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Identité de genre : le « comité de sages » souhaité par Legault suscite de l’inquiétude

François Legault répond aux questions des journalistes en conférence de presse.

Le discours du premier ministre n'a pas rassuré certains professionnels de la santé et chercheurs universitaires.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Professionnels de la santé et chercheurs universitaires sont sur leurs gardes depuis que le premier ministre François Legault a évoqué la création d’un « comité de sages » sur l’identité de genre. Qui seront ces sages? Quelles seront leurs qualifications? Certains craignent que les intérêts des personnes trans et non binaires y soient mal représentés.

Je ne suis pas certaine de l’intention, admet Françoise Susset, psychologue spécialisée en santé trans et enjeux LGBTQ+ depuis plus de 25 ans. À son avis, il est impératif que le futur comité soit composé de personnes ayant des perspectives informées concernant l’identité de genre.

Sinon, ce qui va arriver, c'est que les gens vont se perdre [...] dans des discussions qui seraient réglées en trois secondes si on connaissait bien les notions de base, prédit Mme Susset.

Or, lors de son point de presse jeudi dernier, le premier ministre a pris soin de mentionner qu’il faisait attention au mot "experts". Le futur comité sera composé de sages qui vont bien examiner les deux côtés de la médaille, a nuancé M. Legault.

Ce faisant, il s’est légèrement éloigné du vocabulaire employé quelques jours plus tôt par son ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, qui disait vouloir un comité scientifique.

La tournure des événements commence à inquiéter certains membres de l’Ordre professionnel des sexologues du Québec (OPSQ), confirme sa présidente, Joanie Heppell.

La seule crainte qu'on aurait, ce serait que le comité de sages ne représente pas les intérêts réels de ces personnes qui sont assez vulnérables : on parle des enfants trans, des enfants non binaires.

Une citation de Joanie Heppell, présidente de l'Ordre professionnel des sexologues du Québec
Photo officielle de Joanie Heppell.

Joanie Heppell, présidente de l'Ordre professionnel des sexologues du Québec

Photo : Julie Soto

Lorsqu'on parle de sages plutôt que d'experts, on peut se poser la question suivante : quelles sont les qualités des sages pour surpasser les gens qui travaillent tous les jours avec des personnes de cette clientèle-là? demande Mme Heppell.

Des structures existent déjà

Depuis 2011, le Québec dispose d’un Bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobie (BLCHT). Plusieurs observateurs se demandent pourquoi le gouvernement Legault ne s’est pas simplement tourné vers cet organe pour mener la réflexion sur l’identité de genre.

Interrogée par Radio-Canada, la directrice des communications et des affaires publiques, Sylvie Leclerc, ne dit pas si le BLCHT a été consulté avant l’annonce de la création d’un comité de sages.

Le BLCHT relève de la ministre responsable de la Lutte contre l’homophobie et la transphobie, laquelle a des discussions avec ses collègues, indique-t-elle dans un courriel laconique. Il ne relève pas du mandat du BLCHT de commenter des positions gouvernementales, écrit-elle aussi.

Martine Biron en mêlée de presse.

La ministre Martine Biron est responsable de la lutte contre l'homophobie et la transphobie.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

En 2020, le gouvernement Legault a aussi mis sur pied le Comité national sur l’adaptation et l’accès aux services de santé et aux services sociaux pour les personnes de la diversité sexuelle et de genre.

Composé de plus d’une vingtaine d’experts médicaux, universitaires et communautaires, entre autres, ce comité a livré son rapport en avril dernier afin de rendre le réseau québécois de la santé plus inclusif pour les personnes LGBTQ+.

Deux courriels que Radio-Canada a pu consulter confirment que ce groupe d’experts est toujours actif. Il est même prévu qu’il se réunira à nouveau cet automne.

La réflexion sur l’identité de genre aurait donc très bien pu lui être confiée, selon la psychologue Françoise Susset, qui fait elle-même partie du comité.

On a les connaissances nécessaires pour mettre en avant des renseignements qui vont aider à dédramatiser la question. Ce que je vois, depuis un certain temps, c'est qu'il y a beaucoup de mésinformation. Il y a beaucoup d'informations fausses qui circulent [...] et qui vont alarmer les familles, les parents.

Une citation de Françoise Susset, psychologue spécialisée en santé trans et enjeux LGBTQ+
Dre Françoise Susset, psychologue et thérapeute conjugale et familiale

Dre Françoise Susset, psychologue

Photo : Courtoisie

Un possible recul?

Mme Susset affirme par ailleurs que, contrairement au discours véhiculé la semaine dernière par des manifestants de la 1 Million March 4 Children, les écoles gèrent très bien la question de l’identité de genre.

Un guide à l’attention des milieux scolaires, Pour une meilleure prise en compte de la diversité sexuelle et de genre, existe depuis 2021 au Québec. Selon Mme Susset, les écoles doivent demeurer des espaces de soutien pour les jeunes, qu’il s’agisse d’explorer leur choix de carrière ou leur identité de genre.

Cette exploration-là, on l'a soutenue dans les années 80, 90, quand [...] les gais, les lesbiennes, les bisexuels, commençaient à dire : "Je ne sais pas trop ce que je ressens."

Une citation de Françoise Susset, psychologue

Aux parents qui s’inquiètent d’être tardivement informés des questionnements identitaires de leur enfant, Mme Susset rappelle que ce processus est normal, même si elle comprend qu’il s’agit d’un sentiment angoissant.

Les jeunes, souvent, vont cheminer pour se découvrir eux-mêmes, puis arriver à en parler à leurs parents en sachant [qui ils sont]. À ce moment-là, ils sont prêts à risquer ces relations qui sont les plus importantes, illustre-t-elle, insistant du même souffle sur l'importance capitale du soutien parental.

Quant aux craintes relatives aux soins de santé offerts aux jeunes trans et non binaires, la présidente de l’OPSQ, Joanie Heppell, rappelle qu’il s’agit d’un domaine à haut risque de préjudice et que pour cette raison, tout est extrêmement encadré.

Un membre du mouvement parental reçoit un doigt d'honneur d'un manifestant pour les droits LGBTQ+.

Des tensions sont survenues à Montréal et ailleurs au pays, le 20 septembre, entre certains partisans du mouvement parental et des manifestants défendant les droits LGBTQ+.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Les normes de pratique sont d’ailleurs de nature publique, car elles sont colligées dans un document de l’Association mondiale des professionnels en santé transgenre, accessible sur Internet.

Mme Heppell est donc d’autant plus inquiète que le gouvernement Legault n’utilise pas le mot experts pour parler de son futur comité, car plusieurs questions soulevant l'inquiétude d'une partie de la population semblent relever de la déontologie en sexologie, en psychologie ou en médecine.

Si un comité allait à l'encontre des standards de soins reconnus pour les clientèles trans, là, on pourrait faire face à quelque chose d'un peu troublant et ce serait un recul dans les soins, un recul dans les services.

Une citation de Joanie Heppell, présidente de l'OPSQ

Selon Mme Heppell, le gouvernement Legault a été un bon allié pour la communauté LGBTQ+ ces dernières années. Elle cite en exemple l’adoption d’un projet de loi pour interdire les thérapies de conversion.

Si le gouvernement veut poursuivre sur cette voie, il ne doit pas chercher à ouvrir un débat sur l’identité de genre, estime Joanie Heppell. Les études scientifiques sont nombreuses sur le sujet et la réalité des personnes trans et non binaires n’a rien de nouveau, rappelle-t-elle.

Si le comité peut faire une chose supplémentaire, ce serait d'éduquer davantage la population sur le vécu des enfants trans, des personnes trans.

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