Le casse-tête des boîtes à lunch

L’école, le service de garde ou le corps enseignant jouent parfois à la « police de la boîte à lunch » en imposant de nombreuses restrictions.
Photo : getty images/istockphoto / Angelina Zinovieva
Qui dit rentrée scolaire dit retour des boîtes à lunch. Et pour bien des parents, cela signifie aussi un casse-tête quotidien pour se conformer aux diverses restrictions imposées par l’école, le service de garde ou encore l’enseignant de leur enfant.
C’est que, depuis plusieurs années, les restrictions se multiplient. Si avant, on s’en tenait à l’interdiction des arachides, en raison d'allergies alimentaires, maintenant, certains parents doivent composer avec l’interdiction des collations faites maison, par exemple, ou encore s’en tenir au fameux trio fruit, légume, fromage
.
Certains parents doivent même limiter les déchets et les emballages à usage unique dans la boîte à lunch.
Pour ajouter à la confusion, les règles sont parfois différentes selon le moment de la journée où l’aliment est consommé par l’enfant. Un aliment est parfois accepté le midi, mais interdit l’après-midi au service de garde.
Véronique Tremblay, maman de trois enfants de la région de Québec, se désole du peu de choix qui s’offre à elle et ses enfants quand vient le temps de faire la boîte à lunch.
Il faut que ça change! Mais c'est compliqué, déplore-t-elle. Il faut passer par le comité, mais le personnel y est en plus forte majorité, donc ça ne change pas. Je voudrais, par exemple, mettre des protéines à mes enfants dans chaque collation, mais je n'ai le droit qu'à du fromage ou des yogourts à boire et, personnellement, je n'aime pas acheter des yogourts à boire pour de la consommation quotidienne. Je les gardais pour des surprises de temps en temps
.

Pour Véronique Tremblay, maman de trois enfants, faire les boîtes à lunch pour la famille est un véritable casse-tête.
Photo : Radio-Canada / L'épicerie
On cuisine en famille, sans sucre raffiné, sans gras. On ajoute des graines de lin, on varie nos types de farine, etc. Mais les enfants ne peuvent pas manger ce qu'ils cuisinent, sauf comme dessert au dîner.
Qui décide?
Mais qui, finalement, est autorisé ou non à se mêler du contenu de la boîte à lunch de votre enfant? Peut-on, par ailleurs, lui interdire de manger un aliment soi-disant non conforme?
Selon Lucie Laurin, qui est diététiste-nutritionniste et coordinatrice des projets en alimentation à l’Association québécoise de la garde scolaire, il persiste un flou quant aux responsabilités de chacun quand on parle de boîtes à lunch.
Il y a une politique-cadre qui, en principe, encadre ce qui doit être fait à l'école, mais pas ce qu'il y a dans la boîte à lunch [faite par les] parents. Il y a beaucoup de règles arbitraires que les écoles se donnent. Ça peut être les écoles, ça peut être les enseignants, ça peut être les services de garde, de chaque intervenant.

Lucie Laurin, diététiste-nutritionniste et coordinatrice des projets en alimentation à l’Association québécoise de la garde scolaire
Photo : Radio-Canada / L'épicerie
Selon elle, c’est avant tout une mauvaise compréhension du rôle de chacun, puisque tous les centres de services scolaires que nous avons contactés nous ont affirmé n’avoir aucune politique interdisant un aliment, sauf pour les arachides.
Certaines écoles, enseignants, éducateurs en service de garde pensent donc que c’est leur devoir de déterminer ce que les enfants ont le droit de manger ou non à l’école.
Il y va un peu de leur propre vision de l'alimentation, et donc, si elles jugent que certains aliments doivent être interdits, ces écoles vont l'interdire. Ça devient ultra compliqué pour les parents parce que d'une année à l'autre ça change
, souligne Lucie Laurin. En plus, ajoute-t-elle, en ce qui concerne l'alimentation des enfants, qui provient de la maison, il n'y a rien qui a été demandé aux écoles de gérer, à part dans certains cas par rapport aux allergies alimentaires.
La nutritionniste en pédiatrie Cosette Gergès abonde dans le même sens, et c'est pourquoi elle a créé cette fiche à insérer dans la boîte à lunch.

Un exemple de fiche à insérer dans la boîte à lunch
Photo : Cosette Gergès
Elle invite les parents à l’utiliser à leur tour afin d’éviter les malentendus ou les situations indésirables.
Ce qu'on va proposer vraiment aux éducatrices, c'est de ne pas faire de retrait. Au contraire, de discuter avec le parent, de ne pas mettre l'enfant en sandwich. [...] C'est une discussion qui a lieu entre adultes. Il faut avoir une attitude plutôt positive et laisser l'enfant maître de sa boîte à lunch.
Une politique-cadre en révision
La politique-cadre Pour un virage santé à l'école
, qui a été mise en application en 2007, est actuellement en révision. Lucie Laurin espère que les rôles de chacun dans l'alimentation des enfants à l’école y seront encore mieux définis.
En attendant, elle propose, par l’entremise de l’Association québécoise de la garde scolaire, une formation pour guider le personnel des écoles vers une approche démocratique de l’alimentation.
Les enfants sont très en mesure d'écouter leurs signaux de faim et de satiété, d'avoir leur autonomie par rapport à leur alimentation
, tient-elle à rappeler.