« On ne dort pas » : les résidents de « l’allée du crack » à bout de patience
« Le statu quo n'est plus possible », reconnaît le cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante.

Ce résident d'un logement social subit quotidiennement les nuisances causées par la consommation de drogue devant son balcon.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
« J’en pleure et pourtant je suis un homme solide », raconte Daniel, 52 ans, dont le balcon donne directement sur la rue Berger, à deux pas du centre d'injection supervisée CACTUS. Deux mois et demi après la médiatisation de leur « enfer », les résidents sont arrivés au point de réclamer le départ du centre qu'ils acceptaient tant bien que mal jusqu'ici.
Jeudi matin, l'organisme de logements sociaux Un toit en ville a convoqué les médias pour demander que CACTUS déménage
. L'OSBL d'habitation et ses résidents déplorent la dégradation de leur milieu de vie
depuis l'implantation du lieu où des toxicomanes viennent consommer dans un environnement sécuritaire.
Pour les voisins de la rue Berger et de la rue Charlotte, au coin, le problème vient surtout de l'extérieur du centre d'injection. Il y a toujours du trafic en avant, de la vente de drogue, des gens qui flânent
, se désole Daniel. Des fois, je vais être jusqu’à six heures du matin sans dormir.

La rue Berger, en plein jour, photographiée par l'organisme Un toit en ville
Photo : Radio-Canada / Marie-Josée Paquette-Comeau
On entend du monde s’obstiner pour des échanges de drogue, on entend du monde gueuler, on entend du monde sortir du CACTUS et faire des psychoses. Les ambulances passent toujours…
Les surdoses sont une réalité quotidienne dans la rue. Ça nous fait de la peine de voir ça, à tous les jours. Quelqu’un est mort en avant de mon balcon
, raconte Daniel. Tu penses que ça n’affecte pas?
Le résident nous a fourni des vidéos qu'il a filmées de chez lui sur cette petite rue du Quartier des spectacles.
Il assure ne pas en vouloir aux toxicomanes, ils ont besoin d'aide
. Il en veut plutôt à la Ville de Montréal. Il cherche d'ailleurs un avocat pour intenter une poursuite contre la municipalité. On a honte d’habiter dans la rue
, dit-il.
Des changements, mais pas assez, selon les voisins
Plusieurs résidents remarquent plus de patrouilles policières dans la rue depuis le reportage de Radio-Canada, début juillet, ce que confirme le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Le SPVM assure avoir réalisé des opérations qui ont mené à plusieurs arrestations ayant permis de réduire les problématiques reliées au trafic de stupéfiants
, dans le quartier.
Pour le reste, le seul changement visible est l'installation d'une toilette chimique, comme les immeubles aux alentours se plaignaient d'excréments dans leur entrée.

Du matériel pour se droguer, comme des seringues, sur le trottoir de la rue Berger.
Photo : Radio-Canada
Un bac à seringues a aussi été installé, mais Daniel aimerait plus d'éclairage, car, comme ses voisins, il a peur de sortir le soir : La nuit, c’est comme Noël, on voit des lighters allumés partout, en train de chauffer des pipes à crack.
Dans la rue Charlotte, l'immeuble à condos Le District a engagé un gardien de sécurité de 23 h à 7 h, au mois d'août, pour un coût de 120 000 $ par année.
« Ces gens-là suscitent le rejet de tout le monde », se désole CACTUS
Le directeur général de CACTUS Jean-François Mary se dit surpris et déçu par la conférence de presse d'Un toit en ville, alors que l'idée n'a pas été abordée par l'organisme, lors de la plus récente réunion du comité de bon voisinage.
Je me surprends du fait qu'un organisme communautaire en logement fasse du "pas dans ma cour" avec un autre organisme communautaire
. Mais le directeur ne serait pas opposé à un déménagement : Si Un toit en ville veut partir une campagne de financement pour CACTUS afin de trouver un bâtiment ailleurs, je suis partant.

Jean-François Mary, directeur général de Cactus Montréal
Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet
Il a bon espoir que les actions discutées en comité de bon voisinage vont porter fruit. Je ne vois pas ce que cette conférence de presse va apporter de constructif dans la situation actuelle.
Les voisins de CACTUS sont à côté du principal service en réduction des méfaits de la province et donc, de fait, il y a de la circulation de gens qui consomment des drogues [...] C'est normal qu'on ait ces réactions, puisque ces gens-là suscitent le rejet de tout le monde et la peur.
Grâce à l'annonce d'un financement supplémentaire, cet été, du ministre responsable des Services sociaux Lionel Carmant, CACTUS pourra ouvrir sa salle d'injection supervisée une heure de plus.
Les ressources œuvrant pour la réduction des méfaits, comme le fait CACTUS, sont essentielles
, surtout dans ce quartier, écrit par courriel le cabinet de la mairesse de Montréal.
L'administration de Valérie Plante assure être très sensible aux préoccupations des résidents et des commerçants du secteur
et partager leur désarroi
.
Cette situation est devenue inacceptable pour de nombreux voisins, c’est pourquoi la Ville de Montréal et l’arrondissement sont plus que jamais mobilisés, aux côtés des partenaires communautaires et institutionnels pour assurer une cohabitation sociale harmonieuse.
Le bureau de la mairesse rappelle le cri du cœur des maires de partout au Québec qui ont interpellé le gouvernement Legault, début septembre, au sujet de la combinaison de crises (logement, itinérance, surdoses, santé mentale) qui frappent leurs rues. Le statu quo n'est plus possible.