Dans l’œil d’Ivanoh : 30 secondes avec un chef d’État
Photojournaliste depuis plus de 20 ans, Ivanoh Demers nous livre ses coups de cœur parmi les images qui ont marqué l’actualité cette semaine. Survol des photos qui ont retenu son attention.

Le président de l'Ukraine, Volodymyr Zelensky, avec le président des États-Unis, Joe Biden, à Washington jeudi
Photo : Getty Images / Jim Watson
La couverture photo de visites de chefs d'État, comme celle du président de l'Ukraine Volodymyr Zelensky en Amérique du Nord, est un défi de taille.
Protocole oblige, chaque déplacement est prévu au quart de tour. Il y a peu de place pour l’improvisation. Après avoir été dûment accrédités et avoir passé plusieurs contrôles de sécurité, les photographes ont habituellement le droit à une séance photo
.

Le président de l'Ukraine Volodymyr Zelensky a rencontré le président des États-Unis, Joe Biden, jeudi, à Washington.
Photo : Getty Images / AFP/JIM WATSON
En arrivant sur place, il est primordial de choisir rapidement son emplacement. Être parfaitement centré peut faire la différence entre une bonne photo et une photo ordinaire.
C’est le temps de jouer du coude… un peu, mais pas trop.
Puis ils arrivent. En espérant que l’attaché de presse ou le gardien de sécurité ne marchera pas devant leurs sujets, les photographes commencent la cadence des images bien avant la poignée de main. Le langage corporel des individus lorsqu’ils tendent la main est souvent plus qu’intéressant.
Suit l’étape cruciale : trouver une façon de les interpeller pour qu’ils nous regardent dans les yeux. Malgré tout, cette séance photo dure habituellement (quand tout va bien) environ une minute.
Dans ce cas-ci, la première image centrée avec les cadres d’anciens présidents en arrière-plan fonctionne parfaitement. La main du président américain sur l’épaule de M. Zelensky démontre une proximité entre les deux. L’expression faciale est parfaite. Bravo!
La seconde image avec le point de vue sur le côté est nettement moins bonne.

Le président des États-Unis, Joe Biden, accueille le président de l'Ukraine Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche.
Photo : Getty Images / Drew Angerer
Autre visite, même scénario, cette fois à Ottawa
19 secondes. Je l’ai chronométré. Le temps de la sortie de la voiture du président ukrainien jusqu'à la poignée de main avec Justin Trudeau aura été plus que brève. Dans les circonstances, on fait ce qu’on peut.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est accueilli par le premier ministre canadien Justin Trudeau, à Ottawa.
Photo : Reuters / BLAIR GABLE
Immédiatement après le départ des dignitaires, c’est le tri. Parmi les quelques centaines d’images prises, les photographes ont le défi de choisir LA bonne photo et de l'envoyer le plus rapidement possible pour battre la compétition
.
17 minutes plus tard, la photo de l’agence Reuters est disponible sur les fils de presse. Les pupitreurs des divers médias publieront l’image reçue quelques minutes plus tard.
Mon clin d'oeil de la semaine

En 2009, le président des États-Unis Barack Obama a rendu visite au premier ministre du Canada, Stephen Harper.
Photo : IVANOH DEMERS/LA PRESSE
En 2009, j’ai eu le mandat de couvrir la visite du président américain Barack Obama, qui a été accueilli par le premier ministre Stephen Harper à Ottawa. L’entrée des deux politiciens avait été méticuleusement planifiée. Le protocole était clair : une marche à travers la rangée de drapeaux pendant 15-20 secondes, avant la symbolique poignée de main. Puis sortie vers la gauche.
Techniquement, mon plan était le suivant : première étape, le déclencheur de ma caméra en mode rafale! Pour les 10 premières secondes, j’ai opté pour mon objectif grand angle (16-35 mm) pour le début de la marche. Ensuite, j’ai choisi mon téléobjectif (70-200 mm) pour photographier les deux politiciens en plan rapproché.
Quelques secondes plus tard, les deux leaders avaient quitté le lieu de la séance photo.
À ma grande surprise, en visionnant mes images en post-production, j’ai aperçu un cliché inusité. En faisant un signe d’au revoir, Barack Obama cachait le visage du premier ministre Stephen Harper. Trouvant l’image originale, je l’ai envoyée parmi ma sélection finale.
L’image a rapidement fait son chemin sur les réseaux sociaux. Oui, en 2009, il y avait déjà des réseaux sociaux…
En toute transparence, dans ce genre d'événements, ça prend un peu d’intuition et parfois beaucoup de chance!