Les migrants vénézuéliens s’interrogent sur leur sécurité à leur arrivée aux États-Unis

Des centaines de Vénézuéliens sont arrivés samedi à Eagle Pass, une ville américaine à la frontière avec le Mexique.
Photo : AFP / ANDREW CABALLERO-REYNOLDS
Des centaines de Vénézuéliens ressentent un sentiment doux-amer à leur arrivée samedi à Eagle Pass, une ville américaine à la frontière avec le Mexique, après avoir parcouru durant des semaines des routes dangereuses et franchi une épaisse forêt de barbelés.
Sommes-nous en sécurité?
demande Karlen Ramirez, en pleurs après avoir traversé le fleuve Rio Grande, qui sépare les États-Unis du Mexique, fuyant, comme des centaines de compatriotes, le Venezuela de Nicolas Maduro.
À Eagle Pass au Texas, une ville de 30 000 habitants devenue un des principaux points de passage vers les États-Unis, les autorités américaines ont créé une muraille de fils barbelés qui serpente près d'un terrain de golf.
Elle représente l'ultime obstacle du pénible périple qu'effectuent des milliers de migrants ayant fui leur pays pour des raisons économiques, sociales ou politiques, en quête du rêve américain
.
J'ai eu peur quand j'ai vu ça
, raconte Luis Duran, qui oscille entre sourires et larmes depuis qu'il a réussi à franchir les barbelés grâce à une brèche par laquelle sont entrés plus de 500 migrants samedi, en majorité vénézuéliens.

Des migrants à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. (Photo d'archives)
Photo : Getty Images / John Moore
Fuir la violence
On a été volés dans d'autres pays, maltraités
, explique l'homme de 37 ans, qui boite, blessé à la cheville après avoir dû sauter du toit d'un train sur lequel il a traversé une partie du Mexique avec sa famille.
Là-bas.
Il pointe du doigt le fleuve. Des hommes armés ont essayé d'enlever ma nièce
, lance-t-il en sanglots, serrant contre lui une fillette de 7 ans qui marche les yeux fixés vers l'horizon.
Mais le Venezuela, c'est pire. Nous avons peur de rester là-bas.
Maintenant, nous sommes plus détendus. Maintenant que nous sommes ici, tout ira mieux
, abonde sa sœur Lexibel Duran, 28 ans, mère de trois filles, avant d'être abordée par les gardes-frontières.
1,8 million de passages en moins d'un an
La police à la frontière américaine a officiellement enregistré 1,8 million de passages de migrants à sa frontière méridionale entre octobre 2022 et août 2023, sans compter les points d'entrée légaux.
L'administration Biden, sous pression de l'opposition républicaine qui l'accuse d'avoir transformé la frontière sud en passoire, tente de réduire l'immigration illégale tout en ouvrant davantage de voies légales.
Les États-Unis ont ainsi annoncé qu'ils allaient mettre en œuvre un programme d'aide aux réfugiés. Le ministre américain de la Sécurité intérieure Alejandro Mayorkas devait rencontrer samedi la présidente du Honduras, Xiomara Castro, à McAllen, ville frontalière du Texas.
En attendant, sur le terrain, les autorités poursuivent leur stratégie dissuasive.

La police à la frontière américaine a officiellement enregistré 1,8 million de passages de migrants à sa frontière méridionale entre octobre 2022 et août 2023. (Photo d'archives)
Photo : Reuters / JOSE LUIS GONZALEZ
Un convoi militaire américain amène samedi davantage de gardes armés et de fil barbelé pour colmater les brèches.
Des lambeaux de vêtements pendent sur la clôture, signe de la férocité des barbelés.
Mais rien n'entame la détermination des migrants, dont beaucoup ont parcouru des milliers de kilomètres à pied et affronté la terrible jungle du Darién, à la frontière entre la Colombie et le Panama.
Ils creusent des trous dans le sable ou déplacent les barbelés avec les mains pour se frayer un passage sous le regard des soldats de la garde nationale américaine, qui n'interviennent que lorsque les migrants ont franchi ce labyrinthe de fer pour les emmener aux postes frontaliers les plus proches.
Ça, ce n'est rien
, indique Dileidys Urdaneta, Vénézuélienne de 17 ans, en désignant les barbelés.
Parce que ce que nous avons vécu, ce qu'on a subi, est bien pire. Et ce que nous laissons derrière nous, c'est sans comparaison.
Cette adolescente qui est arrivée à Eagle Pass seulement munie de ses papiers d'identité, d'un téléphone déchargé et des vêtements qu'elle porte sur le dos dit avoir confiance dans le fait que désormais, tout ira pour le mieux
.
Les migrations font des dégâts irréversibles
à la jungle du Darién, dit le Panama
Le nombre record de migrants qui traversent la jungle du Darién, à la frontière entre la Colombie et le Panama, lui occasionne des dommages environnementaux irréversibles
, a déclaré samedi le gouvernement panaméen.

Un groupe de migrants vénézuéliens arrivent à Bajo Chiquito après une longue et pénible marche de dizaines de kilomètres dans la jungle. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron
Les dommages environnementaux irréversibles persisteront longtemps avant qu'on revienne à la normale. Il y a des dégâts et, chaque semaine, chaque jour, ils s'aggravent
, a dit à la presse le ministre panaméen de la Sécurité, Juan Manuel Pino, en visite dans le Darién avec son homologue costaricien, Mario Zamora.
Nous devons faire attention avec ça, parce que ça va affecter les générations futures, qui subissent les conséquences de la traite de ces personnes
, a ajouté M. Pino.
Cette frontière naturelle, qui sépare l'Amérique du Sud et l'Amérique centrale, est devenue le lieu de passage pour des milliers de migrants qui veulent arriver aux États-Unis en passant par l'isthme et par le Mexique.
Quelque 390 000 migrants sont entrés au Panama par cette jungle cette année, déjà bien plus que pour toute l'année dernière (248 000), selon les chiffres officiels.
Comme l'a constaté l'AFP, les migrants laissent dans la jungle une traînée de déchets : bottes, chaussettes, bouteilles en plastique, pantalons, soutien-gorge, tasses, brosses à dents et couches. Les ordures jonchent aussi les rives de la rivière Tuquesa.

Quelque 390 000 migrants sont entrés au Panama par cette jungle cette année, déjà bien plus que pour toute l'année dernière (248 000), selon les chiffres officiels. (Photo d'archives)
Photo : OIM / Gema Cortes
De Bajo Chiquito, les migrants montent dans des pirogues qui, pour 25 dollars par personne, les feront remonter pendant trois heures la rivière Tuquesa jusqu'à Lajas Blancas. De là, ils poursuivront leur route en bus jusqu'à la frontière du Costa Rica.
La plupart sont des Vénézuéliens, mais il y a aussi des Équatoriens, des Haïtiens, des Chinois, des Vietnamiens, des Afghans et des personnes originaires de pays africains. Les migrants sont également exposés aux bandes criminelles qui volent, kidnappent et violent.