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Envoyé spécial

La désertification menace un mode de vie millénaire en Mongolie

Les changements climatiques et l'activité humaine sont responsables de l’empiètement du désert de Gobi sur les terres dont dépend la survie des nomades.

Le désert de Gobi.

Le désert de Gobi.

Photo : Radio-Canada / Philippe Leblanc

Dans le sud de la Mongolie, où il ne pleut presque plus depuis trois ans, deux éleveurs nomades installent une pompe dans une rare étendue d’eau afin de puiser le précieux liquide et le rapporter à leur campement.

Cette eau est un trésor que la famille de l’éleveur Nergui ainsi que d'autres nomades du secteur vénèrent chaque jour, dans une des rares oasis du désert de Gobi.

Ce jour-là du début du mois d’août, Nergui et son fils de 17 ans parcourent plus de 10 kilomètres de terres sablonneuses jaunâtres et arides, de désolation majestueuse à perte de vue, afin de puiser l’eau qui étanchera la soif de leurs mille chèvres, moutons et chameaux.

Ce parcours quotidien est une priorité et une mission de plus en plus difficile à remplir.

L’eau suffit à peine pour les animaux, explique Nergui. Pour notre propre consommation, je dois aller au village le plus proche pour acheter de l’eau. Le village est situé à 20 kilomètres de notre campement.

Son nom symbolise son mode de vie simple de nomade. Nergui signifie littéralement sans nom en langue mongole. Il est éleveur nomade depuis 20 ans. Il a hérité des animaux de son grand-père.

La famille gagne sa vie en vendant la laine des animaux pour en faire du cachemire. Les bêtes à maturité seront ensuite vendues à des abattoirs. Jusqu’à il y a trois ans, les migrations annuelles au rythme des saisons se limitaient aux territoires familiaux traditionnels situés dans le sud de la Mongolie, près de la frontière avec la Chine.

Des chèvres et des moutons sur la steppe.

Le berger de Nergui parmi ses bêtes.

Photo : Radio-Canada / Philippe Leblanc

Cet endroit n’a presque pas vu de pluie depuis 2020. Nergui, sa famille et leur employé errent donc constamment depuis trois ans, à la recherche d’étendues d’eau et de pâturages de qualité qui se font de plus en plus rares.

Nous nous sommes arrêtés ici en juillet, car ça nous semblait convenable pour les animaux, soutient Nergui. Normalement, on essaie de nous chasser de territoires comme celui-ci, mais j’ai payé celui qui dit posséder ces terres désertiques afin d’avoir la paix.

Les disputes entre éleveurs nomades sont d’ailleurs plus fréquentes dans ce pays où, encore aujourd’hui, près d’un habitant sur trois adopte ce mode de vie ancestral.

La Mongolie est un vaste territoire semi-aride composé de steppes et du désert de Gobi. Le cinquième plus grand désert de la planète gruge de plus en plus de pâturages.

Changements climatiques et activité humaine

Dans une pièce ornée de cartes satellite, une responsable de l’organisme météorologique national de Mongolie explique que la désertification affecte à divers degrés plus des trois quarts du territoire (76,9 %). Le sable empiète sur l’herbe et le sol s’est appauvri.

Les changements climatiques, mais aussi les activités humaines, en sont responsables, affirme Erdenetsetseg Baasandai, la directrice de la recherche en agro-météorologie pour l’Institut météorologique national de Mongolie.

Des montagnes dénudées au milieu des steppes.

Le désert s'étend sur la steppe en Mongolie.

Photo : Radio-Canada / Philippe Leblanc

La température annuelle a augmenté de plus de 2 degrés en 80 ans en Mongolie, les précipitations estivales sont plus courtes et plus intenses, les hivers sont plus rigoureux. Les précipitations dites utiles ont donc chuté de près de 8 %.

L’exploitation minière accrue de grands conglomérats internationaux, dont le gigantesque complexe pour l’extraction de minerais de cuivre Oyu Tolgoi de Rio Tinto, mais aussi le comportement des éleveurs nomades accélèrent la désertification. Depuis 1990, les cheptels d’animaux ont plus que doublé, dévorant davantage de pâturage et asséchant encore plus les rares sources d’eau.

En tant que Mongole, je suis très inquiète, affirme Erdenetsetseg Baasandai. Il faudrait que les éleveurs nomades exercent un autre métier. Si on regarde les projections pour 2050 et 2060, c’est très pessimiste. Les pâturages ne seront plus assez nombreux.

La Croix-Rouge de Mongolie mène d’ailleurs une campagne de sensibilisation auprès des éleveurs depuis quelques années et offre même des bourses afin que les nomades transforment leurs habitudes pour pratiquer de l’élevage durable et de meilleure qualité.

En Mongolie, en ce moment, si vous avez beaucoup de bétail, vous êtes riche, affirme Nyamkhuu Chuluunkhuu, le responsable de la division des changements climatiques pour la Croix-Rouge de Mongolie. Mais si votre petite quantité de bétail peut donner une production égale ou des revenus équivalents, alors c'est intelligent et durable.

Nergui et sa famille à leur campement.

Nergui et sa famille à leur campement.

Photo : Radio-Canada / Philippe Leblanc

Dans le désert de Gobi, Nergui mène une vie de liberté, toute simple, mais éreintante. Il n’est plus certain de vouloir la poursuivre, compte tenu de cette nouvelle réalité.

Si l’année prochaine est aussi difficile que les dernières, je vais me rendre en ville pour essayer de trouver du travail.

Il préférerait cependant poursuivre sa vie de nomade jusqu’à ce que sa plus jeune, qui a 10 ans, termine des études universitaires.

La désertification en Mongolie menace un mode de vie millénaire et des experts affirment qu’il pourrait s'agir d’un prélude aux changements et aux conflits sociaux que les changements climatiques risquent d’apporter ailleurs sur la planète. Le problème est si criant que le pays sera l’hôte en 2026 de la COP17, la conférence des Nations Unies sur la désertification.

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