, cela aurait signifié 74 700 emplois de plus au Québec.
L’organisation patronale croit que 10 chantiers majeurs doivent être mis en branle pour dépasser l’Ontario à partir de 2036. Un exercice lancé après une rencontre avec le premier ministre Legault.
Ça fait neuf mois qu’on travaille là-dessus. On a rencontré le premier ministre en décembre dernier. On a identifié des enjeux, des défis, on a proposé des solutions. Il nous a dit : "Fais-nous des recommandations pour réduire l’écart de richesse entre le Québec et l'Ontario." J’ai dit : "C’est parfait, Monsieur le premier ministre, pars avec cela"
, explique M. Blackburn.
La réussite scolaire, le chantier le plus important
Le premier chantier, et probablement le plus important selon l’organisation patronale, demeure celui de l’éducation et de la réussite scolaire.
Tout part de là, tout part de l’éducation et de la formation. Ça doit être une priorité nationale, on doit poser des gestes
, affirme M. Blackburn.
Lors des dernières semaines, le milieu scolaire a connu une rentrée chaotique marquée par le manque criant d’enseignants, une situation qu’il faudra éviter dans l’avenir, croit le CPQ.
Ça ne nous fait pas plaisir de voir cela, ça fragilise la priorité sur laquelle on devrait tous travailler, mais ça s'explique notamment en raison de la pénurie de main-d’œuvre.
L’éducation n’est pas assez financée, on doit valoriser l’excellence. Pourquoi on perd des jeunes tous les jours? Est-ce qu’on a les bonnes méthodes d'enseignement? Oui, il y a une question d’argent, mais on a aussi un questionnement sur le processus, les manières d’enseignement. On doit tout questionner.
Avec un taux de décrochage plus élevé et un taux de diplomation moins important, le Québec doit en faire davantage, fait valoir l’organisation.
Le Québec doit tout faire pour augmenter à 85 % son taux de diplomation cinq ans après l’entrée au secondaire et réduire du tiers le nombre d’analphabètes fonctionnels
, est-il souligné dans le rapport.
C’est notamment en améliorant notre système d’éducation qu’on pourrait réduire l’écart du PIB par habitant avec l’Ontario, avance l’organisation.
En 2021, le PIB par habitant au Québec s’établissait à 47 778 $, comparativement à 54 413 $ en Ontario, un écart de 6635 $.
Les propositions que nous faisons, les défis que nous proposons, c’est pour faire en sorte qu’on ait plus d’argent dans nos poches. On ne veut pas rattraper l’Ontario, on veut dépasser l’Ontario
, indique M. Blackburn.
Revoir le modèle québécois?
Le Conseil croit qu’une modernisation gouvernementale est nécessaire, mais aussi syndicale.
On le voit dans le domaine de la santé et de l’éducation… C’est difficile de faire bouger la partie syndicale sur des acquis de nombreuses années, notamment sur la mobilité de la main-d’œuvre
, affirme M. Blackburn.
Ce dernier ne croit pas que ce coup de barre mettrait en péril le modèle québécois mis en place depuis la Révolution tranquille.
Non, on veut améliorer et moderniser le modèle québécois [...] On ne doit pas avoir de complexe envers l’Ontario, envers les autres provinces, nous sommes fiers de ce que nous avons réussi à faire comme société sociale-démocrate, mais il n’y a rien dans ce que nous proposons qui va nous empêcher de dépasser l’Ontario, tout en conservant ce que nous avons bâti
.
Le CPQ veut aussi réduire le fardeau réglementaire et administratif pour les entreprises, diminuer la paperasse et mettre en place une fiscalité compétitive
. L’organisation entend également documenter les obstacles à la création d’entreprises et à l’introduction en bourse, et veut faciliter le repreneuriat.
Le Conseil souhaite aussi revoir le monde de la construction, trop segmenté selon lui. Actuellement, il y a 25 métiers de la construction au Québec, contre seulement 6 en Ontario.
Si la spécialisation peut comporter des avantages, la situation actuelle n’est sûrement pas optimale. Cette multiplication des métiers s’accompagne d’un cloisonnement et d’un manque de polyvalence qui fait augmenter le nombre de travailleurs requis sur un chantier
, est-il écrit dans le rapport.
Le CPQ constate aussi que les entreprises du Québec ont pris du retard dans le domaine de la recherche et du développement et de la robotisation des activités.