Où logeront les futurs employés de la filière batterie au Québec?

Le ministre québécois de l'Économie et de l'Innovation Pierre Fitzgibbon, le premier ministre du Québec François Legault et le ministre fédéral de l'Innovation François-Philippe Champagne, sur le chantier de la future usine de cathodes de Ford, à Bécancour, le 17 août 2023
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Les logements se font rares dans les municipalités à proximité des futures usines de la filière batterie, où les taux d’inoccupation oscillaient entre 0 et 1,1 % en octobre 2022. Et c’est sans compter l’afflux de milliers de travailleurs qui risquent de s’y installer au cours des deux prochaines années.
Pourquoi veut-on créer des milliers d’emplois à McMasterville, alors que tous les gens de McMasterville travaillent déjà? Le gouvernement dit qu’il va faire venir des gens de l’extérieur, mais on n’a même pas d’endroit où les loger
, déplore Jean-Philippe Meloche, directeur de la Faculté de l'aménagement de l’Université de Montréal.
Ottawa et Québec doivent annoncer cette semaine le plus gros [projet] que l’histoire du Québec aura jamais vu dans le secteur privé
, selon le ministre de l'Économie Pierre Fitzgibbon. L’ouverture de l’usine de fabrication de batteries Northvolt entraînera la création de 4000 emplois dans la Vallée-du-Richelieu. Déjà, 700 citoyens ont signé une pétition pour dénoncer les conséquences du projet sur la qualité de vie des habitants de la région.
Les ouvertures d’usine annoncées au cours de la dernière année dans la Vallée de la transition énergétique
de la Coalition avenir Québec, en Mauricie et au Centre-du-Québec, totalisent quant à elles près de 800 nouveaux emplois. À terme, le ministre estime que 10 000 travailleurs feront partie de la nouvelle filière du gouvernement Legault, qui n’hésitera pas à ouvrir les valves de l’immigration pour le mener à bien.
Je pense qu’on va avoir beaucoup d’étrangers temporaires qui vont venir ici. On peut amener autant de monde qu’on veut pour combler des postes qui ne peuvent pas être comblés ici au Québec.
Déjà loin de l’équilibre
Le taux d’inoccupation des appartements locatifs était de 1,7 % au Québec l’an dernier, un plancher record. Mais ce taux est encore plus alarmant dans les municipalités concernées par cette nouvelle filière.
À Saint-Bruno-de-Montarville, le taux d’inoccupation est de 0,3 %, et à Beloeil, de 1,1 %, les deux villes les plus proches de la future usine de McMasterville pour laquelle des données sont disponibles. Des chiffres bien en deçà du point d’équilibre entre l'offre et la demande, établi à 3 %.
À Mont-Saint-Hilaire, le taux moyen pour tous les logements n’est pas disponible. Celui des appartements d’une chambre et de trois chambres l’est, mais il est de 0 %.
Seules les villes de Longueuil et de Saint-Hyacinthe laissent entrevoir de meilleures conditions pour des nouveaux arrivants, avec des taux d’inoccupation respectifs de 1 et 2 %. Les prix à Longueuil sont d’ailleurs plus avantageux : le loyer médian d’un appartement de deux chambres y est de 1245 $, contre 1350 $ dans la Vallée-du-Richelieu, selon Zipplex.
La perspective de voir des travailleurs faire la navette quotidienne entre Montréal et la future usine de Northvolt n’est d’ailleurs pas farfelue, croit le professeur Polèse, puisque McMasterville fait partie du marché intégré de la région métropolitaine de Montréal. Ça va avoir un effet sur la demande de logements dans un grand rayon autour de McMasterville, mais ce n’est pas certain que ça se ressentira directement dans la municipalité.
Une théorie à laquelle M. Meloche adhère aussi. Il y a des gens qui habitent McMasterville et qui travaillent à Montréal, donc l’inverse est possible.
Mais cet inversement de situation serait étonnant vu le prix des logements à Montréal. Mais s’il y a une rareté, ça pourrait déborder jusque sur l’île.
Au cours de la dernière année, le loyer médian d’un appartement de deux chambres était de 1300 $ dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, de 1750 $ sur le Plateau-Mont-Royal et de 1995 $ dans Ville-Marie, les trois arrondissements les plus près des ponts qui relient la métropole à sa Rive-Sud.
Marché immobilier
L’impact sur les ventes résidentielles devrait être modeste, selon le professeur émérite du Centre Urbanisation Culture Société de l’INRS, Mario Polèse. En général, les immigrants qui arrivent, ils vont en location durant les premiers mois, les premières années même. Ils n’achètent pas comme ça en arrivant, il faut connaître le coin.
Ce serait aussi le cas des immigrants mieux nantis.
Une offre insuffisante
Le gazon n’est pas spécialement plus vert dans la Vallée de la transition énergétique
. Dans la région métropolitaine de Trois-Rivières, le taux d’inoccupation est de 0,9 %, tandis qu’à Shawinigan, il est de 0,7 %.
L’arrivée de ces entreprises va bousculer la dynamique locale, croit le professeur Meloche, qui anticipe de longs déplacements pour les travailleurs. Ils pourront habiter à Trois-Rivières, à Shawinigan, et même possiblement à Drummondville [si l’offre de logements est insuffisante]. Les gens sont prêts à faire de longs déplacements au Québec pour un bon emploi.
Or, dans ces trois villes, la crise du logement est aussi bien présente. Les prix marchands des loyers, soit ceux auxquels feraient face de nouveaux venus dans la région, ont augmenté d’environ 100 $ cette dernière année, selon Zipplex, un outil qui compile les données des loyers affichés en ligne.
À Yamachiche, la disponibilité des logements est carrément de 0 %. Et ce, tous types de logements confondus. On est déjà comblés, confirme le maire Paul Carbonneau à Radio-Canada. Il n’y a plus de terrains nulle part, il n’y a plus de maisons à vendre, plus rien.
Même les travailleurs étrangers qui travaillent à l’usine d’Olymel, elle-même à Yamachiche, doivent faire le trajet en autobus vers Trois-Rivières, Shawinigan ou ailleurs, ajoute-t-il.
C’est pourquoi la municipalité a le projet de vendre, au cours des deux prochaines années, 85 terrains dont le zonage a récemment été converti pour accueillir des immeubles multilogements, des maisons unifamiliales et des maisons de ville, pour un total d'environ 200 unités.
Même si le maire Carbonneau est convaincu que ces futurs développements auront de quoi attirer les futurs travailleurs du parc industriel de Bécancour, il convient qu’ils ne suffiront pas à remplir la demande supplémentaire anticipée dans la région.
Plusieurs autres projets de développement résidentiel sont prévus dans ce pôle d’innovation, mais le nombre d’unités qui seront ajoutées au parc de logements existant n’a pas encore été dévoilé. À Bécancour, un projet de dézonage agricole pour construire 108 unités de logement, connu sous le nom des Terrasses Godefroy, sera soumis à un référendum le 1er octobre.