Le projet de loi sur l’IA jugé inadéquat par des spécialistes

Le ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, François-Philippe Champagne. (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Des dizaines de spécialistes, d'universitaires et d'organisations de la société civile demandent au gouvernement fédéral de retirer le volet sur l'intelligence artificielle (IA) de son projet de loi sur la protection de la vie privée, estimant que les deux enjeux doivent être étudiés séparément.
L'an dernier, les libéraux ont présenté un projet de loi sur la protection de la vie privée visant à donner à la population canadienne plus de contrôle sur la manière dont leurs données personnelles sont utilisées par les entités commerciales.
La pièce législative définissait aussi les amendes qui seraient imposées aux organisations qui ne s'y conformeraient pas et présentait de nouvelles règles entourant l'utilisation de l'IA.
Or, dans une lettre envoyée lundi au ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, François-Philippe Champagne, 45 signataires font valoir que les dispositions actuelles du projet de loi ne protègent pas les droits et les libertés des citoyennes et citoyens canadiens contre les risques liés à l'évolution fulgurante de l'intelligence artificielle
.
Indéniablement, la Loi sur l'intelligence artificielle et les données ne représente pas le projet de loi que la population canadienne mérite. Il faut un rajustement, à défaut de quoi [elle] devra faire l'objet d'une refonte majeure afin de tenir compte des réserves que nous soulevons ici
, est-il écrit dans la lettre.
Les signataires soutiennent qu'Innovation, Sciences et Développement économique Canada ne devrait pas être le principal ni l'unique rédacteur d'un projet de loi pouvant engendrer des répercussions profondes sur les droits de la personne, le travail et la culture
.
Dans leur missive, les signataires affirment que même si l'article sur l'IA était retiré du projet de loi, des dispositions sur celle-ci pourraient tout de même être mises en place d'ici 2025.
Il n'est pas nécessaire de repartir de zéro pour améliorer notablement la loi.
Mais en procédant ainsi, les signataires sont d'avis que la députation aurait plus de temps pour se concentrer sur les autres aspects du projet de loi C-27, qui soulèvent d'importantes préoccupations à l'égard du droit à la vie privée au Canada
.
L'Association canadienne des libertés civiles, la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles et la Ligue des droits et libertés font partie des 19 organisations qui ont signé la lettre, tout comme l'ont fait 26 individus experts.
Des lacunes soulevées
Le gouvernement soutient que les éléments de son projet de loi qui portent sur l'IA visent à protéger les Canadiens et les Canadiennes en garantissant que des systèmes sont développés et déployés de manière à identifier, à évaluer et à réduire les risques de préjudice et de partialité.
Le projet de loi créerait également un ou une commissaire à l'intelligence artificielle et aux données, dont le rôle serait de surveiller la conformité des entreprises, d'ordonner des audits par des tiers et de partager des informations avec d'autres organismes de régulation.
En outre, la législation imposerait des sanctions en cas d'utilisation de données obtenues illégalement pour le développement de l'IA et pour le déploiement imprudent d'un outil d’IA.
Dans leur lettre ouverte, les signataires affirment que le projet de loi souffre d'un manque de consultation publique et présente plusieurs lacunes.
La législation est critiquée pour ne pas reconnaître la vie privée comme un droit humain fondamental, et les spécialistes dénoncent la présence de lacunes importantes dans les définitions.