La fermeture de centres de traitement des dépendances contribue à l’itinérance

Quelque 800 lits destinés aux populations vulnérables ont été retirés, selon des organismes communautaires.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Au moment où le nombre de personnes en situation d'itinérance est de plus en plus élevé au Québec, 16 centres de traitement des dépendances ont fermé leurs portes au cours des 10 dernières années, ce qui a retiré plus de 800 lits destinés aux populations vulnérables dans la province, estime la Coalition des organismes communautaires en dépendance.
La semaine dernière, le Sommet municipal sur l'itinérance a mis en lumière les demandes des villes au gouvernement du Québec pour remédier à cette crise. Parmi les solutions, les centres de traitement des dépendances doivent être pris en compte, plaide Nicolas Bédard, porte-parole de la Coalition.
On ne parle pas de traitement, on ne parle pas de les aider à sortir de leur misère. On parle de leur trouver un lit pour passer la nuit et qu'ils retournent dans la rue le lendemain ou qu'ils aillent consommer puis qu'ils retournent dans la rue par la suite.
Faisant référence aux centres d'injection ou d'inhalation supervisés, M. Bédard pense que la fermeture de centaines de lits dans les centres de traitement des dépendances a un impact direct sur la crise de l'itinérance au Québec.
La plupart des gens qui nous appellent, qui ont besoin d'aide, sont dans la rue
, précise-t-il.

Une femme quête dans la station de métro Beaudry à Montréal.
Photo : Radio-Canada / André Perron
Depuis 2013, la fermeture de centres en dépendance a provoqué le retrait de 830 lits destinés aux personnes bénéficiaires de l'aide sociale, a calculé M. Bédard, qui est aussi directeur d'un centre.
Oui, il faut leur trouver un logement, mais avant de leur trouver un logement, s'ils consomment, ils ne seront pas capables de payer le loyer et on va revenir au point [de départ]. Le prix des logements fait aussi partie du problème.
Les loyers sont tellement élevés que les pensionnaires qui terminent leur cure n'ont pas les moyens de se trouver un logement, dit-il. Donc, ils retournent dans les refuges, ils recommencent à consommer. C'est une roue qui tourne.
Aujourd'hui, les centres de traitement des dépendances sont pleins, si bien qu'une personne qui a besoin d'aide peut se retrouver sur une liste d'attente pendant plusieurs semaines, voire de un à deux mois. Avant la pandémie, les personnes dans le besoin étaient prises en charge en quelques heures, soutient le porte-parole de la Coalition.
Les centres, présentement, sont au maximum de leur capacité. [Cette situation dans un contexte de] dépendance, ce n'est vraiment pas bon, parce que quand une personne appelle dans un centre parce qu'elle a besoin d'aide en dépendance, c'est immédiatement qu'il faut que tu l'aides. On fait un lien direct avec l'augmentation des surdoses
, indique M. Bédard.
On commence à sentir qu'il y a des déficits opérationnels pas mal partout dans le réseau
, poursuit-il.
Ces problèmes sont causés par le faible financement des centres, par le fait que les sommes qui leur sont accordées ne sont pas indexées et par la hausse du salaire des employés des centres, qui a été instituée pour que ces emplois demeurent attractifs par rapport à ceux dans le réseau de la santé, explique M. Bédard.
Si le financement n'est pas augmenté, on croit que 50 % des centres existants vont fermer d'ici les 18 prochains mois.
Demande de rencontre avec le ministre Carmant
M. Bédard indique que la Coalition n'a pas rencontré le ministre des Services sociaux, Lionel Carmant, depuis 2021.
Durant la pandémie, on avait des rencontres quasiment mensuellement, les associations avec le secteur des dépendances à Québec
, a-t-il évoqué en disant qu'il espère rencontrer le ministre bientôt.
M. Bédard soutient qu'il n'est pas dans les plans
de M. Carmant d'augmenter le financement accordé aux centres de traitement des dépendances ou d'élargir le bassin de diplômés qui pourraient venir travailler dans les centres pour combler le manque de main-d'œuvre.
En 2021, nous avons rehaussé le financement de l'hébergement en dépendance de 6 millions de dollars à 10 millions de dollars annuellement, une augmentation de 66 % de leur financement
, a réagi par écrit l'attaché de presse du ministre Carmant, Lambert Drainville. Des rencontres ont eu lieu avec la COCD (Coalition des organismes communautaires en dépendance) et l'APOD (Association professionnelle des organismes en dépendance) au cours de l'été pour échanger sur la situation actuelle, en plus de divers échanges avec l'AQCID (Association québécoise des centres d'intervention en dépendance).
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Une rencontre entre le ministre et les associations est en planification pour les prochaines semaines
, a également indiqué M. Drainville, disant avoir reçu la demande de rencontre le 19 septembre.
En ce qui concerne l'élargissement du bassin de diplômés, nous sommes sensibles à leurs revendications, mais les exigences réglementaires pour les intervenants en RHD [ressources d'hébergement en dépendance] ont pour but de s'assurer de la sécurité des personnes hébergées et de la qualité des services offerts
, a-t-il écrit.
Après que La Presse canadienne eut contacté le cabinet de M. Carmant, la Coalition a reçu un courriel du bureau du ministre disant qu'une rencontre sera planifiée au début du mois d'octobre.