Les droits des parents de même sexe dans la mire du gouvernement italien
En Italie, le gouvernement de la première ministre Giorgia Meloni, formé de partis de droite et d'extrême droite, demande à des villes de cesser de délivrer des documents reconnaissant la parentalité de couples homosexuels.

Des membres de l'association Familles arc-en-ciel lors d'un défilé de la fierté à Monza, près de Milan.
Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair
« C’est difficile d’avoir une vie simple et banale », lance Maria Silvia Fiengo, aux côtés de sa fille Margherita, une jeune femme d’une vingtaine d’années.
Afin de fonder leur famille, Maria Silvia et sa femme Francesca ont dû surmonter beaucoup d’obstacles
.
En Italie, la procréation assistée n’est légale que pour les couples hétérosexuels. Afin d’avoir ses quatre enfants, dont Margarita, le couple s’est rendu aux Pays-Bas et en Belgique.
Mais une fois de retour en Italie, les droits des parents sont loin d’être acquis. La loi italienne ne reconnaît que le parent biologique, dans ce cas-ci, la mère qui a accouché.

Maria Silvia Fiengo, sa femme Francesca et leur fille Margherita.
Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair
Si tout marche bien, tu participes au quotidien et tu es un parent à 100 %
, explique l’avocat Alexander Schuster, qui précise que c’est en cas de problème que le vide juridique et législatif italien peut se traduire en cauchemar pour le parent non reconnu.
Si quelque chose se passe, tu n’as aucun droit.
L’avocat est bien placé pour le savoir, puisqu’il défend présentement Valentina, une femme de Padoue qui se bat devant les tribunaux et qui a perdu des droits de visite de ses enfants après sa séparation d'avec son ancienne conjointe.

L'avocat Alexander Schuster et sa cliente Valentina se préparent à se présenter devant le tribunal. Valentina tente de regagner le droit de voir ses filles.
Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair
Le combat juridique dure depuis plusieurs années, si bien que même si la cour finit par autoriser Valentina à revoir davantage ses jumelles, elle aura raté plusieurs années en leur compagnie.
J’ai perdu plusieurs années de leur croissance
, déplore Valentina.
Les Villes prennent les devants
Pour éviter qu’un scénario comme celui que vit Valentina se répète, des Villes comme Padoue et Milan ont décidé de remplir le vide juridique et de fournir elles-mêmes des documents officiels reconnaissant les parents de même sexe.

Valentina, qui vit à Padoue, n'a pas de droit sur ses filles, puisqu'elle n'est pas leur mère biologique.
Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair
Depuis quelques années, ces autorités municipales délivrent des certificats de naissance aux enfants de couples homosexuels.
Or, après l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Giorgia Meloni, une circulaire du ministère de l’Intérieur leur a demandé de cesser cette pratique, et même de révoquer des documents déjà existants dans le cas de Padoue. Dans cette seule ville, une trentaine d’enfants sont touchés par la mesure.
Les autorités estiment que ces certificats de naissance ne sont pas remplis correctement parce qu’il y a deux mères et que la loi italienne ne le prévoit pas
, explique Francesca Menarini, responsable des services démographiques à la ville de Padoue.
Le dossier est devant les tribunaux et les mères qui risquent de se faire retirer les certificats seront entendues par un juge en novembre.
Il y a clairement une volonté politique d’empêcher l’égalité des droits de ces familles
, dénonce Francesca Menarini.
Des impératifs politiques

Giorgia Meloni, lors d'un rassemblement électoral qui a précédé sa victoire aux élections de 2022.
Photo : Reuters / FLAVIO LO SCALZO
La première ministre Giorgia Meloni, au pouvoir depuis près d’un an, évoque plutôt une volonté de faire la promotion de la natalité pour défendre ses politiques sociales. L’Italie, dont le taux de natalité est le plus faible de l’Union européenne, est aux prises avec des problèmes démographiques majeurs.
En plus de la question des certificats de naissance, des élus du parti de Giorgia Meloni ont proposé une loi visant à criminaliser le recours à la gestation par autrui à l'étranger, une pratique déjà prohibée en Italie. La législation qui prévoit des amendes, voire des peines de prison, a été approuvée par une majorité de députés cet été et doit encore recevoir le feu vert du Sénat italien.
La maternité n’est pas à vendre
, déclarait Giorgia Meloni aux côtés du pape François dans le cadre d’une conférence sur la natalité au printemps.

La journaliste Anna Bonalume croit que Giorgia Meloni se concentre sur des thèmes sociaux pour assurer l'unité de sa coalition gouvernementale.
Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair
Selon la journaliste Anna Bonalume, des impératifs politiques expliquent aussi l’accent que la cheffe de gouvernement a décidé de placer sur ces questions sociales.
Les questions liées à la famille traditionnelle, à Dieu et à la foi sont depuis toujours des sujets traités par Giorgia Meloni
, explique-t-elle.
Par ailleurs, la journaliste explique que ce type de thème fait plutôt l’unanimité au sein de l’électorat de la coalition que dirige la première ministre, formée de partis allant de l’extrême droite au centre droit. Au contraire, d’autres questions, comme la gestion de la crise migratoire, sont source de division.
Georgia Meloni exploite ces sujets pour rassembler.
L’experte partage cette analyse dans le cadre du rassemblement annuel de la Ligue, l’une des formations appartenant à la coalition de Giorgia Meloni, où les politiques sociales de la première ministre obtiennent l’appui de plusieurs militants.

Au rassemblement de la Ligue, formation qui fait partie de la coalition gouvernementale italienne, des militants appuient les politiques sociales de la première ministre, Giorgia Meloni.
Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair
Un enfant a besoin d’un papa et d'une maman
, lance par exemple une responsable de cette formation politique.
C’est de l’idéologie, de la démagogie et de l’homophobie
, déplore Maria Silvia Fiengo, qui a contribué à créer une association nationale de parents de même sexe avec sa femme Francesca.
Après des années d’incertitude, les deux Milanaises ont obtenu de la Ville des certificats de naissance pour leurs enfants reconnaissant leur parentalité.
Puisque leur fille Margarita est aujourd’hui majeure, le retrait du document aurait une portée plus limitée que pour d’autres familles dont les enfants sont plus jeunes. N’empêche, un tel geste aurait un poids symbolique fort.

Maria Silvia Fiengo et sa fille Margarita, à Milan
Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair
On essaie de nous renvoyer au tout début de notre chemin
, déplore Maria Silva.
Sa fille Margherita se demande pourquoi le gouvernement italien choisit de se concentrer sur cette question avec tous les autres problèmes qui existent réellement
dans le pays.
Nous voulons simplement vivre notre vie en respectant les droits de tous en paix
, lance-t-elle.