L’opposition contre les revendications de la Nation métisse de l’Ontario se poursuit

John Turner, leader autochtone des Teme-Augama Anishnabai (Première Nation de Temagami), accuse la Nation métisse de l'Ontario d'avoir utilisé une photo de ses ancêtres pour illustrer la présence des Métis dans la région.
Photo : CBC/Brett Forester
Environ 200 personnes ont manifesté mercredi devant le parlement à Ottawa pour protester contre le projet de loi C-53, aussi connu sous le nom de loi sur la reconnaissance de certains gouvernements métis en Alberta, en Ontario et en Saskatchewan et sur l'autonomie gouvernementale métisse.
Les membres de plusieurs Premières Nations affirment que le gouvernement fédéral ne les a pas consultés avant de reconnaître la Nation métisse de l’Ontario (NMO).
Les manifestants disent aussi qu’Ottawa n’a pas correctement vérifié l’identité métisse des membres de la NMO avant de signer une nouvelle entente d'autogouvernance.
Le projet de loi C-53, qui a été adopté en deuxième lecture en juin dernier, doit ratifier cette entente, et les chefs de l’Ontario, qui représentent 133 Premières Nations dans la province, en demandent l’annulation.

Les chefs de l'Ontario affirment que le projet de loi C-53 met à risque les droits des Premières Nations.
Photo : CBC/Brett Forester
Cette demande a reçu mercredi l’appui de l’Assemblée des Premières Nations (APN), qui regroupe quelque 600 Premières Nations dans tout le Canada.
La cheffe nationale par intérim, Joanna Bernard, a indiqué aux manifestants qu'elle a écrit au premier ministre Justin Trudeau pour le presser de mettre le projet de loi à pause le temps que des consultations soient menées.
Jusqu’à maintenant, le gouvernement fédéral n’a donné aucune indication concernant un possible retrait du projet de loi.
Une présence historique fabriquée, selon les Premières Nations
Ce conflit est né de la reconnaissance en 2017 de six nations métisses en Ontario.
La nation métisse est née à la fin du 18e siècle dans les Prairies en tant que peuple distinct d'origine mixte (Premières Nations et Européens).
Or, la décision du gouvernement ontarien a étendu leur territoire jusqu’à la rivière des Outaouais, à la frontière entre l’Ontario et Québec.
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Plusieurs membres de Premières Nations du Nord de l’Ontario affirment que leurs ancêtres n’ont jamais parlé de la présence de Métis sur leur territoire.
C’est une pure fabrication de la province et du gouvernement fédéral
, clame Scott McLeod, le chef de la Première Nation de Nipissing, près de North Bay.
Les Métis de l’Ontario célèbrent l’anniversaire d’une décision marquante
De son côté, la présidente de la NMO, Margaret Froh, accuse les Premières Nations de négationnisme et de mauvaise foi.
Elle s’appuie notamment sur la décision Powley, une décision de la Cour suprême du Canada qui affirmait l’existence d’une communauté métisse historique dans la région de Sault-Sainte-Marie.
La NMO a d’ailleurs produit un documentaire intitulé The Hunt for Justice : The Powley Story pour souligner le 20e anniversaire de la décision qui avait été rendue le 19 septembre 2003.

Margaret Froh espère que le documentaire aidera à faire comprendre la lutte des Métis de l’Ontario pour faire reconnaître leurs droits. (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Le chef de la Première Nation de Gull Bay, Wilfred King, avance pour sa part que la décision Powley a été mal interprétée et mal appliquée
.
Selon lui, la Cour suprême a seulement indiqué que les Métis avaient des droits concernant la chasse dans la région de Sault-Sainte-Marie mais que cela ne portait pas sur des droits territoriaux.
Oui, nous reconnaissons que les Métis ont des droits en Ontario, mais [ce sont] des droits très limités.
David Chartrand est le président de la Fédération métisse du Manitoba, qui s’est séparée du Ralliement national des Métis en raison de la question des communautés métisses ontariennes.
Il accuse la NMO d’utiliser les symboles et la culture des Métis de la rivière Rouge pour camoufler
des revendications sans fondement.
Ces propos sont jugés ironiques par le conseiller régional de la NMO, Mitch Case, qui rappelle que M. Chartrand avait salué la décision Powley à l’époque en affirmant que ça donnerait le ton pour le futur de la communauté métisse
.
Honnêtement, certaines des personnes qui s’opposent à nous maintenant étaient parmi celles qui étaient les plus enthousiastes à notre égard il y a 20 ans.
M. Case dit aussi avoir encore en sa possession un communiqué de presse de l’APN qui félicitait les Métis pour leur victoire dans l’affaire Powley.
Dire à ma communauté que nous n’existons pas, dire à ma fille qu’elle n’a pas de culture ni d’histoire, pour moi, c’est un non-lieu
, conclut-il.
Avec les informations de Brett Forester, de CBC