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La loi fédérale sur la prostitution est constitutionnelle, tranche un tribunal ontarien

Un regroupement de travailleurs du sexe affirmait que le modèle scandinave actuel est plus dangereux que l'ancien modèle.

La silhouette d'une femme qui porte des talons hauts.

La Cour supérieure souligne que les infractions à la loi permettent également aux prostituées de prendre des mesures de sécurité pour se protéger. (Photo d'archives)

Photo : iStock

La Cour supérieure de l'Ontario statue que la loi fédérale sur la prostitution est bien constitutionnelle et que les droits des travailleurs du sexe inscrits dans la Charte sont relativement protégés. C'est une première défaite pour l'Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe, qui soutenait le contraire.

Le tribunal écrit notamment que la réponse du Parlement à une préoccupation urgente et réelle est un régime législatif soigneusement élaboré qui interdit l'exploitation, l'aspect le plus néfaste du commerce du sexe, tout en protégeant les travailleuses du sexe contre toute poursuite.

La Cour supérieure souligne que la loi permet aussi aux prostituées de prendre des mesures de sécurité pour se protéger.

Les infractions liées à la communication, à la perturbation de la circulation sur la voie publique et à l'achat de services sexuels sont conformes à la Charte, selon la Cour supérieure de l'Ontario.

Le juge Robert F. Goldstein écrit en outre que la décriminalisation de la prostitution pourrait peut-être mieux réglementer le commerce du sexe, mais qu'il revient au Parlement de légiférer à ce sujet et non aux tribunaux.

Des documents judiciaires posés sur une table.

Le jugement de 148 pages du juge Robert Goldstein de la Cour supérieure de l'Ontario.

Photo : Radio-Canada / Jean-Philippe Nadeau

L'Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe soutenait lors des audiences en octobre 2022 à Toronto que la loi était contre-productive, parce qu'elle favorise la stigmatisation des prostitués et encourage la violence à leur encontre plutôt que d'en réduire les risques.

Cette alliance, qui réunit 26 associations du pays, plaide en faveur de la décriminalisation de la prostitution au Canada.

Selon elle, la législation enfreint plusieurs articles de la charte canadienne, comme le droit à la sécurité et à la vie ainsi que les libertés d'association et d'expression, parce qu'elle force les travailleurs du sexe à travailler dans la clandestinité.

Une femme marche dans la rue, la nuit.

Le gouvernement Harper avait adopté le modèle scandinave après sa défaite au sujet de l'arrêt Bedford de la Cour suprême du Canada en 2013.

Photo : Getty Images / Sébastien THOMAS - STH Photograp

C'est la première fois que la nouvelle loi de 2014 était soumise dans son ensemble au test des tribunaux.

Certes, plusieurs jugements en matière de prostitution au Canada ont été cassés ou confirmés, mais ces causes concernaient des travailleurs du sexe qui avaient été arrêtés pour sollicitation, comme N.S. en Ontario.

D'ailleurs dans la cause de N.S., la Cour d'appel de l'Ontario avait souligné que la loi était bien constitutionnelle. La Cour suprême du Canada avait par la suite refusé d'entendre l'appel de N.S.

Après sa défaite devant la Cour suprême du Canada en décembre 2013 dans l'arrêt Bedford, le gouvernement Harper avait retenu le modèle scandinave pour criminaliser la prostitution au pays.

La loi criminalise donc depuis 2014 l'achat de services sexuels plutôt que l'offre de tels services, si bien que les clients sont maintenant pénalisés.

Le proxénétisme et toute publicité entourant la promotion de services sexuels sont également prohibés.

Une femme en entrevue.

Sandra Wesley dirige la Maison Stella, un organisme communautaire de Montréal qui œuvre pour les travailleurs du sexe.

Photo : Radio-Canada / Mark Bochsler

L'Alliance se dit déçue de la décision, mais pas surprise. Elle croit qu'elle a maintenant des arguments juridiques sur lesquels ses avocats pourront se concentrer en vue d'un appel.

Le jugement confirme ce que nous disons au public depuis des années, c'est-à-dire que la loi ne vise pas à nous protéger et qu'elle crée des conditions de travail qui sont dangereuses, explique Sandra Wesley, la directrice de la Maison Stella de Montréal, qui fait partie des 26 organisations de l'Alliance.

Il est par ailleurs faux de croire, selon elle, que c'est aujourd'hui le client qui est pénalisé et que la travailleuse du sexe est décriminalisée.

La Cour d'appel de l'Ontario au centre-ville de Toronto.

Aucune date n'a encore été fixée pour entendre la cause devant la Cour d'appel de l'Ontario, mais cela ne sera pas avant 2025, probablement.

Photo : AVEC L'AUTORISATION DE SARA LITTLE

On ne va pas accepter cette idée selon laquelle la violence envers les travailleuses du sexe est permise, qu'elle est tolérable et qu'elle est compatible avec la Charte et je pense que le public canadien va être de notre côté sur cet argument-là, poursuit-elle.

Sandra Wesley demande au gouvernement fédéral de prendre ses responsabilités, parce qu'elle souhaite que des changements soient apportés à la loi lors de la rentrée parlementaire, à l'automne.

On espère que le nouveau ministre de la Justice va se rendre à l'évidence que d'aller devant les tribunaux pour défendre le droit de causer de la violence aux travailleuses du sexe n'est pas quelque chose qui soit compatible avec les valeurs du gouvernement actuel, conclut-elle

Gros plan sur la Charte canadienne.

L'Alliance soutenait que la loi fédérale enfreint les articles 2, 7 et 15 de la Charte au sujet des libertés d'association et d'expression, le droit à la vie et la sécurité et la protection contre toute discrimination.

Photo : Radio-Canada / David Horemans

La coordonnatrice de l'Alliance, Jen Clamen, parle d'un affront aux travailleuses du sexe du pays et qualifie le jugement de troublant.

La suggestion selon laquelle les travailleuses du sexe ne connaissent pas les lois qui les concernent est probablement la plus déconcertante des déclarations du juge Goldstein, écrit-elle dans un communiqué.

Mme Clamen se dit troublée par le fait que le magistrat ait écarté l'idée selon laquelle les prostituées sont violentées, stigmatisées et marginalisées dans la société.

Elle affirme que le jugement comporte de grosses erreurs qu'il sera facile de défaire devant la Cour d'appel de l'Ontario.

L'Alliance renouvelle son appel au gouvernement Trudeau pour décriminaliser la prostitution au pays comme elle l'avait fait il y a cinq ans.

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