Qui dirigera l’Espagne? Les indépendantistes catalans le détermineront peut-être
Puisqu'aucun des grands partis n’a obtenu la majorité aux élections législatives de juillet, les indépendantistes catalans sont courtisés pour leur appui.

Les indépendantistes catalans pourraient déterminer la couleur du prochain gouvernement espagnol à Madrid.
Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair
Joaquim Forn, ancien ministre catalan, a passé plus de trois ans et demi en prison pour avoir contribué à organiser le référendum sur l’indépendance de 2017. Il a notamment été accusé de sédition et de rébellion par Madrid.
S’il a quitté sa cellule il y a un peu plus de deux ans après avoir été gracié, l’ancien ministre rappelle que certains dirigeants de son mouvement vivent toujours en exil. Comme d’autres, Joaquim Forn demande au gouvernement espagnol d'accorder l'amnistie aux Catalans qui ont subi des conséquences judiciaires pour leur implication dans le référendum.
La première chose que nous demandons pour nous asseoir, pour commencer à parler, c'est la fin de la répression. C'est une amnistie pour toutes les personnes qui sont condamnées ou qui vont être condamnées.
La demande a d’ailleurs également été formulée par l’ancien président de la région, Carles Puigdemont, toujours exilé à Bruxelles, en Belgique.

Joaquim Forn a passé plus de trois ans et demi en prison pour avoir organisé le référendum sur l'indépendance de la Catalogne en 2017.
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Si les indépendantistes catalans du parti Junts per Catalunya, la formation de MM. Forn et Puigdemont, se sentent aujourd’hui en position de force pour réitérer cette demande, c’est que la carte électorale joue en leur faveur.
Les élections législatives espagnoles de juillet se sont terminées sans vainqueur clair. La principale formation de droite, le Parti populaire, a obtenu un peu plus de sièges que son principal adversaire, le Parti socialiste, mais semble moins en mesure de former une coalition qui lui permettrait de s’installer au pouvoir.
Le premier ministre socialiste sortant, Pedro Sanchez, a de son côté l’appui de plusieurs autres formations, mais aurait besoin de quelques voix de plus pour se maintenir au gouvernement. L’appui des sept députés indépendantistes de Junts per Catalunya devient donc crucial.

Plus de 100 000 personnes se sont réunies à Barcelone pour la Fête nationale de la Catalogne, le 11 septembre. Selon les organisateurs, le nombre de participants était bien plus élevé.
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Nous sommes prêts à parler
, a déclaré le porte-parole socialiste Ferran Pedret le 11 septembre, en marge d’une cérémonie organisée à Barcelone dans le cadre de la fête nationale de la Catalogne.
Toutefois, les socialistes jugent prématuré de déterminer les questions qui seront abordées et rappellent que les pourparlers devront se dérouler dans le respect de la Constitution espagnole
.
Des négociations risquées pour Pedro Sanchez
Lors de son premier mandat au pouvoir, Pedro Sanchez avait décidé de gracier neuf dirigeants catalans emprisonnés, dont Joaquim Forn, une décision qui, à l’époque, avait suscité de vives critiques de la droite.
Cette fois-ci, la possibilité d’offrir une amnistie aux membres du mouvement indépendantiste pourrait être mal perçue au sein même de la base électorale du premier ministre de gauche, croit Xavier Arbós, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Barcelone.
Les indépendantistes exigent des conditions difficiles qui peuvent coûter des voix parmi les électeurs du parti socialiste
, analyse-t-il. L’expert précise toutefois que certains sondages montrent qu’environ 40 % de la population espagnole serait favorable à une amnistie.

Le professeur de droit constitutionnel Xavier Arbos croit que, malgré les risques, le premier ministre socialiste Pedro Sanchez tentera d'obtenir l'appui des indépendantistes catalans.
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En fait, il y a beaucoup d'électeurs socialistes qui croient que le mouvement indépendantiste a fait quelque chose de très comparable à une tentative de coup d'État.
Malgré ce contexte, Xavier Arbós croit que Pedro Sanchez tentera de conclure une entente avec les indépendantistes de Junts per Catalunya pour conserver le pouvoir. Le malaise que cette amnistie aurait pu provoquer parmi ses électeurs pourrait être digéré
au terme d’un nouveau mandat.
Profiter de l’occasion pour demander davantage?
Vu la position de force que leur procure la carte électorale espagnole, certains militants indépendantistes croient que leurs dirigeants devraient profiter de l’occasion pour formuler plus de demandes auprès de Madrid.
C’est un moment très important dans l’histoire de la Catalogne
, déclarait à notre micro Anna, une militante indépendantiste rencontrée en marge d’une manifestation pour la Fête nationale de la Catalogne.
La ligne à fixer devrait être l’amnistie, l’autodétermination et un référendum
, ajoutait son amie Mireia, convaincue que les politiciens indépendantistes devaient également profiter de l’occasion pour rapatrier en Catalogne des pouvoirs du gouvernement central.

Selon les sondages, environ 40 % de la population catalane serait favorable à l'indépendance, mais une vaste majorité souhaiterait pouvoir se prononcer sur l'avenir de la région.
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Selon des sondages, l’appui à l’indépendance serait d'un peu plus de 40 % au sein de la population catalane, mais la volonté de pouvoir se prononcer sur l’avenir de la région dépasserait les 75 %.
On va aller aussi loin que possible
, assure Joaquim Forn, qui comprend néanmoins pourquoi le dirigeant de son mouvement, Carles Puidgemont, n’a pas, pour l’instant, fixé la tenue d’un nouveau référendum dans les conditions à être négociées au préalable avec les socialistes de Pedro Sanchez.
Tu négocies avec une autre personne et cette autre personne peut dire non
, explique l’ancien ministre pour illustrer la sensibilité des négociations à venir.
Pour Joaquim Forn, ce processus représente en tous cas une occasion en or pour tenter de raviver le mouvement indépendantiste qui a notamment été marqué par des rivalités entre différents partis ces dernières années.
C’est une occasion qu’on ne peut pas perdre
, dit-il, ne sachant pas quand il reverra le centre politique de l’Espagne se déplacer à Barcelone, à plus de 600 kilomètres de Madrid.